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« Selon toute apparence, non seulement le romancier ne croit plus guère à ses personnages, mais le lecteur, de son côté, n'arrive plus à y croire. » Vous discuterez cette opinion de l'écrivain Nathalie Sarraute sur l'évolution du roman en vous appuyant sur des exemples tirés des textes du corpus, sur les oeuvres étudiées en classe, ainsi que sur vos attentes de lecteur.

Publié le 20/07/2010

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sarraute

 

Introduction : Alors que le XIXème siècle consacre le genre romanesque avec des écrivains comme Balzac, Flaubert ou Hugo, le XXème siècle le remet violemment en cause, en ébranlant certains de ses fondements comme celui, fondamental, du personnage. C’est dans ce contexte que Nathalie Sarraute, écrivain phare du Nouveau roman, écrit dans son célèbre manifeste L’Ere du soupçon paru en 1964 : « Selon toute apparence, non seulement le romancier ne croit plus guère à ses personnages, mais le lecteur, de son côté, n’arrive plus à y croire «. Ainsi, le personnage romanesque serait confronté à une crise de confiance et aurait, au fil du temps, perdu tout crédit vis-à-vis des deux instances essentielles que sont le lectorat et le romancier. Or, si tel est le cas, cela reviendrait à dire que le personnage est en voie de disparition voire qu’il a disparu. Selon Sarraute, les lecteurs et les romanciers ont perdu toute confiance en le personnage, pourtant, ils n’en continuent pas moins à lui porter un réel intérêt : c’est donc qu’il n’est pas mort, mais que certains paramètres ont donné lieu à une évolution. I/ On ne croit plus au personnage romanesque : un personnage peu fiable

1) Les personnages : repères essentiels dans la littérature traditionnelle. En regard des personnages de la littérature dite traditionnelle ou classique, le personnage moderne semble peu bien de choses. Personnages principaux ou secondaires : Des Grieux ou Tiberge dans Manon Lescaut dotés d’une réelle psychologie, animés de passions, parfois de vertus (Tiberge= l’ami idéal) ou qui sont solidement ancrés dans une histoire comme le père Grandet, dont le romancier Balzac dresse un portrait très documenté qui s’appuie sur un lieu, une époque, qui a un passé, un avenir, une descendance, une généalogie. 2) La remise en cause du personnage (du côté du romancier): il a été sciemment déconstruit par certains romanciers (le Nouveau roman) : les romanciers des années 50, ceux qui ont participé au mouvement appelé le « Nouveau Roman « ont remis volontairement en cause le personnage romanesque auquel ils ne croyaient plus. Robbe-Grillet, dans son manifeste Pour un Nouveau roman, paru en 1964 a même été jusqu’à proclamer que le personnage romanesque était « mort « et qu’il s’agissait d’une notion « périmée « épousant ainsi les mouvements de l’histoire, avec le souvenir très récent de la seconde guerre mondiale, qui a mis en lumière la faillite de l’humanité : dans cette perspective, le personnage n’avait plus aucune raison d’être plus humain qu’un homme soumis au hasard. De ce fait, les nouveaux romanciers s’appliqueront à déconstruire la notion de personnage traditionnel au même titre que celle de lieu, de temps ou d’intrigue : le personnage devient alors un simple élément au même titre que le décor. Les personnages sont désormais sans histoire et quasiment privés d’identité : dans La Jalousie, Robbe-Grillet appelle le personnage féminin « A. « Plus loin de nous, Diderot au XVIIIeme siècle remet en cause le genre romanesque et refuse de construire des personnages traditionnels : dès le début, il indique qu’il n’y a aucun intérêt à savoir comment Jacques et son maître se sont rencontrés « comme tout le monde « et il ne donne pas son nom « Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? « 3) Le lecteur peut être déstabilisé par des personnages en vogue depuis le XIXème siècle : Le personnage moderne est souvent décevant, banal, voire un anti héros : Georges Duroy, dans Bel-Ami de Maupassant apparaît comme un être cynique, sans scrupules, malgré une ascension sociale fulgurante. Des Esseintes, personnage de Huysmans est un être hors du monde et du temps, réactionnaire et misanthrope et il semble bien difficile qu’un lecteur l’admire ou s’indentifie à lui. M. Leiris, dans son roman autobiographique L’Age d’homme, propose de son personnage, dès les premières pages, un portrait négatif : « Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis (…) plutôt petit. « avant d’ajouter que chaque fois qu’il rencontre son image dans la glace, à l’improviste « [il] se trouve d’une laideur repoussante «. Le romancier désabusé, déstabilise d’emblée son lecteur, qui éprouve un certain malaise face à ce personnage qui s’avoue faible et dévoile ses obsessions et ses angoisses. Tr : Cependant, si par ses aventures malheureuses, sa vie souvent ratée et sa quasi-disparition en tant qu’actant romanesque, le romancier et le lecteur remettent en cause son statut et sa crédibilité, ils n’en continuent pas moins à avoir pour lui un réel intérêt. II/ Le personnage reste cependant source d’intérêt Pourtant, même médiocre ou diminué, il continue à exister à travers la plume du romancier, à travers le lecteur (=il continue pourtant à être source d’intérêt) 1) Expérimentations du romancier : En tant que pivot du roman, le personnage peut donner lieu à des expérimentations. Zola qui se sert de ses personnages comme des cobayes, pour appliquer la méthode expérimentale des sciences à la littérature et les utilise pour mener à bien des expériences en les plongeant dans un milieu. Voir ce que dit Zola dans la préface de Thérèse Raquin : « chaque page est un cas curieux de physiologie «, « J'ai simplement fait sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font sur des cadavres «. Autre expérience, celle de Georges Perec dans La Vie mode d’emploi qui veut tout montrer dans son « roman « : les personnages sont des gens ordinaires qui habitent un immeuble ordinaire, le héros Bartlebooth meurt à la fin du livre (en même temps que le livre s’achève). 2) La fascination du lecteur : Le lecteur peut être fasciné par ces personnages qui ne sont parfois des êtres déchus ou médiocre : il comprend rapidement que Gervaise n’échappera pas à son destin, il ne « croit « pas en elle car il connaît bien ses faiblesses. Dans Voyage au bout de la nuit, le lecteur suit avec attention le parcours initiatique de Bardamu et s’interroge sur le devenir de certains personnages secondaires qu’il a croisés (tel que le personnage de la vieille joyeuse, Mme Henrouille, en raison de sa fraîcheur et de la truculence de l’écriture semble un bon génie au milieu de la misère ambiante). Tr : Par conséquent, la perte de crédit des romancier et lecteur en le personnage n’est qu’ « apparence «, mais la conception qu’ils en ont a changé. III/ Donc, le personnage romanesque n’est pas mort, mais la conception et la perception qu’on a de lui ont évolué.

1) Une vision du monde différente : la remise en cause est devenue un réflexe intellectuel largement répandu qui s’est aussi étendue au roman et ses personnages. On ne croit plus aveuglément en certaines choses. C’est la manière d’aborder le monde qui est différente. Les scènes de rencontre amoureuse sont, à cet égard, éloquentes : alors que Mme de La Fayette présente une vision absolue de l’amour en mettant en scène un coup de foudre entre Mme de Clèves et M. de Nemours dans La Princesse de Clèves, l’univers d’Aragon est davantage marqué par l’incertitude et le doute, voire la désillusion lorsqu’ Aurélien rencontre Bérénice (« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. «) dans Aurélien d’Aragon. Ainsi, les romanciers présentent des personnages féminins qui séduisent des personnages masculins, mais au cours des trois siècles qui séparent les deux livres, la conception de l’amour a évolué et celle de la femme idéale aussi. 2) Certains genres nouveaux sont apparus qui redonnent au personnage un rôle primordial : dans les romans policiers, le personnage du détective incarne un nouveau type d’héroïsme (Le commissaire Adamsberg dans Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas), la science-fiction, les romans d’aventures (genre existant déjà au XIxeme) avec Michel Strogoff. 3) Donc évolution et renouvellement de la notion de personnage qui s’est désacralisé, mais n’a pas pour autant cessé d’exister puisque le personnage est parfois devenu hyper réaliste : Michel Houellebecque, La Possibilité d’une île. Il peut aussi réellement exister comme le personnage principal de L’Adversaire, de J. C. Carrière qui incarn e un tueur en série (journalisme d’investigation. Il semble donc à la fois excessif et réducteur de dire que le personnage romanesque a perdu toute crédibilité vis-à-vis du lecteur et du romancier. S’il a été largement remis en cause depuis la fin du XIXeme et surtout au milieu du XXème siècle avec le Nouveau roman, c’est surtout parce qu’une certaine image de l’homme et du monde a été ébranlée et que des certitudes se sont écroulées. De fait, le personnage romanesque continue à susciter l’intérêt des lecteurs et des romanciers et il reste l’élément central du roman : si on ne se rappelle plus les détails d’une intrigue, on garde toutefois en mémoire des personnages mythiques, le couple formé par Chloé et Colin dans L’Ecume des Jours, la belle Eléa, dans La Nuit des temps, ou plus loin de nous, l’héroïsme très simple mais lumineux de Jean Valjean, dans Les Misérables.

 

sarraute

« (en même temps que le livre s'achève). 2) La fascination du lecteur : Le lecteur peut être fasciné par ces personnages qui ne sont parfois des êtres déchusou médiocre : il comprend rapidement que Gervaise n'échappera pas à son destin, il ne « croit » pas en elle car ilconnaît bien ses faiblesses.

Dans Voyage au bout de la nuit, le lecteur suit avec attention le parcours initiatique deBardamu et s'interroge sur le devenir de certains personnages secondaires qu'il a croisés (tel que le personnage dela vieille joyeuse, Mme Henrouille, en raison de sa fraîcheur et de la truculence de l'écriture semble un bon génie aumilieu de la misère ambiante).Tr : Par conséquent, la perte de crédit des romancier et lecteur en le personnage n'est qu' « apparence », mais laconception qu'ils en ont a changé. III/ Donc, le personnage romanesque n'est pas mort, mais la conception et la perception qu'on a de lui ontévolué. 1) Une vision du monde différente : la remise en cause est devenue un réflexe intellectuel largement répandu quis'est aussi étendue au roman et ses personnages.

On ne croit plus aveuglément en certaines choses.

C'est lamanière d'aborder le monde qui est différente.

Les scènes de rencontre amoureuse sont, à cet égard, éloquentes :alors que Mme de La Fayette présente une vision absolue de l'amour en mettant en scène un coup de foudre entreMme de Clèves et M.

de Nemours dans La Princesse de Clèves, l'univers d'Aragon est davantage marqué parl'incertitude et le doute, voire la désillusion lorsqu' Aurélien rencontre Bérénice (« La première fois qu'Aurélien vitBérénice, il la trouva franchement laide.

») dans Aurélien d'Aragon.

Ainsi, les romanciers présentent des personnagesféminins qui séduisent des personnages masculins, mais au cours des trois siècles qui séparent les deux livres, laconception de l'amour a évolué et celle de la femme idéale aussi. 2) Certains genres nouveaux sont apparus qui redonnent au personnage un rôle primordial : dans les romanspoliciers, le personnage du détective incarne un nouveau type d'héroïsme (Le commissaire Adamsberg dans Pars viteet reviens tard, de Fred Vargas), la science-fiction, les romans d'aventures (genre existant déjà au XIxeme) avecMichel Strogoff. 3) Donc évolution et renouvellement de la notion de personnage qui s'est désacralisé, mais n'a pas pour autantcessé d'exister puisque le personnage est parfois devenu hyper réaliste : Michel Houellebecque, La Possibilité d'uneîle.

Il peut aussi réellement exister comme le personnage principal de L'Adversaire, de J.

C.

Carrière qui incarne untueur en série (journalisme d'investigation. Il semble donc à la fois excessif et réducteur de dire que le personnage romanesque a perdu toute crédibilité vis-à-vis du lecteur et du romancier.

S'il a été largement remis en cause depuis la fin du XIXeme et surtout au milieu duXXème siècle avec le Nouveau roman, c'est surtout parce qu'une certaine image de l'homme et du monde a étéébranlée et que des certitudes se sont écroulées.

De fait, le personnage romanesque continue à susciter l'intérêtdes lecteurs et des romanciers et il reste l'élément central du roman : si on ne se rappelle plus les détails d'uneintrigue, on garde toutefois en mémoire des personnages mythiques, le couple formé par Chloé et Colin dans L'Ecumedes Jours, la belle Eléa, dans La Nuit des temps, ou plus loin de nous, l'héroïsme très simple mais lumineux de JeanValjean, dans Les Misérables.. »

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