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STENDHAL: ROMANS ET NOUVELLES (1820-1839). — SOUVENIRS D'ÉGOTISME (1832). — LUCIEN LEUWEN (1834-1835). — VIE DE HENRI BRULARD (1835 - 1836). — MÉMOIRES D'UN TOURISTE (1838). — VOYAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE (1838). ANALYSE D'OEUVRES

Publié le 23/06/2011

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stendhal

Stendhal, auteur de Nouvelles, est loin d'être négligeable, mais il n'a pas l'envergure du romancier. Trichant avec le genre, plutôt que de brefs récits il donne des chapitres de roman. Si le raccourci de l'action frappe dans le Coffre et le Revenant, dans le Philtre, le conteur entend surtout rendre psychologiquement plausibles des caractères déconcertants et atteindre à l'émotion par les voies les plus directes. Il y parvient grâce à cet « esprit d'analyse dans l'action « que Paul Bourget lui a reconnu. On ne saurait entrer ici dans le détail des Romans et Nouvelles ; nous retrouverons Stendhal conteur à propos des Chroniques italiennes. Signalons toutefois, en dehors des deux contes déjà cités : Le Rose et le vert, Mina de Vanghel, Souvenirs d'un gentilhomme italien, Le Juif, Le Chevalier de Saint-Ismier, Philibert Lescale, Feder ou le Mari d'argent. L'ennui qui s'abat soudain sur le consul, fraîchement désigné, de Civita-Vecchia, le ramène en esprit, vers les salons littéraires, vers les amis parisiens qu'il ne reverra plus — et il s'en désole, — que deux ou trois fois avant de, mourir. Les Souvenirs d'égotisme vont ressusciter en 1832, pour sa délectation personnelle, les dernières années de la Restauration. Est-ce sa faute si, parmi ces amis, il y avait quelques joyeux lurons — d'où la liberté piquante de certaines anecdotes ? Cet ouvrage, sous une forme imprévue, est un peu ce que furent les Regrets pour Du Bellay, les Tristes pour Ovide.

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« l'accumulation dans les marges du texte, de mille notations destinées à s'insérer, le moment venu, dans la versionprimitive.

Il veut éviter, en annonçant les acteurs, que son livre ne ressemble à des Mémoires, et envie le Fieldingde Tom Jones de savoir décrire à la fois les sentiments et les actions de plusieurs personnages, alors qu'il secontente d'un seul.

Il transforme le récit en dialogue pour être plus vivant.

Métilde sert encore de prototype pourMme de Chasteller, si douce, si estompée, et il prête à Lucien Leuwen sa propre nature.

Mais pour l'ensemble descomparses, il s'agit toujours d'images composites adroitement fondues.

Mme Grandet garde quelques traits de Mmede Saint-Aulaire ; le père de Lucien Leuwen rappelle di Fiore.

Une expression scrupuleuse entend exprimer «raisonnablement même les plus grands écarts de la passion » : « J'ai copié les personnages et les faits d'aprèsnature, et j'ai constamment affaibli n, confesse-t-il mais il ne s'inquiète du style qu'après avoir tenté de toutexprimer de sa pensée, s'en remettant au coup de fouet d'un mois de séjour à Paris pour le dernier polissage etl'ultime documentation sur le plan mondain.On s'engage dans la lecture de Lucien Leman comme sur une pente très douce, sous le double signe de la jeunesseet de la mélancolie ; le protagoniste, malgré son cheval fringant, a quelque chose de féminin — on croirait le frèrede Clélia Conti ou d'Octave de Malivert.

Le récit uni se déroule comme une tapisserie.

L'auteur s'empare de notresensibilité par touches légères.

A combien de traits ne le reconnaissons-nous pas ! Cette transposition nous offremême l'image du père de ses rêves : un père opulent, banquier de son état, indulgent et facile et dont le plus vifdésir est de mettre une maîtresse agréable et flatteuse dans les bras d'un fils timide et sentimental 1 Aimabledialogue de l'homme vieillissant et séduisant, qui a su vivre — et de celui qui l'aime et qui l'envie peut-être, sanspouvoir l'imiter, car il a découvert un mystérieux domaine dont l'auteur de ses jours n'eut jamais l'idée.

Quant à Mmede Chasteller, pudique et exquise, aux hardiesses intermittentes, toute en scrupules et réticences, elle fait penserplus d'une fois, étant Métilde, à l'oranger dont parle De l'Amour.

Mieux que dans le Rouge et le Noir, si tendu dansl'ensemble, Henri Beyle dans Lucien Leuwen nous arrache en poète au monde de la vie réelle, avant que ledépaysement ne soit total avec la Chartreuse de Parme.La Vie de Henri Brulard, qui conduit l'écrivain au terme de l'adolescence, est son récit autobiographique le plusmarquant, au point que les lecteurs de Stendhal se classent en trois groupes principaux : les « rougistes », les «chartreusistes » — et ceux qui donneraient son oeuvre entière pour des pages qui se lancent avec tant d'audace etde droiture à la recherche du temps perdu.

Destinés a une postérité problématique, ces mémoires devaient-ilstransmettre, comme le suggère Paul Hazard « l'image éclatante de son Moi » ? Son but nous apparaît plus modeste :« Ceci est nouveau pour moi ; parler à des gens dont on ignore absolument la tournure d'esprit, le genre d'éducation, les préjugés, la religion ! Quel encouragement à être vrai et simplement vrai, il n'y a que cela qui tienne.

» Le soucide se connaître enfin dans sa vérité, par une revue d'ensemble de son existence, lui fait donc prendre la plume.

Ils'agit d'évoquer un temps bien plus reculé que celui des Souvenirs d'Egotisme ; l'effort est plus pénible.

La mémoirevisuelle de l'écrivain étant exceptionnelle, c'est souvent de la fidélité d'un croquis que se détachera le souvenirrécalcitrant.

Nous sommes devant les Mémoires de Dominique, et le ton est aux antipodes des Confessions deRousseau.

Stendhal en avait eu l'idée en 1832 ; la décision fut prise à San-Pietro in Montorio, le 23 novembre 1835,devant le panorama ensoleillé de Rome sur le fond de toile cendré des monts Albains.

Il poursuivit la rédactionjusqu'au 17 mars 1836, parvenant à l'époque du premier séjour milanais.

Mais alors la nouvelle de son congé luiparvenait ; son imagination volait en France.

Pas plus que Lucien Leuwen, il n'acheva Henri Brulard.

Ces annéesfrançaises nous valurent en compensation la Chartreuse de Parme.Pourquoi ce pseudonyme de Brulard ? Henri Beyle a dû retenir dans sa lignée, côté Gagnon, le nom d'un notaire deBédarrides, assez forte tête, frondeur et impertinent, cousin germain du docteur Gagnon.

S'interdisant de rieneffacer du premier jet pour ne point « mentir par vanité », il a laissé un brouillon presque sans ratures, rédigé sousune impulsion incoercible.

Quelle passion bouillonnante dans cette quête rétrospective ! Auteur fut-il jamais à cepoint sans fard devant lui-même, et devant le lecteur d'une problématique postérité ? Il retrace de l'enfant et del'adolescent qu'il fut l'image la plus vive et la plus indélébile.

Est-il meilleur commentaire à son oeuvre ? On voits'éveiller sa sensibilité, se former sa pensée.

Il ne se flatte pas — il se noircirait plutôt.Grenoble et ses habitants, sa famille paternelle ne sont pas épargnés, non sans quelque injustice parfois.

Grenoblefut lent à lui pardonner.

Nous comprenons enfin cette âme ombrageuse, déçue dans sa soif d'affection et qui sereferme sur sa blessure.

Il la donnera à ses héros amoureux de la gloire, amoureux de l'amour comme il l'était àseize.

ans.

Romantique, certes, mais sans révolte ; sans vanité devant des aveux affligeants qui, à tout autre,eussent coûté.

Nul coup de pouce pour se montrer de façon avantageuse.

E ne plaide pas pro domo.

Ces pages,d'un faible intérêt historique, offrent un immense intérêt humain : tout converge sur un être destiné à devenir lepsychologue le plus sûr de son époque.

Absorbé dans sa tâche de résurrection d'un passé individualiste, il a parfoisl'impression de « faire des découvertes sur un autre ».

Le prendra-t-on sans réserve comme guide ? Paul Arbelet adû rectifier plus d'une de ses assertions.

C'est qu'il lui arrive de trébucher sur les faits, les dates ; mais sa mémoireaffective garde à jamais l'empreinte de ce qu'il a un jour ressenti.

Les rancoeurs de l'homme mûr se substituentparfois à la vision de l'enfant, et le portrait s'en ressent.

Encore faut-il bien distinguer : Chérubin Beyle, l'abbéRaillane ne furent pas « historiquement » les sinistres personnages que Stendhal a dépeints.

Mais est-ce la véritéhistorique qui importe dans un cas aussi subjectif.

N'est-ce pas plutôt la réaction psychologique de l'enfant ? Or lavérité de cette réaction fut bien telle que la Vie de Henri Brulard l'exprime.

L'analyse du bonheur qu'Henri Beyleenfant ressentit parmi des jeunes femmes aux toilettes claires, dans le cadre des Échelles, permet de légitimer laréticence instinctive de l'écrivain devant toute description : « Ici déjà les phrases me manquent..., où trouver desmots pour peindre le bonheur parfait goûté avec délices et sans satiété par une âme sensible jusqu'àl'anéantissement et à la folie ? Je ne sais si je ne renoncerai pas à ce travail.

Je ne pourrais, ce me semble, peindrece bonheur ravissant, pur, frais, divin, que par l'énumération des maux et de l'ennui dont il était l'absence complète.Or ce doit être une triste façon de peindre le bonheur ».Regrettons que Stendhal n'ait pas poussé plus loin ces confessions qui constituent un document sans prix, et quisert maintes fois de contre-épreuve à son oeuvre.

Jean Prévost a décelé le rythme secret du livre : « Le présent yalterne avec le passé, l'impression avec les faits, l'effort méfiant avec le laisser aller du songe ».

Henri Beyle, en vrai. »

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