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SAINT-JOHN PERSE

Publié le 21/04/2012

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Alexis Léger, qui adopta le pseudonyme de Saint-John Perse, est un diplomate de carrière. Dans les années qui ont précédé la guerre de 1939, il fut secrétaire général du Quai d'Orsay; en 1940, il partit pour les États-Unis, où il demeura longtemps fixé; le prix Nobel, en i960, a consacré sa renommée. Ses oeuvres poétiques (Eloges, 1911; Anabase, 1924; Exil, 1942; Vents, 1947; Amers, 1953; Chronique, 1960; Oiseaux, 1963) sont le divertissement d'un homme de haute culture et de haut goût. Le champ de son inspiration est « le monde entier des choses «. Avec une éloquence soutenue et parfois cérémonieuse, il exalte les grandes manifestations des forces naturelles, la pluie, la neige, le vent, la mer. Pour l'expression de cette poésie cosmique, il recourt volontiers à la forme du verset.

« 1 ' 1 1 l Saint-John Perse n'a cessé d'être fidèle à la lettre et à l'esprit de ce prélude.

Il écrit la chro­ nique entière du monde et la nomenclature de ses trésors dans le mode de cette ouverture, où se mêlent étroitement le désir et la nostalgie.

Dès le début, il s'agit d'une civilisation idéale qui semble surgie de toutes les hautes époques de l'histoire.

Sans appartenir en propre à aucune d'elles, elle rassemble leurs perfections et la stabilité de leurs liturgies, pour offrir au poète une vaste étendue d'innocence et d'aisance, de profusion et de puissance, où se projettent sans fin ses prédilections.

Il peut alors s'écrier : Ouvre ta paume, bonheur d'être ...

Et qui donc était là, qui n'est plus que bierifait? (Amers.) Exacte et triomphante contrepartie - coulée d'ailleurs dans le même moule - des excla­ mations désabusées qu'il lui arrive de proférer devant l'irrémédiable fugacité des choses.

Parvenu à son grand âge, le poète est bien assis dans sa conviction, dans son parti pris de l'excellence universelle.

Et son verdict est sans réserve : Irréprochable, ô terre, ta chronique, au regard du Censeur! (Chronique.) LEs poèmes de Saint-John Perse proclament obstinément que l'entreprise humaine consiste à détacher de la bête instinctive un ouvrier ambitieux, capable de fonder des empires et de s'inventer des lois.

A chaque verset, ils remercient l'homme d'avoir conçu toutes sortes de perfections qui font en même temps son servage et sa gloire.

Les éloges décernés par le poète disent la séduction de chaque chef-d'œuvre; ils chantent l'éminente dignité de toute industrie méticuleuse, de toute réussite splendide ou délicate.

Ils s'extasient devant un héritage dispersé en mille dépôts divers, où la suite des siècles et la succèssion des cultures entassèrent des trésors dont la liste n'est pas close.

C'est pour énumérer ces périssables merveilles que le poète demande au langage ses mots les moins usités, qu'il accroît le pouvoir des autres et qu'il destine une calligraphie somptueuse à soustraire son discours à tout contexte trivial.

Rien ne lui semble trop recherché ni trop luxueux pour évoquer un monde solennel, qu'il désire sans attache ni ressemblance avec les décors ordi­ naires de la vie, comparable seulement aux cortèges sculptés des portiques et aux inscriptions des stèles, creusées sans bavure dans un marbre immuable.

Jamais choix ne fut si rigoureux, jamais labeur ne fut si patient.

Mais celui qui l'a choisi obtient de donner ainsi pour scène à des chroniques tout idéales qui reflètent l'histoire entière de l'homme, une sorte de civilisation suprême, faite de l'essence de celles que connaissent les traditions, les archéologies et qui les dépasse en excellence et en majesté.

EN outre, une telle poésie tend à prouver son objet.

Le langage et la prosodie qu'elle emploie ne font pas que décrire le monde dont elle entretient l'auditeur.

Vocabulaire et métrique créent et attestent l'empire légendaire qu'ils suscitent.

Je veux dire qu'au lieu de servir simplement à le peindre, ils en apparaissent eux-mêmes issus, ils garantissent son existence par la leur, son origina­ lité par les différences qu'ils accusent avec le lexique, la syntaxe, le ton, la rhétorique habituels.

Ils rendent présent l'univers dont ils parlent, parce qu'ils semblent en provenir, parce qu'ils lui appartiennent avec évidence.

Ils sont bien le lexique, la syntaxe, le ton, la rhétorique que doit engendrer un univers insolite, et non pas ceux qui conviennent depuis toujours aux besoins du monde banal où ils sont en usage.

La langue du poème garantit ici une réalité dont elle fait partie et dont elle témoigne.

Le monde qu'elle loue ne sémble plus si lointain ni si fabuleux, puisqu'il eut dès l'abord assez d'exis­ tence pour susciter la naissance d'un idiome prodigieux qu'on identifie bientôt comme le langage commun, purifié, condensé, porté à son point le plus élevé de splendeur et de puissance.

Le poète s'exprime naturellement dans cette langue : langue maternelle dans cet univers idéal - toute autre y serait apprise et étrangère -, langue natale qu'il fallait « quintessenciée comme du miel » pour correspondre à un monde comme distillé.

23. »

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