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Rousseau et l'invention de l'autobiographie dans les Confessions

Publié le 17/01/2022

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Rousseau écrit sur lui-même mais aussi pour un lecteur, contemporain ou à venir. Le récit est ponctué d'adresses, directes ou indirectes, au lecteur. Elles ont des fonctions diverses. Anticiper sur les réactions du lecteur. Rousseau imagine à l'avance une éventuelle réaction de son lecteur, et lui réplique : cela peut être une réaction d'incrédulité, du de surprise que Rousseau anticipe par des tournures comme « Qui croirait que...» (p. 45), «On croira que...» (p. 55) ; ou une réaction de moquerie : « Ceux qui liront ceci ne manqueront pas de rire de mes aventures galantes [...] 0 mes lecteurs ! ne vous y trompez pas. etc. ».
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« valeur de l'intériorité : Dans quelque obscurité que j'aie pu vivre, si j'ai pensé plus et mieux que les rois, l'histoire de mon âme est plusintéressante que celle des leurs.

(Préface dite de Neuchâtel, Pléiade, p.

1150) Sa richesse intérieure mérite ce travail d'introspection, et mérite donc l'attention du lecteur.La dimension rétrospective.

« Récit rétrospectif » (rétrospectif signifie « qui regarde en arrière dans le temps »),l'autobiographie est différente du journal intime, genre littéraire qui se développe au Nixe siècle.

Dans le journalintime, il n'y a pas, ou très peu, de distance entre le moment de l'écriture et la matière dont traite l'écrivain.

Lesévénements, les sentiments et les pensées sont transcrits « à chaud », presque sur le moment.

Les exemples dejournaux intimes concernent la période postérieure à Rousseau : Amiel (1821-1881), André Gide, Jules Renard, etc.Un écrivain peut se servir de ses journaux intimes, de ses carnets pour élaborer plus tard une autobiographie.Rousseau utilise pour les livres VII à XII des Confessions, des documents personnels comme des lettres — alors quepour les livres I à VI, il ne mobilise que sa mémoire («J'écris absolument de mémoire, sans monuments, sansmatériaux qui puissent me la rappeler », p.

178) L'importance du nom propre.

L'autobiographie, « récit qu'une personne réelle fait de sa propre existence », n'est pasune fiction, pas un roman : le « je » du récit renvoie à une personne « réelle », et n'est pas une création imaginaire(comme il peut l'être dans un roman rédigé à la première personne du singulier).

Dans le pacte autobiographique,l'auteur s'engage vis-à-vis de son lecteur, à se peindre sincèrement, c'est-à-dire sans volonté délibérée de déformerou d'omettre les faits.

L'auteur qui signe le livre (dont le nom propre figure en couverture, en page de titre — LesConfessions de J.

J.

Rousseau), le narrateur qui prend en charge le récit, le personnage principal dont on retracel'itinéraire sont une seule et même personne : le nom propre authentifie cette identité.

Ce nom propre ne cessed'être répété, que ce soit par le prénom (Jean-Jacques) ou par le patronyme (Rousseau).

Soyez attentif à ce nompropre dans le récit; voyez comment le narrateur s'adresse parfois à lui-même : « Pauvre Jean-Jacques...», (p.

200); ou plus souvent, comment un protagoniste apostrophe le personnage principal : (le père au début du livre I ;Marion dans l'épisode du ruban volé : « Ah Rousseau ! », p.

125). Notre pacte de lecture.

Pour que vous distinguiez bien d'une part le personnage du récit et d'autre part le narrateur/ l'auteur qui signe Les Confessions, nous utiliserons les deux parties du nom propre : « Jean-Jacques » pour lepersonnage (dont les livres I à IV retracent la vie de 1712 à 1732) ; «Rousseau » pour le narrateur / auteur. Les mobiles de l'écrivain À quel moment, dans sa vie, Rousseau écrit-il sur soi et dans quel but ?Le privilège de l'âge et de l'expérience.

D'une manière générale, un écrivain écrit sur lui-même quand le passé prendplus d'importance que le futur qui lui reste à vivre.

L'écriture autobiographique est une confrontation avec la mort —voyez l'avertissement des Confessions, où il est question de la « cendre » de Rousseau; voyez aussi le cadre quedessine le préambule: le Jugement dernier; selon la religion chrétienne, c'est le moment où tous les morts seprésentent devant Dieu pour rendre compte des actes de leur vie terrestre.L'avancée dans l'âge est un facteur de richesse, synonyme d'expériences: Les événements ont été si variés, j'aisenti des passions si vives, j'ai vu tant d'espèces d'hommes, j'ai passé par tant de sortes d'états, que dans l'espacede cinquante ans j'ai pu vivre plusieurs siècles si j'ai su profiter de moi.

(Préface dite de Neuchâtel, Pléiade, p.

1151) C'est aussi une façon de retrouver le goût de la vie, d'adoucir par l'évocation du passé (la jeunesse) l'amertume duprésent (maturité, vieillesse) : Que j'aime à tomber de temps en temps sur les moments agréables de ma jeunesse ! Ils m'étaient si doux; ils ontété si courts, si rares, et je les ai goûtés à Si bon marché ! Ah ! leur seul souvenir rend encore à mon coeur unevolupté pure dont j'ai besoin pour ranimer mon courage et soutenir les ennuis du reste de mes ans.(p.

183) Le poids des circonstances, le besoin de justification.

Après une dizaine d'années où Rousseau rédige des ébaucheset une première esquisse autobiographique (début 1762, les quatre lettres à M.

de Malesherbes), il se lancevéritablement dans l'écriture des Confessions début 1765, après avoir été attaqué sur un plan personnel (voirApproche 1, p.

8, la publication du Sentiment des citoyens).

L'autobiographie intervient donc à un moment de crise.Les Confessions se proposent d'abord de répondre à de graves mises en cause sur l'homme, notamment la questionde l'abandon de ses enfants.

Rousseau leur opposera son exigence de sincérité ; tout sera dit, révélé, le biencomme le mal («J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise», p.

33) ; et, plus généralement, il va rétablir unejuste image de lui-même, dont l'authenticité et la cohérence profonde ( «un homme dans toute la vérité de la nature»), au-delà des contradictions apparentes, détruiront l'image fausse que ses adversaires propagent, et que luirenvoie le jugement public:. »

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