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Sarraute: le romancier et son personnage

Publié le 12/09/2015

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sarraute

SARRAUTE Le destin du monde a cessé, pour nous, de s’identifier à l’ascension ou à la chute de quelques hommes, de quelques familles. Le monde lui-même n’est plus cette propriété privée, héréditaire et monnayable, cette sorte de proie, qu’il s’agissait moins de connaître que de conquérir. Avoir un nom, c’était très important sans doute au temps de la bourgeoisie balzacienne. C’était important, un caractère, d’autant plus important qu’il était davantage l’arme d’un corps-à-corps, l’espoir d’une réussite, l’exercice d’une domination. C’était quelque chose d’avoir un visage dans un univers où la personnalité représentait à la fois le moyen et la fin de toute recherche [...]

Le roman de personnages appartient bel et bien au

 

passé, il caractérise une époque: celle qui marqua

 

l’apogée de l’individu.

 

Peut-être n’est-ce pas un progrès, mais il est certain que l’époque actuelle est plutôt celle du numéro

 

SARRAUTE:

 

Aussi, par une évolution analogue à celle de la peinture — bien qu’infiniment plus timide et plus lente, coupée de longs arrêts et de reculs —, l’élément psychologique, comme l’élément pictural, se libère insensiblement de l’objet avec lequel il faisait corps.

 

Il tend à se suffire à lui-même et à se passer le plus possible de support. 

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« il était évident que quelque chose de décisif avait bas­ culé dans le roman contemporain dont les effets res­ taient à explorer, à analyser, à prolonger.

Repris en 1956 dans un volume auquel il donnera son titre, l'essai de Nathalie Sarraute s'attache à saisir ce basculement.

Plus de dix ans avant la publication du Pour un nouveau roman d'Alain Robbe-Grillet, Sar­ raute formule quelques-uns des principes d'une nou­ velle esthétique romanesque qui changera de manière décisive le regard que nous portons sur la littérature .

..,.

Quelle est la démonstration que Sarraute nous pro­ pose dans ce texte ? L'auteur de Tropismes commence par constater que, quels que soient les jugements des critiques et l'opinion du public en cette matière, le personnage romanesque aujourd'hui est largement en train de disparaître.

Le temps est loin désormais de Balzac et de son Eugénie Grandet où un romanciers' attachait à ne rien nous lais­ ser ignorer du physique de ses héros, du caractère de leurs vêtements, des moindres recoins de leur demeure, du détail de leur état civil et de leur patrimoine.

Appli­ quée au siècle dernier, cette manière de camper un héros, certes, était justifiée : «Quelque chose d'insolite, de violent, se cachait sous ces apparences familières.

Tous les gestes du person­ nage en retraçaient quelque aspect ; le plus insignifiant bibelot en faisait miroiter une facette.

C'était cela qu'il s'agissait de mettre au jour, d'explorer jusqu'à ses extrêmes limites, de fouiller dans tous ses replis : une matière dense, toute neuve, qui résistait à l'effort et attisait la passion de la recherche.

La conscience de cet effort et de la validité de cette recherche justifiait l'outrecuidance avec laquelle l'auteur, sans craindre de lasser la patience du lecteur, l'obligeait à ces inspec­ tions fureteuses de ménagère, à ces calculs de notaire, à ces estimations de commissaire-priseur.

Elle justifiait. »

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