Devoir de Philosophie

SARTRE Jean-Paul

Publié le 13/10/2018

Extrait du document

sartre

SARTRE

SARTRE Jean-Paul (1905-1980). A la mort de Sartre, l’image mythique d’un écrivain scandaleux, «pape de l’existentialisme ou de l’excrémentialisme », suscite encore des passions contraires et des ragots délirants. Quelques comparaisons dominent pourtant le discours des médias à cette occasion : le philosophe y figure comme le dernier des grands intellectuels témoins et consciences de leur temps depuis le siècle des Lumières, comme le Voltaire ou le Hugo du xxc siècle. Il joue après eux le rôle d’un maître à penser, à la fois créateur, vulgarisateur et animateur, d’un défenseur des libertés, théoricien et activiste; il apparaît comme l’écho sonore de l’intelligentsia en France, en Europe, mais aussi aux États-Unis et dans le tiers monde. La question qui a orienté la recherche de Sartre sur Flaubert se pose à son propre sujet : quel est le lien organique entre Sartre et son temps? L’ampleur, la diversité, l’évolution d’une œuvre célèbre et méconnue permettent d’y voir le xxe siècle en raccourci.

« La vie, ce mouvement d'universalisation lente »

 

La vie de Sartre est un exemple éclatant de ce mouvement irrégulier vers l’universel qui, selon lui, définit la vie. La notion d’« universel singulier », récurrente et féconde dans son œuvre, repose sur la découverte par un « homme seul » de sa dimension collective. Elle explique à la fois son itinéraire intellectuel, son mode d’écriture et son succès. Toute son œuvre autobiographique écrite, transcrite ou filmée atteste l’exemplarité de cette vie : elle reflète aux lecteurs leur propre image, mais en gloire.

 

Orphelin de père à quinze mois, Sartre est élevé chez son grand-père maternel Charles Schweitzer — l’oncle d’Albert Schweitzer —, Alsacien, protestant, professeur d’allemand, issu d’une famille d’instituteurs, parfait représentant de sa profession dans ses goûts littéraires, ses options politiques et religieuses, son mode de vie,

1960 Rencontre à Cuba Fidel Castro et Che Guevara. Reçu par

 

Tito en Yougoslavie; visite le Brésil.

 

Signe le « Manifeste des 121 », dépose au procès du « réseau Jeanson ». Saisie des Temps modernes.

 

1961 Manifestations, conférences de presse, meetings sur

 

l’Algérie en France, en Italie, en Belgique. Premier plasticage au domicile de Sartre.

 

1962 Indépendance de l’Algérie.

 

Second plasticage au domicile de Sartre.

 

Voyage en Pologne, puis en U.R.S.S., où il est reçu par Khrouchtchev.

 

1963 Séjour à Moscou pour créer une communauté internatio-

 

nale d’écrivains: à Prague.

 

1964 Autorise à nouveau la représentation des Mains sales. Refuse le prix Nobel.

 

Communique au colloque sur Kierkegaard à l’Unesco. Prend part au débat à la Mutualité sur « Que peut la littérature? »

 

1965 Adopte Ariette Elkaïm.

 

Soutient, avec réserves, la candidature de François Mitterrand à la présidence de la République.

 

1966 Fait partie du « tribunal Russcll » sur les crimes de

 

guerre américains au Viêt-nam.

 

Conférences au Japon sur la fonction de l’intellectuel.

 

1967 Voyage en Égypte, puis en Israël. Intervient à la pre-

 

mière session du tribunal Russell. Refuse de participer au Xe Congrès des écrivains soviétiques en raison du procès de Siniavski et Daniel.

 

1968 22 mars : première manifestation étudiante en France.

 

Prend position en faveur du mouvement étudiant; en mai, participe à un débat à la Sorbonne et s’entretient avec Daniel Cohn-Bendit.

 

Intervention des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie. Sartre exprime son indignation dans Paese Sera.

 

1969 Mort d’Anne-Marie Mancy, mère de Sartre.

 

Participe avec Michel Foucault à un meeting, où il est

 

contesté (« Sartre, sois bref »).

 

1970 Prend la direction du journal la Cause du peuple, qu’il

 

distribue dans la rue. Prend la parole devant les ouvriers de la régie Renault.

 

1971 Collabore au journal J'accuse, prend la direction de

 

Révolution; fonde, avec Maurice Clavel, l’agence de presse Libération.

 

1972 Alexandre Astruc et Michel Contât commencent un film

 

sur Sartre.

 

Prépare le lancement du quotidien Libération.

 

1973 Conseille l’abstention aux élections (« élections, piège à

 

cons »).

 

22 mai : premier numéro de Libération.

 

Gravement malade, Sartre, frappé d’une quasi-cécité, ne peut plus lire ni écrire.

 

1974 Abandonne la direction de Libération pour raison de

 

santé.

 

Entreprend pour la télévision une série d’émissions sur l’histoire du XXe siècle, avec Simone de Beauvoir, Philippe Gavi et Pierre Victor.

 

A Stuttgart, s’entretient avec Andréas Baader emprisonné et dénonce les conditions de sa détention.

 

1975 Séjour au Portugal avec Simone de Beauvoir et Pierre

 

Victor.

 

En désaccord avec la rédaction d'Antenne 2, Sartre renonce à son projet d’émissions historiques.

 

1976 « Bonne forme intellectuelle ». Signe divers appels,

 

manifestes, lettres de soutien.

1977 Marche difficilement; reste attentif à l’actualité politique.

1960 Publication de Critique de la raison dialectique (Galli-

 

mard), d’un article sur la mort de Camus (France Observateur; Situations IV, Gallimard), d’un reportage sur Cuba, « Ouragan sur le sucre » (France-Soir).

 

1961 Publication d’un article sur la mort de Merleau-Ponty

 

(les Temps modernes, Gallimard). Préface les Damnés de la terre de Franz Fanon. Reprend son travail sur Flaubert. Écrit une seconde version du « Tintoret ».

 

1962 Sortie du film de Huston sur Freud; Sartre fait retirer son

 

nom du générique.

1963 Publication des Mots (Gallimard).

 

1964 Publication de Situations IV, V, VI (Gallimard).

1965 Première des Troyennes au Théâtre national populaire.

 

Publication des Troyennes (« Coll. du T.N.P. », Gallimard), de Situations VII (Gallimard).

 

1966 Extraits du «Flaubert» et du «Tintoret» (les Temps

 

modernes; TArc).

 

1967 Préface le numéro spécial des Temps modernes sur le

 

conflit israélo-arabe.

 

Sortie du film le Mur de Serge Roullet.

 

1968 Première des Mouches et des Mains sales à Prague.

 

Reprise de Nekrassov à Strasbourg. Reprise de le Diable et le Bon Dieu au T.N.P.

1971 Publication de l’idiot de la famille, I et II (Gallimard).

1972 Publication de Situations VIII et IX (Gallimard), TIdiot de la famille III.

 

Travaille au tome IV de l’idiot de la famille.

1974 Publication de On a raison de se révolter, entretiens sur la politique avec Philippe Gavi et Pierre Victor.

 

Abandonne le tome IV de l’idiot de la famille. Enregistre, avec Simone de Beauvoir, des entretiens autobiographiques.

1975 Publication dans le Nouvel Observateur de l’entretien

 

avec Michel Contât : « Autoportrait à soixante-dix ans ». Entreprend, avec Pierre Victor, la rédaction de « Pouvoir et liberté ».

 

1976 Publication de Situations X : politique et autobiographie

 

(Gallimard).

 

Sortie du film Sartre par lui-même, réalisé par Alexandre Astruc et Michel Contât.

 

1977 Publication de Sartre, texte intégral du film Sartre par

 

lui-même (Gallimard).

sartre

« son ascension sociale.

Jusqu'à dix ans, l'enfant mène une vie solitaire et citadine, loin de l'« école du peuple », au milieu des livres (cf.

les Mots).

Son seul héritage est culturel : lecture des classiques français et allemands, encouragée par le grand-père, bandes dessinées et films d'aventures découverts avec la complicité de la mère, premiers essais clandestins d'écriture plagiaire et fantas­ mes de gloire par l'écriture.

Ce paradis d'une enfance quasi incestueuse est détruit par le remariage de la mère.

Sous la coupe de son beau­ père polytechnicien, Sartre vit à La Rochelle les années les plus pénibles de sa vie, découvre, dès le seuil de l'adolescence, la violence et sa propre laideur, avant de trouver à, Paris, aux lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, puis à l'Ecole normale supérieure, le milieu intellectuel qui convient à un fort en thème et qui protège le travail.

C'est l'époque de l'acquisition d'une solide culture clas­ sique, des amitiés choisies (Nizan, Simone de Beauvoir).

Après un premier échec inattendu - à 1' agrégation de philosophie, Sartre est reçu premier.

Mais ni le service militaire, ni son métier de professeur au Havre, puis à Laon, ni ce qu'il appellera son« mariage morganatique» avec Simone de Beauvoir, ni son année de recherches à Berlin, en pleine ascension hitlérienne, ni le succès du Front populaire, auquel il assiste en « spectateur enthou­ siaste », ni ses premières publications littéraires et philo­ sophiques ne lui permettent d'accéder à l'« âge de rai­ son ».

Comme Roquentin, le héros de la Nausée, Sartre reste« un individu sans importance collective», méfiant à l'égard des idéologies qui se répandent surréalisme, marxisme, psychanalyse refusant l'esprit de sérieux et les rôles sociaux, élaborant une morale de 1' « homme seul ».

La crise de la maturité coïncide avec le bouleverse­ ment de la Seconde Guerre mondiale : Sartre mobilisé, puis prisonnier en Allemagne, découvre à travers la « drôle de guerre » et la captivité, l'« irruption de l'His­ toire » dans sa vie individuelle et le décentrement de son univers culturel.

Dès lors, qu'il monte une pièce de théâ­ tre avec ses camarades de détention, qu'après sa libéra­ tion, en 1941, il fonde avec Maurice Merleau-Ponty un groupe de résistance intellectuelle, qu'il collabore à des publications clandestines, qu'il rédige un traité philoso­ phique ou des pièces de théâtre, écrire lui paraît une modalité de l'action et la seule possible dans sa situation.

A la Libération, à un moment où les Français éprou­ vent« un besoin éperdu de grands hom!Jles »,la soudaine notoriété de Sartre en France et aux Etats-Unis achève de le transformer en «monument public ».

Il doit comp­ ter avec son image et avec sa légende, avec les passions extrêmes qu'il suscite chez ses lecteurs et chez ceux qui ne le lisent pas; mais il découvre le pouvoir de cette image.

Dès lors, son activité se partage entre l'animation intellectuelle sous diverses formes, la politique et 1' écriture.

Éveilleur et diffuseur d'idées, Sartre a utilisé des moyens de communication variés et joué un rôle considé­ rable.

Sans croire, sauf à la fin de sa vie, à la possibilité d'une véritable écriture collective, il a animé ou cau­ tionné des entreprises collectives : une revue « de réflexion et de témoignage », les Temps modernes, organe de l'existentialisme à ses débuts, puis tribune politique et champ d'essais littéraires, qu'il a fondée et dirigée jusqu'à sa mort; des collections chez Gallimard : «les Temps modernes>>, «la France sauvage»; une agence de presse, puis un quotidien, Libération, qu'il lance en 1973, sans compter Tout!, la Cause du peuple, Révolution dont il assume un temps la direction.

Il a parrainé dans des préfaces des œuvres d'écrivains, d'ar­ tistes et d'hommes politiques susceptibles de susciter un débat, parmi lesquels Jean Genet, André Masson, Fanon, Lumumba.

Dans les conférences, les entretiens, les conversations qu'il prodigue sur tous les continents, il joue objectivement, quoiqu'il s'en défende, le rôle d'« un ambassadeur de la pensée française».

Venu tard à la politique, sous l'occupation allemande, où il a rencontré des marxistes au groupe « Socialisme et liberté », Sartre se considère comme « incompétent sur le plan de l'action technique politique », mais il assi­ gne aux intellectuels le devoir de «dénoncer l'injustice partout », et il procède, selon la ligne directrice des Temps modernes, « au coup par coup ».

Au cours des émissions radiodiffusées de «la Tribune des Temps modernes» en 1947, et surtout au R.D.R.

(Rassemble­ ment démocratique révolutionnaire), «le parti de Sartre et de Rousset », il tente le regroupement d'une troisième force qui se situerait entre le stalinisme et le gaullisme.

Mais il y renonce dès 1949, et, malgré l'hostilité des jdanoviens à son égard, il devient un « compagnon de route critique» des communistes au cours de la guerre froide et lors de la campagne pour la libération d'Henri Martin, déclarant son accord « sur des sujets précis et limités, à partir de ses principes et non des leurs », préci­ sant ses positions dans « les Communistes et la paix » (les Temps modernes, I et JI, en juillet, octobre­ novembre 1952; III, en avril 1954).

Ce choix le brouille définitivement avec Albert Camus dès 1952 et l'éloigne de Maurice Merleau-Ponty en 1953.

Mais, en 1956, Sar­ tre condamne l'intervention soviétique à Budapest et se sépare du parti communiste français, dont il souhaite la déstalinisation («le Fantôme de Staline», les Temps modernes, janvier 1957).

A partir de 1953, les Temps modernes mènent, contre les guerres coloniales, un combat qui s'intensifie à partir de 1957.

Sartre dénonce l'usage de la torture en Algérie, soutient le « réseau Jeanson », signe le «Manifeste des 121 », participe aux grandes manifestations de 1961- 1962, se déclare solidaire du F.L.N.

Il vit la guerre d'Al­ gérie comme un drame personnel.

Après l'Indépendance, il se rapproche du parti communiste italien, reprend contact avec les communistes soviétiques, continue à s'intéresser à la révolution cubaine et aux problèmes du tiers monde.

En 1964, il refuse le prix Nobel, distinction qu'il juge politiquement attachée au monde de l'« Ouest».

En 1966-1967, il fait partie du «tribunal Russell» chargé d'enquêter sur les« crimes de guerre» américains au Viêt-nam.

Dans le conflit israélo-arabe, il se trouve déchiré entre des amitiés contradictoires.

A partir de mai 1968, à cause de l'intervention soviéti­ que à Prague et du mouvement étudiant en France qui sera souvent considéré comme une « révolution sartrienne» -, Sartre remet en cause le socialisme soviétique et son propre statut d'intellectuel classique.

Il se rapproche des maoïstes et met sa notoriété à leur service en assumant la responsabilité légale de publica­ tions menacées, en fondant le « Secours rouge », organi­ sation de lutte.

contre la répression, en soutenant toute forme d'« illégalité légitime» dans des meetings, des manifestations, des appels, des procès populaires, des témoignages, des pétitions.

Frappé de semi-cécité en 1974, il ralentit ses activités; ses prises de position visent principalement à défendre les droits de l'homme, en condamnant }a répression dans les pays de l'Est, en inter­ venant à l'Elysée, aux côtés de :Raymond Aron, son ancien ami, en faveur des réfugiés "d'Indochine.

Cepen­ dant, il prépare avec PIERRE VICTOR (pseudonyme de Benny Lévy) un ouvrage qui s'intitulera Pouvoir et liberté, projet très controversé qui manifeste au moins des constantes dans les préoccupations politiques de Sar­ tre : une réflexion sur le rôle de l'intellectuel, sur la situation de l'individu dans l'Histoire, sur la violence et la fraternité.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles