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ROLLAND Romain : sa vie et son oeuvre

Publié le 01/12/2018

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ROLLAND Romain (1866-1944). Homme des xixe et xxe siècles, Romain Rolland a tenu une place non négligeable dans l’histoire de son temps. Et pourtant il est mal connu. Auteur de textes scolaires extraits de Jean-Christophe, traître à la patrie avec Au-dessus de la mêlée, compagnon de route propagandiste de la Révolution soviétique..., que d’étiquetages — que de clichés — à

 

son propos! Cet homme, il est vrai, qui a souvent repris à son compte le « Meurs et deviens! » de Goethe, semble toujours échapper à la prise dans ses devenirs successifs. Sans doute le connaît-on assez bien jusqu’aux années 1930. En revanche, les quinze dernières années de sa vie sont mal connues, et les documents autobiographiques publiés restent lacunaires à ce sujet.

Est-il cependant téméraire de tenter de saisir cette vie dans sa « trajectoire » d’ensemble, ainsi que Romain Rolland nous y invite dans le Voyage intérieur, et de découvrir l’unité de cette vie sous son apparente diversité?

 

Une philosophie du devenir

 

Nourri de Goethe et de Schiller, de Victor Hugo et de Michelet, sans oublier les grands musiciens du XIXe siècle — et d’abord Beethoven —, Romain Rolland a toujours cru au devenir universel. Fortement marqué par Spinoza et Tolstoï, il voit le monde comme un Etre océanique dont chaque individu est une parcelle, participant à cette vie en perpétuel mouvement. Même si, par pessimisme fondamental, Romain Rolland sent que l’Histoire est tragique, il a foi en cet Etre universel et fait sienne la devise attribuée à Guillaume d’Orange : « Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Profondément religieux, respectant ce Dieu et mû par une foi inébranlable en des valeurs qui dépassent l’homme, il a toujours été soucieux de faire jaillir de ce dernier l’étincelle divine qui est en lui.

 

Il s’agit moins d’un système cohérent de pensée que d’une attitude instinctive, souvent exprimée avec vigueur. Car Romain Rolland est un passionné, aussi bien quand il formule sa pensée que quand il s’engage dans l’action. Ce doux est un violent; mais sa passion ne l’empêche pas de rester lucide et, quand il le faut, de réajuster sa position.

 

Voilà pourquoi, aux aguets pour découvrir les linéaments de ce monde nouveau toujours en train de naître, il est l’homme des ruptures (avec soi-même, avec ses amis, avec les soi-disant « rollandistes »...), l’homme des adieux (« Adieu à Jean-Christophe » en 1912; « La vie est une suite de morts et de résurrections »; « Adieu au passé » en 1931), l’homme qui, sans cesse, récapitule sa vie, autant pour retrouver sa permanence et son unité dans le flot mouvant que pour marquer un jalon nouveau dans cette perpétuelle naissance : « Mourons, Christophe, pour renaître! »

 

L’on comprend ainsi l’importance que Romain Rolland donne à la mort dans ses œuvres théâtrales et romanesques. Il faut la mort du père, puis celle de la mère, pour permettre à Antoinette et à Olivier de vivre; il faut la mort d’Antoinette pour que vive Olivier et que l’âme de la sœur passe en son frère. Celui-ci, à son tour, meurt et son âme passe en Jean-Christophe. Ainsi de l’un à l’autre coule le flot de vie. Il en est de même dans l'Âme enchantée : Annette est la mère de Marc, mais celui-ci, par sa mort, donne une nouvelle vie à sa mère. L’on comprend aussi pourquoi, alors qu’il pouvait très bien réussir dans le roman court — à preuve Colas Breugnon ou Pierre et Luce —, Romain Rolland a préféré les œuvres cycliques : elles lui permettent d’exprimer ce fleuve toujours changeant et cependant le même, et, en replaçant la vie du héros dans un ensemble plus vaste, de garder une vision cosmique. La vie de Christophe apparaît comme une journée immense; le roman, commencé par l'Aube, se termine par la Nouvelle Journée. Dans l'Ame enchantée, Annette et son fils ne sont que des moments de la « grande Mutation », et le roman s’achève sur « l’Enfantement ». Dans le cycle de la Révolution, les individus ne sont, eux aussi, que des moments d’une vaste Histoire qui les dépasse. Ainsi est représentée cette « grande loi du Rythme » qui a scandé la vie de Romain Rolland.

 

« Je dis adieu à mon âme passée »

 

Après l’enfance studieuse d’un petit provincial replié sur soi, mais qui s’évade par l’imagination en lisant

 

Shakespeare et en amorçant quelques romans, Romain Rolland poursuit ses études à Paris et, dès son entrée à l’École normale supérieure, élargit ses horizons. Le contact avec la nature en Suisse, la lecture de Tolstoï et de Spinoza, la musique, qu’il écoute et qu’il pratique, l’amènent peu à peu à cette vision cosmique du monde qu’il conceptualise alors dans le Credo quia verum. C’est à partir de cette vision qu’il élabore ses premiers projets d’œuvre, particulièrement une « Histoire des guerres de Religion en France au xvie siècle », où l’évocation historique prend une dimension épique. C’est dans le même esprit qu’il écrit ses premiers drames, restés inédits. Sans doute ces œuvres de jeunesse reflètent-elles le bonheur de l’homme qui a connu la passion et l’amour; elles expriment aussi le tumulte de la vie universelle et, déjà, le pessimisme de Romain Rolland, frappé par la mort que contient en germe toute civilisation.

 

A partir de 1895, Romain Rolland connaît une période de découragement. Il se confie à son Journal, cherche une évasion en écrivant de nouvelles pièces, en travaillant au grand roman auquel il songe depuis 1890 et dont il commence à rédiger certaines pages; il n’oublie pas la musique de Beethoven. Devant les bouleversements que connaît son époque à la fin du siècle, il a le sentiment qu’une civilisation s’écroule. Il observe avec sympathie le socialisme naissant, en qui il discerne un élan de vie capable de renouveler une société sclérosée. Il caresse alors l’« espoir d’une Renaissance, d’un principe nouveau de vie, d’un idéal, d’un Dieu prochain ».

 

L’année 1901 marque pour lui une étape importante. Après son divorce, Romain Rolland ne triomphe de son désespoir que grâce à Beethoven, à qui toute sa vie il rendra un culte. Il connaît même un sentiment de calme goethéen qui rejaillit sur le futur Jean-Christophe en gestation. Assuré, grâce au succès de sa Vie de Beethoven, de pouvoir publier ce roman, il délaisse le théâtre pour se consacrer à la rédaction de ce qu’il considère comme son testament. Ce fut son premier « voyage intérieur ». L’homme fait ses comptes et se libère du passé. Du stoïcisme douloureux il passe à la réconciliation avec le monde. Une fois l’œuvre terminée, il peut dire « adieu à [s]on âme passée », connaître de nouvelles passions et écrire Colas Breugnon.

 

« L'Europe entière est une maison de fous »

 

Éclate la guerre. De Suisse, observatoire privilégié entre les belligérants, Romain Rolland crie son appel de la mêlée (novembre 1915). En 1917, il adresse son « Salut à la Russie libre et libératrice », car il voit en elle un espoir face à l’écroulement de la civilisation d’Europe : « Aux temps nouveaux, des voies nouvelles et des espoirs nouveaux! » Mais son salut est aussi une mise en garde : « Que votre Révolution soit celle d’un grand peuple sain, fraternel, humain, évitant les excès où nous sommes tombés! [...] Soyez plus tolérants que nous ne l’avons été ».

 

La réflexion née de l’épreuve de la guerre trouve ses prolongements dans Pierre et Luce, dans Cléramhault, dans Liluli (premier volet d’un triptyque dont le reste n’a pas été écrit), puis dans les trois premiers volumes de l'Ame enchantée. Ne voyant dans la paix signée à Versailles qu’un « entracte dérisoire entre deux massacres de peuples », Romain Rolland tente une action internationale avec la « Déclaration d’indépendance de l’Esprit» (1919), qui n’eut guère de suite. Persuadé de la nécessité de la révolution sociale, il ne sait comment accorder le Rêve à l’Action, comment construire ce monde nouveau. Il n’accepte pas l’intolérance des partis issus de la scission de Tours en 1920 et refuse la violence révolutionnaire; c’est le sens de sa controverse avec Bar

« Est-il cependant téméraire de tenter de saJsJr cette vie dans sa« trajectoire » d'ensemble, ainsi que Romain Rolland nous y invite dans le Voyage intérieur, ct de découvrir l'unité de cette vie sous son apparente diver­ sité? Une philosophie du devenir Nourri de Goethe et de Schiller, de Victor Hugo et de Michelet, sans oublier les grands musiciens du XIXe siècle -e t d'abord Beethoven -, Romain Rolland a toujours cru au devenir universel.

Fortement marqpé par Spinoza et Tolstoï, il voit le monde comme un Etre océanique dont chaque individu est une parcelle, participant à cette vie en perpétuel mouvement.

Même si, par pessimisme fondamental, Romai� Rolland sent que l'Histoire est tra­ gique, il a foi en cet Etre universel et fait sienne la devise attribuée à Guillaume d'Orange : «Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévé­ rer».

Profondément religieux, respectant ce Dieu et mû par une foi inébranlable en des valeurs qui dépassent l'homme, il a toujours été soucieux de faire jaillir de ce dernier l'étincelle divine qui est en lui.

Il s'agit moins d'un système cohérent de pensée que d'une attitude instinctive, souvent exprimée avec vigueur.

Car Romain Rolland est un passionné, aussi bien quand il form ule sa pensée que quand il s'engage dans l'action.

Ce doux est un violent; mais sa passion ne l'empêche pas de rester lucide et, quand il le faut, de réajuster sa position.

Voilà pourquoi, aux aguets pour découvrir les linéa­ ments de ce monde nouveau toujours en train de naître, il est l'homme des ruptures (avec soi-même, avec ses amis, avec les soi-disant >, car il voit en elle un espoir face à l'écroulement de la civili­ sation d'Europe : «Aux temps nouveaux, des voies nou­ velles et des espoirs nouveaux! »Mais son salut est aussi une mise en garde : « Que votre Révolution soit celle d'un grand peuple sain, fraternel, humain, évitant les excès où nous sommes tombés! [ ...

] Soyez plus tolérants que nous ne l'avons été».

La réflexion née de l'épreuve de la guerre trouve ses prolongements dans Pierre et Luce, dans Clérambault, dans Liluli (premier volet d'un triptyque dont le reste n'a pa� été écrit), puis dans les trois premiers volumes de l'Ame enchantée.

Ne voyant dans la paix signée à Ver­ sailles qu'un «entracte dérisoire entre deux massacres de peuples >>, Romain Rolland tente une action inter­ nationale avec la «Déclaration d'indépendance de l' Esprit>> (1919), qui n'eut guère de suite.

Persuadé de la nécessité de la révolution sociale, il ne sait comment accorder le Rêve à l'Action, comment construire ce monde nouveau.

Il n'accepte pas l'intolérance des partis issus de la scission de Tours en 1920 et refuse la violence révolutionnaire; c'est le sens de sa controverse avec Bar-. »

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