Devoir de Philosophie

SAINT-SIMON, Claude Henri de Rouvroy, comte de (analyse critique de l'oeuvre)

Publié le 13/10/2018

Extrait du document

saint simon
SAINT-SIMON, Claude Henri de Rouvroy, comte de (1760-1825). Théoricien à la charnière de l'Encyclopédie et du socialisme, Saint-Simon semble mériter d’autres appréciations que celles d’auteur de « traités au titre interminable » ou de « chef de secte » qui ont parsemé trop d’histoires de la littérature. Engels n’hésite pas, quant à lui, à exalter dans son Anti-Dühring sa « largeur de vues géniale qui fait que toutes les idées non strictement économiques des socialistes postérieurs sont contenues en germe chez lui », et l'Histoire littéraire de la France des Éditions sociales le définit avec beaucoup de justesse comme un « homme presque seul », qui tenta « jusqu’à sa mort » de mettre sur pied « en d’innombrables brochures et opuscules » une « doctrine qui répondît aux questions posées par la société postrévolutionnaire » (tome IV, volume I, 1972).
Saint-Simon, cousin éloigné du mémorialiste, illustre sa vie par une suite de comportements courageux : grand seigneur libéral, il se bat dans la guerre d’indépendance américaine (« J’entrevis que la révolution d’Amérique signalait le commencement d’une nouvelle ère politique »); noble, il se rallie à la Révolution française, au point de se faire baptiser laïquement Claude Bonhomme. Libéral sous l’Empire et sous la Restauration, Saint-Simon se veut aussi « industriel ». Il fonde sous le Directoire une entreprise de messageries, spécule, fait fortune, se fait flouer par son associé, vit dans le dénuement sous l’Empire, véritable déclassé dans la bohème intellectuelle, est littéralement sauvé par son ancien valet Diard et acquiert peu à peu la figure d’un authentique prophète, en butte à l’incompréhension quasi générale. La fin de sa vie est cependant éclairée par l’amour de l’ouvrière Julie Juliand et l’amitié du banquier Olinde Rodriguès, un des tout premiers saint-simoniens.

saint simon

« Paru en 1825, le Nouveau Christianisme apparaît comme le testament spirituel de Saint-Simon, le complément des Opinions littéraires, philosophiques et industrielles de 1824.

On y lit des pages exaltantes sur la philanthropie comme finalité du christianisme, sur Dieu comme vérité absolue et impératif social suprême, comme réunion du positif et du sublime; Saint-Simon écrit là le poème de la ferveur scientiste : « Il est évident que le principe de morale : "Tous les hommes doivent se conduire en frères ~ l'égard les uns des autres", donné par Dieu à son Eglise, renferme toutes les idées que vous comprenez dans ce précepte : "Toute la société doit travailler à l'amélioration morale et physique de la classe la plus pauvre; la société doit s'organiser de la manière la plus convenable pour lui faire atteindre ce grand but"».

On voit toute la fécondité de ces positions, qui s'épa­ nouiront dans le catholicisme social et dans l'humanita­ risme.

Peut-être le chant humanitaire constitue-t-il la forme ultime de la pensée saint-simonienne: n'a-t-il pas commandé à Rouget de Lisle une nouvelle Marseillaise, le Premier Chant des industriels (1821)? En voici le refrain : Honneur à nous, enfants de l'industrie! Honneur, honneur à nos heureux travaux! Dans tous les arts vainqueurs de nos rivaux, Soyons l'espoir, l'orgueil de la patrie (bis).

La pauvreté des vers illustre la carence littéraire de ce qui deviendra le saint-simonisme, alors que Saint-Simon plaçait les artistes au premier rang des hérauts de l'âge d'or : « Que les artistes transportent le paradis terrestre dans l'avenir, qu'ils le présentent comme devant être le résultat du nouveau système, et ce système se constituera promptement».

C'est qu'il est aussi, à sa manière, le précurseur d'un art soumis à l'idéologie:« Vous deman­ dez à la poésie autre chose que des vers, autre chose que des chants à la musique et que des formes à la peinture.

En un mot, vous n'avez plus qu'une pensée, pensée immense, à laquelle vous rattachez tout, et qui est deve­ nue votre vie, celle d'un bonheur universel et d'une per­ fection indéfinissable », déclare-t-il à la jeunesse de 1825.

Ce sera bien une des tentations du romantisme, mais, heureusement, il en sortira autre chose que la « tur­ pitude » saint-simonienne du peintre Pellerin - « le Christ à la locomotive» -dans l'Éducation sentimen­ tale de Flaubert.

BIBLIOGRAPHIE Œuvres.

- Sont disponibles, outre les œuvres republiées par Slatkine (1978, 6 vol.), la Physiologie sociale (P.U.F., 1965); le Nouveau Christianisme et écrits sur la religion (Le Seuil, .

«Points politique», 1969); Pensées politiques (Aubier­ Montaigne, 1972) et des Œuvres choisies (O.L.M.S., 1973).

A consulte_r.

- Textes choisis, avec présentation par Jean Dau­ try, Paris, Editions sociales,« Classiques du peuple>>, 1951 (une approche marxiste intéressante, malgré les points de vue inhé­ rents aux positions communistes de l'époque et une tendance immodérée à la récupération : «Entre le rêve d'un âge d'or en 1814 et le communisme qui "prépare des lendemains qui chan­ tent", entre la confiance dans l'homme de Saint-Simon et la formule de Staline "l'homme, le capital le plus précieux" [ ...

] le fil rouge est solide>>); Pierre Ansart, Saint-Simon, Paris, P.U.F., «Philosophiques>>, 1969; Sébastien Charléty, Histoire du saint­ simonisme, Paris, Gonthier, 1965 (rééd.

du texte de 1932); Maxime Leroy, le Socialisme des producteurs: Henri de Saint­ Simon, 1924; id., la Vie véritable du comte de Saint-Simon, 1927; Paul Bénichou, le Temps des prophètes, Paris, Gallimard, 1977, p.

248-260; Vittorio Martino, Saint-Simon tra scienza e utopia, Bari, Delado libri, 1978; Sarane Alexandrian, le Socialisme romantique, Paris, Le Seuil, 1979; Maria Teresa Bulciolu, L'École saint-simonienne et la femme, Pisa, Goliardica, 1980; Littératures et idéologies.

Regards sur le saint-simonisme et les saint-simoniens (dir.

J.-R.

Derré), Presses Univ.

de Lyon, 1986.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles