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Stéphane Mallarmé : « ce n'est point avec des idées que l'on fait des vers… c'est avec des mots »

Publié le 30/10/2011

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Le mot poésie vient d’un verbe grec poiein qui signifie « produire «, « créer «. Ainsi le poète exploite toutes les ressources d’une langue pour inventer et créer un art qui mêle sonorités, rythmes et mots pour évoquer des images, suggérer des sensations ou des émotions. C’est la définition qui nous est fournie par le dictionnaire, cependant, un problème d’esthétique littéraire se pose : selon Stéphane Mallarmé, « ce n’est point avec des idées que l’on fait des vers… c’est avec des mots «, mais n’est-ce pas trop restrictif que de réduire la poésie à un simple assemblage de mots ? Le poète n’a-t-il pas une autre fonction au-delà de produire une œuvre esthétique ? Dans un premier temps, nous montrerons que la poésie est avant toute chose une composition artistique et musicale, et donc par définition esthétique, mais dans un second temps nous expliquerons que ce n’est pas sa seule fonction et qu’elle peut être le fruit de pensées profondes et enfin, nous dégagerons le fait que ces deux idées sont indissociables et que les mots représentent l’outil d’écriture de la pensée. 

« poésie doit avoir pour but la vérité pratique ».

Son seul titre nous montrer d'ores et déjà son opinion au sujet de lafonction de la poésie en employant le terme « vérité ».

Il rejoint la conception d'Hugo qui considère le poète commeun guide vers la « lumière » et donc vers la connaissance.

Dans ce poème, il met une certaine distance avec lesclichés poétiques avec la redondance à chaque tercet de l'expression « si je vous dis … vous me croyez » ; il metau premier plan l'engagement du poète qui est pour lui primordiale : « les hommes / Ont besoin d'être unis, d'espérer,de lutter, / Pour expliquer le monde et pour le transformer ». Mais l'expression des pensées ne se limite pas à la poésie engagée, la poésie lyrique en est une autre illustration.

Il s'agit alors de l'expression des sentiments tels que l'amour, la tristesse ou la nostalgie, la poésiedevient alors le langage de toutes les émotions que chacun peut ressentir.

Nous l'avons vu en première partie,l'origine de la poésie remonte à Orphée et aux troubadours.

Leurs poèmes étaient avant tout lyriques, ils exprimaientnotamment leurs sentiments amoureux à travers leur poème et leur musique.

Orphée chantait l'amour de sa femmeEurydice de la même façon que les troubadours écrivaient des poèmes à la gloire de la femme aimée, ce qui faitpartie de l'expression de l'amour courtois au Moyen Age.

Ainsi, quelques siècles plus tard, Louis Labbé publie unsonnet (VIII) où elle nous décrit une multitude de sentiments simultanés et très différents, à la fois au niveaucorporel et spirituel, traduits par les très nombreux parallélismes antithétiques : « J'ai chaud extrême en endurantfroidure […] J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

».

La poésie lyrique se pérennise au cours des siècles, on peutencore citer par exemple Gérard de Nerval ou encore Ronsard. Enfin, la poésie est également le lieu où les mots sont les plus percutants et les idées les plus persuasives. En effet, Victor Hugo, auteur majeur de la poésie engagée, a relaté un fait divers réel dans deux poèmes, l'un enprose et l'autre en vers, pour en faire un symbole de la dénonciation d'un usurpateur : Napoléon III.

Lorsque l'oncompare ces deux poèmes, on peut mettre en évidence la puissance du verbe poétique car la dénonciation opéréepar le poète dans « Souvenir de la nuit du 4 » est bien plus efficace que dans le texte prosaïque de l'œuvre« Histoire d'un crime ».

En effet, la musicalité est très présente dans « Souvenir de la nuit du 4 » notamment grâceà la présence exclusive d'alexandrins ou à celle d'un rythme ternaire : « La famille, l'église et la société ».

L'écriturepoétique est également propice à la présence de métaphores et de comparaisons frappantes telles que « la mûredans les haies » ou le « crâne […] ouvert comme un bois qui se fend ».

De plus, seule l'écriture en vers permet demettre en valeur certains mots en les plaçant à la rime, comme le mot « honnête » qui souligne l'innocence de lafamille.

Enfin, elle permet également au poète de prendre la parole plus aisément : le blanc strophique marque unpassage du récit au discours où Victor Hugo vise à scandaliser son lecteur par le biais de l'ironie.

Le poète insisteénormément sur le goût de luxe de Napoléon III en utilisant des termes tels que « palais », « convenir » ou encore «son jeu, sa table, son alcôve » qui marquent l'ironie polémique. De nombreux auteurs voient en la poésie un moyen de transmettre des pensées, soit pour les partager avec son lecteur, soit pour diffuser un message précis et cela, sans remettre en cause la fonction esthétique de la poésieau niveau formel.

Ainsi, le fond et la forme sont indissociables : l'art de l'écriture se met alors au service de lapensée.

Nous l'avons déjà évoqué, Victor Hugo est très célèbre pour ses engagements et ses combats dans sonœuvre littéraire, cependant, il a parfois été critiqué pour ses prises de position.

C'est en réponse à ses critiques queVictor Hugo a voulu montrer qu'il maîtrisait parfaitement la langue française et que ses engagements n'empêchentguère la création d'un poème qui allie beauté des sons et des images.

C'est notamment grâce à ses holorimes qu'il aprouvé à ses détracteurs que le poète engagé reste un artiste : « Gal, amant de la reine alla, tour magnanime /Galamment de la reine à la tour Magne à Nîmes.

».

Victor Hugo est un poète engagé qui prend position de façon radicale dans la plupart de ses textes, certes, mais il reste avant tout un auteur reconnu pour son style et sontalent d'écrivain.

Bien que le Parnasse se soit fermement opposé au courant lyrique, la limite demeure parfois incertaineentre poètes lyriques et parnassiens.

Baudelaire n'a pas appartenu au Parnasse mais il poursuit une méditation esthétique où s'exprime une mystique de l'Art et de la Beauté que l'on retrouve dans son œuvre majeure : Les Fleurs du Mal .

Le courant parnassien a pour lui des limites, il condamne le culte excessif de la forme qui mène, selon lui, à un objectif opposé à celui recherché initialement.

Dans L'Ecole Païenne , il déclare : « Le goût immodéré de la forme pousse à des désordres monstrueux et inconnus .

Absorbées par la passion féroce du beau, du drôle, du joli, du pittoresque, car il y a des degrés, les notions du juste et du vrai disparaissent .

La passion frénétique de l'art est un chancre qui dévore le reste ; et, comme l'absence nette du juste et du vrai dans l'art équivaut à l'absence d'art , l'homme entier s'évanouit ; la spécialisation excessive d'une faculté aboutit au néant .

».

La limite de « l'Art pour l'Art » réside ailleurs pour Mallarmé, selon lui, le Parnasse doit aussi intégrer le symbolisme.

Il reproche auxparnassiens de ne pas cultiver le mystère et de conduire le lecteur vers une autre réalité sans que celui-ci n'ait àdéchiffrer le texte, c'est ce qu'il exprime dans l'interview qu'il accorde à Jules Huret, journaliste français célèbre pourses interviews d'écrivains : « Les jeunes sont plus près de l'idéal poétique que les Parnassiens qui traitent encore leurs sujets à la façon des vieux philosophes et des vieux rhéteurs, en présentant les objets directement.

Je pensequ'il faut, au contraire, qu'il n'y ait qu' allusion .

La contemplation des objets, l'image s'envolant des rêveries suscitées par eux , sont le chant : les Parnassiens, eux, prennent la chose entièrement et la montrent : par là ils manquent de mystère ; ils retirent aux esprits cette joie délicieuse de croire qu'ils créent.

Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer , voilà le rêve.

».

Ainsi, pour en revenir à Baudelaire, il n'hésite pas à exprimer ses sentiments dans ses poèmes, comme dans« Elévation », tiré des Fleurs du Mal , où il allie la beauté de la forme fixe qu'est le sonnet mais également l'emploi d'anaphore, à l'expression de son désir d'ascension vers un idéal : « Par delà le soleil, par delà les éthers, / Par delà les confins des sphères étoilées ».

Il veut montrer qu'il n'y a aucune contradiction à se vouer à ses élans lyriques. »

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