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Selon le critique contemporain Antoine ADAM, « les oeuvres vivantes (sont) celles qui, à travers les siècles, continuent d'éclairer, d'enchanter ou d'émouvoir ». Cette définition des « oeuvres vivantes » vous parait-elle satisfaisante? En vous appuyant sur l'analyse d'exemples tirés des oeuvres littéraires (françaises ou étrangères) que vous avez lues ou étudiées, vous l'illustrerez et, au besoin, la discuterez.

Publié le 17/01/2022

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« Je consacre ma vie à enseigner des oeuvres d'auteurs morts, mais quelle joie ressentent mes élèves lorsque ces oeuvres les séduisent toujours par leur fraîcheur ! », ainsi un professeur de lycée a-t-il témoigné lors d'une interview sur le Français. Cette anecdote définit parfaitement le rôle d'une véritable oeuvre littéraire, celle qui reste actuelle malgré son ancienneté de création. C'est ainsi que s'exprime le critique contemporain A. Adam : « Les oeuvres vivantes (sont) celles qui, à travers les siècles, continuent d'éclairer, d'enchanter ou d'émouvoir. » Un livre ne doit-il pas en effet nous faire découvrir le monde et les hommes qui nous entourent? Mais son pouvoir d'émerveiller et de toucher notre sensibilité n'est-il pas tout aussi important? Cette définition des « oeuvres vivantes » est-elle réellement satisfaisante?

« Mon esprit, tu te meurs avec agilité, Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde, Tu sillonnes gaîmentl'immensité profonde Avec une indicible et mâle volupté...

» ? A sa suite nous sommes transportés dans le mondede l'indicible, mais dont nos sens et notre esprit à travers l'ampleur mélodieuse des vers, perçoivent la douceur desréalités supérieures. Que de merveilleuses histoires ont aussi « enchanté » l'homme à travers les siècles.

Si Ulysse garde sa force deséduction au point de servir de support à un dessin animé -c'est que nous admirons toujours son endurance et saruse, tandis que les péripéties de son périple en Méditerranée sont toujours aussi attachantes.

Un livre enchanteurpeut même traverser plus que les âges : les cultures, comme le montrent bien Les Mille et Une Nuits.

Même si goût,morale, moeurs, mode changent et évoluent, même si certaines oeuvres connaissent des éclipses, le fait qu'ellesréapparaissent est preuve de leur vitalité et il n'est pas besoin de les réactualiser pour que la puissance dessentiments et des mots nous frappe de nouveau.

Antigone est portée au théâtre par Brecht et par Anouilh, mais lapureté des accents d'Antigone s'élevant contre les lois injustes et partant à la mort nous « enchante » toujoursaussi intensément dans la grande tragédie de Sophocle. Pour moi, l'ombre des jeunes filles en fleur et même toute l'oeuvre «A la recherche du Temps perdu » m'ontémerveillée; M.

Proust par son travail stylistique, la puissance de ses recherches à travers le temps m'a «enchantée ».

Une telle vigueur porte une oeuvre vers les cimes, et si elle m efève vers un univers qui m'étaitinconnu auparavant, elle a provoqué la même révélation enchanteresse au fur et à mesure du siècle où les lecteursen prenaient connaissance, affirmant ainsi qu'elle sait atteindre aussi bien le lecteur de 1930 que de 1983...

C'estqu'elle emporte par la pertinence de son analyse mais aussi par l'ampleur enveloppante de sa phrase : « Entre lesintervalles des instruments, si la mer était pleine, reprenait, couché et continu, le mugissement de l'eau d'une vaguequi semblait emporter les traits du violon dans ses volutes de cristal et faire jaillir son écume au-dessus des échosintermittents d'une musique sans marine...

».

Le personnage de Proust crée ici, en son imagination, une réalité quilui est propre, à partir de bruits qu'il perçoit de l'extérieur de sa chambre fermée ; mais il nous entraîne à sa suite,nous aussi nous pourrions créer ainsi et nous nous retrouvons en lui.

C'est cette faculté magique perçue degénérations en générations qui donnera à l'oeuvre sa valeur d'éternité : le monde irréel du Grand Meaulnes (AlainFournier), la « princesse charmante », Sylvie de G.

de Nerval, la simplicité mystérieuse de la Salle à Manger (F.Jammes) ou du Buffet (A.

Rimbaud) ; « O Buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.

» * * * Enfin une oeuvre éternelle est aussi celle qui nous « émeut », d'après A.

Adam.

Sans doute, les canons de lasensibilité se transforment, évoluent de siècle à siècle, de moeurs à moeurs.

Pour qu'une oeuvre demeure vivantegrâce à ses qualités d'émotion, il faut donc que celles-ci soient capables de s'adapter, qu'elles dépassent modes ethabitudes.

Les Misérables de V.

Hugo comporte un contexte propre au XIXe siècle, mais sa puissance émotionnellesubsiste.

« Ah ! insensé qui croit que je ne suis pas toi ! » s'exclamait précisément V.

Hugo.

Si Jean Valjean noustouche toujours c'est que dans l'injustice subie par cet homme qui, affolé de voir sa famille affamée vole un pain etaccomplit 17 ans de bagne, ce sont toutes les injustices dont les pauvres gens sont accablés qui nous frappent.Nous ressentons une émotion d'une valeur éternelle ; nous nous indignons devant les mauvais traitements enduréspar Cosette, car à travers elle ce sont tous les enfants martyrs dont le sort nous émeut.

V.

Hugo sait atteindre ennous ce désir du bon et du grand qui créé l'admiration, mais en toute simplicité, comme si nous les rencontrions dansnotre vie quotidienne : Gavroche est alors un modèle du genre.

Aussi lorsqu'il meurt sur la barricade après s'êtrejoué avec une bravoure à la fois pleine de panache et de désinvolture, quel coeur peut-il ne pas être ému ! Je suis tombé par terre, C'est la faute à Voltaire, Le nez dans le ruisseau, C'est la faute à... « Il n'acheva point.

Une seconde balle du même tireur l'arrêta court.

Cette fois il s'abattit la face contre le pavé etne remua plus.

Cette petite grande âme venait de s'envoler.

» -Pas de rhétorique, la grandeur dans l'enfance etdans la mort...

La sincérité d'un auteur ému lui-même...

Ce sont des éléments qui éternisent l'émotion.

Il semble qu'ilen soit de même pour des textes comme Le Père Goriot (Balzac).

Parce qu'il s'est sacrifié pour ses filles, parcequ'elles ne l'assistent pas lorsqu'il meurt en les réclamant, le lecteur voit se profiler à travers le cas de ce « Christde la Paternité », tous les parents trop bons pour des enfants ingrats, comme il les voit dans Le Roi Lear deShakespeare.

Son émotion est d'autant plus profonde qu'elle pourrait trouver des exemples dans la réalité.

Maisl'oeuvre a su donner une valeur de symbole et elle garde donc sa « vie », de ce fait, à travers les temps.

Commentrester insensible devant Goriot, ou Lear, véritables pélicans qui se sacrifient pour l'amour de leurs filles ? Le ^. »

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