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SCÈNE 5 - Acte 4 du Tartuffe de Molière

Publié le 22/02/2012

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Cette scène cruciale est parallèle à la scène 3 du troisième acte. La situation est analogue. Orgon a pris la place de Damis, mais les rôles sont inversés : Elmire fait les avances, Tartuffe est sur la défensive. Les artifices d'Elmire. D'emblée Elmire veut mettre Tartuffe en confiance. Elle l'invite à s'assurer qu'ils sont bien seuls et que personne ne les écoute pour éviter «une affaire pareille à celle de tantôt». Elle adopte un ton de connivence pour faire croire que ce rendez-vous secret est inspiré par l'amour qu'elle lui porte. Consciente de la difficulté de convaincre Tartuffe de sa sincérité elle s'efforce d'abord de gommer la contradiction entre son attitude présente et l'hostilité avec laquelle elle avait accueilli ses avances lors de leur précédent tête à tête.

« En réussissant à piéger Tartuffe, Elmire fait coup double : elle prend sa revanche sur Orgon qui par son aveuglementl'a contrainte à ce stratagème, mais elle venge aussi son mari de l'imposteur qui l'a grugé. Molière veut montrer ainsi que dans ce domaine, même le plus malin et le plus fourbe se trouvera un jour « tartuffié». Dès que l'on entre dans la logique de la domination fondée sur la nécessité d'instrumentaliser la personne humaine,quel que soit le but que l'on se propose, on s'enferme dans le cercle sans fin des illusions et des mystifications quine recouvrent que le vide. Elmire prouve par là que la casuistique n'est pas le seul privilège des pères jésuites.

L'arrangement des faits qu'elleprésente à Tartuffe pour le tenir à sa merci n'a rien à envier à la science de la manipulation dans laquelle celui-ci estpassé maître pour rendre la réalité conforme à ses désirs. Le résultat qu'elle obtient confirme la justesse de la prédiction faite à Dorine.

Tartuffe est effectivement trompé parcelle qu'il aime parce que son amour-propre l'y engage.

A l'amour-propre masculin du séducteur flatté de voir lafemme aimée céder à sa passion s'ajoute le sentiment de supériorité que donne au faux dévot l'absence descrupules et de sens moral.

S'il avait soupçonné chez Elmire une capacité de tromperie égale au moins à la sienne,sans doute aurait-il été plus avisé, plus vigilant.

Faute d'avoir su garder la tête froide, Tartuffe se laisse emporterpar ses pulsions mais surtout par la haute idée qu'il a de lui-même et de son pouvoir et il va rejoindre Orgon parmiles dupes. Une situation scabreuse Les rapports se sont inversés depuis la scène où Tartuffe pour la première fois a levé le masque.

A présent, c'estElmire qui s'emploie à séduire l'imposteur et à le convaincre de sa sincérité. Mais elle réussit trop bien dans son entreprise.

Tartuffe est tellement sûr de son fait qu'il ne se contentera pas deparoles. Il exige qu'Elmire prouve la vérité de ses sentiments en lui accordant sur-le-champ ses faveurs.

Cette impudenceinattendue, tellement contraire aux délicatesses de la galanterie mondaine auxquelles l'épouse d'Orgon est habituée,provoque un nouveau renversement de situation. Elmire est de nouveau sur la défensive et amenée à se dérober. Elle a toutes les raisons de supposer que son mari en a assez entendu et tousse pour donner à celui-ci un signall'incitant à intervenir. Mais Orgon ne bouge pas.

La jeune femme doit alors faire appel à toutes les ressources que le langage peut encorelui offrir pour gagner du temps. Elmire est en droit de penser que Tartuffe en a assez dit pour qu'Orgon soit enfin convaincu de son erreur et sortede sa cachette.

Le silence de son mari la met dans une situation scabreuse.

Pour ne pas sembler se dédire del'amour qu'elle vient de proclamer, elle se voit obligée de passer à l'acte. La réponse de Tartuffe à la déclaration d'Elmire repose sur une confusion sémantique qui, pour être involontaire,n'en est que plus significative, entre le plan de l'extase spirituelle et celui du plaisir sexuel.

La piété dont il faitprofession est devenue pour Tartuffe une seconde nature.

Même en cet instant où il n'a plus à se donner la peinede jouer les apôtres, il ne peut s'empêcher de recourir à son vocabulaire habituel. Alors que dans la scène parallèle du troisième acte il avait commencé par « chatouiller» vulgairement Elmire avant d'exprimer sa flamme en des termes plus relevés et plus flatteurs, ici il inverse le processus.

Le contraste entre lasublimité de son discours et la crudité de ses désirs n'en est que plus saisissant.

Avant d'en venir aux faveurs trèsconcrètes qu'il demande à Elmire, il s'adresse à celle-ci dans un langage quasi mystique.

Le mélange de sensualité etde dévotion déjà flagrant dans la première rencontre devient ici tout à fait détonant. On en jugera d'après l'association entre la «suavité» et la «béatitude» qui assimilent Elmire à la Madone et la métaphore galante du «miel» que les mots que Tartuffe vient d'entendre font « couler à long traits» dans tous ses sens.

Cette «douceur extrême» ne lui suffit pas, il ne la voit que comme le présage d'une autre douceur bien plus grande, celle de la volupté qu'il attend comme preuve à l'appui d'un discours amoureux dont il suspecte la sincérité,car ce pourrait être «...

un artifice honnêtePour m'obliger à rompre un hymen qui s'apprête.» On trouvera un autre exemple de ces curieux télescopages dans la déclaration non moins galante : Le bonheur de vous plaire est ma suprême étude».

Non seulement Tartuffe montre ainsi le peu de cas qu'il fait de la religion en ramenant une expression désignant la connaissance spirituelle au plaisir physique, mais cette union de termes deregistres opposés témoi gne de la maladresse du dévot qui tente vainement d'imiter les préciosités de langage des. »

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