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SHAKESPEARE CET INCONNU

Publié le 10/03/2011

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shakespeare

   « Shakespeare, c'est l'Angleterre «.    (Victor Hugo.)    On n'entre pas de plain-pied dans la connaissance de Shakespeare. C'est une périlleuse entreprise, qui exige autant de prudence que d'audace, de réserves que d'acquiescement, de scepticisme que d'adhésion. Pourquoi ?    Un Américain, Mr. Folger, a eu l'originale idée de fonder à Washington une bibliothèque uniquement réservée à Shakespeare. En 1932, elle comprenait 80.000 volumes ou documents consacrés au dramaturge anglais. Aujourd'hui, toute incomplète qu'elle soit, elle doit en comprendre près de 100.000 ! Et demain ? Et après-demain ? On s'inquiète autant qu'on s'émerveille. Car il n'est pas un pays au monde qui, depuis 350 ans, n'apporte une contribution, petite ou grande, à rapproche de l'homme et à l'exégèse de son œuvre. Approche illusoire, décevante exégèse ! 

shakespeare

« comédiens à la mémoire défaillante, soit par des collaborateurs peu scrupuleux, soit par des imprimeurs étourdis.

Lefolio de 1623, qui fut composé par deux amis de Shakespeare, John Heminge et Henry Condell et comprend 36pièces groupées par genres, est bourré de fautes et d'erreurs.

Or, c'est de lui que l'on part.

Les orthodoxes refusentmême d'attribuer certaines pièces à Shakespeare, et contestent Titus Andronicus, le premier Henri VI, une partie deLa Mégère Apprivoisée, des parties de Timon d'Athènes, de Henri VIII, de La Comédie des Erreurs, etc...

Car il arriveque Shakespeare collabore, ravaude de vieilles pièces pour les adapter à la scène, n'hésite même pas à faire œuvrecollective et commerciale. On n'est d'accord sur rien, et aucun problème essentiel n'est résolu.

Même les vues orthodoxes d'E.

Chambers, guidepourtant sûr, sont discutées.

D'où la multitude et l'enchevêtrement des spéculations, des hypothèses, des vues del'esprit auxquelles se livrent d'intrépides détectives.

La vie et l'œuvre d'un Corneille, d'un Molière, d'un Gœthe, d'unHugo, sont limpides comme eau de roche au regard d'un Shakespeare, chez qui l'on trouve tout, même ce qui n'y estpas.

Or, tout n'est pas dans Shakespeare, loin de là, et des critiques qui se tiennent au-dessus de la mêlée l'ontsouligné avec pertinence, parfois avec ironie. Certes, il est indispensable de savoir que, depuis trois siècles, l'auteur d'Hamlet est la proie des critiques, deslinguistes, des philosophes, des métaphysiciens, des comédiens, des psychiatres, des psychanalystes, des poètes,des dramaturges...

Mais il peut être utile aussi de l'oublier.

M'adressant plus particulièrement à des jeunes, étrangerssans doute à ces problèmes, mon rôle est de leur « débroussailler » le terrain, et, après tant de recherches ardues,d'éliminer pour faire une mise au point et un essai de synthèse. Cette étude portera sur une comédie, La Mégère Apprivoisée, qui appartient à la première période shakespearienne,et sur un drame, Hamlet, qui ouvre la « série noire » des tragédies.

Violent contraste, voulu ou non par ledramaturge, mais qui frappe au premier abord.

Shakespeare n'est pas simple.

Ondoyant et divers, il ne se réduitpoint à l'unité. Que peut-on dire de lui qui soit assuré ? Un William Shakespeare a été baptisé à Stratford-sur-Avon en 1564 ; il y apassé son enfance et une partie de sa jeunesse dans une famille plus bourgeoise que paysanne.

Il a fréquentél'école de la petite ville.

Il a épousé, en Novembre 1582, Anne Hathaway, de huit ans son aînée, dont il eut troisenfants.

Son ménage ne semble pas avoir été très heureux.

Zone d'ombre entre 1587 et 1592 ; on le retrouve àLondres, où il mène une vie d'auteur dramatique et d'acteur attaché à différentes Compagnies, dont celle duChambellan, dont il devient sociétaire.

Associé au célèbre acteur Richard Burbage et à William Kempe, le clown, iljoue devant la cour, à Greenwich, publie plusieurs poèmes, se consacre ensuite à la profession d'auteur-acteur,écrit des pièces pour sa Compagnie, les fait jouer, à partir de 1599, au nouveau théâtre du Globe, écrit deux piècespar an et les représente avec ses camarades.

L'avènement de Jacques Ier favorise la troupe du Chambellan et laprotège par patente royale du 19 mai 1603.

Shakespeare fait alors partie des King's Men, joue tantôt à la cour,tantôt au Globe, tantôt aux Blackfriars, ancien couvent aménagé en théâtre, accumule les profits, gagne bon an malan quelques six cents livres.

Entre 1601 et 1608, son père meurt, puis sa fille Suzanne, puis sa mère.

Il se partageentre Londres et Stratford, ne se fixe pas dans la capitale où il mène une vie errante, ne rompt jamais ni avecLondres, ni avec Stratford où il revient définitivement résider confortablement, nanti de biens solides.

Il meurt le 23avril 1616, à l'âge de 52 ans. Pourquoi ce William Shakespeare, ce Stratfordien dont l'existence est connue, ne serait-il pas l'auteur des pièces dethéâtre qu'on lui attribua ? « Tout s'explique avec l'homme de Stratford, et mieux qu'avec aucun des autres », disaitavec raison G.

Connes en 1926.

Pour ma part, je crois que, tout bien pesé, « tout s'explique », en effet, avec «l'homme de Stratford ».

Je n'en discuterai ni pour La Mégère Apprivoisée, ni pour Hamlet.

Au reste, qu'importel'auteur ? Seule l'œuvre compte.

Même l'anonymat n'enlèverait rien à sa valeur propre. J'essaierai donc d'expliquer ces deux œuvres en les débarrassant de tout fatras pédantesque.

Certes, lescommentaires ne manquent pas, surtout pour Hamlet ; eux seuls rempliraient un livre.

Jamais la critique n'a déferlé àvagues plus pressées, jamais elle n'a accumulé tant de fantaisies saugrenues, tant d'hypothèses décevantes.

Oubien elle reste dans le vague et dans la rhétorique, ou bien elle affirme avec une assurance tranquille.

Deuxexemples suffiront, que j'emprunte à un Français et à un Américain. Les plus éminents anglicistes, dont Emile Le-gouis et Louis Cazamian, continuent à faire grand cas de Taine.

Or, lacentaine de pages que celui-ci consacre à Shakespeare ne sont guère que paraphrases et phraséologie.

Taineaffirme sans preuves, émet des hypothèses.

« J'aime mieux supposer...

je veux supposer enfin...

», généralise àcoups d'images et de comparaisons, prend un ton doctoral déplaisant, tombe dans le galimatias. L'imagination de Shakespeare, dit-il, est « une floraison : une branche sort du tronc et de celle-ci une autre qui seramifie par de nouveaux rameaux » (sic).

« Pas de jalons (?) secs et sagement plantés, mais un bois touffu d'arbresentrelacés de riches buissons ».

Les métaphores de Shakespeare sont « convulsives et semblent écrites par unemain fiévreuse dans une nuit de délire », les mots « perdent leur sens », « nul soin pour se faire comprendre », «Shakespeare vole et nous rampons », il nous mène « dans une contrée escarpée, pleine de précipices », il « pensepar blocs », « arrache quelque fibre palpitante de sa conception complexe et de sa demi-vision colorée » (!).

Sespersonnages sont tous de la même famille, et certains ont des « mœurs de cannibales ».

« L'éblouissante Cléopâtrejette au vent la vie des hommes comme une poignée de sable ».

Taine a raison de dire que « le critique est perdu. »

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