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« Ce n'est point avec des idées qu'on fait des vers... c'est avec des mots. » Vous apprécierez cette formule attribuée à Mallarmé sans omettre de donner des exemples précis.

Publié le 22/02/2012

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   Comme tous les sujets abordant la définition d'un genre — et en particulier de la poésie — celui-ci est extrêmement difficile à aborder. En premier lieu il exige du candidat tout à la fois une connaissance approfondie et étendue du domaine à étudier ainsi que de solides appuis théoriques : comment prétendre parler de la poésie sans connaître les conceptions esthétiques des classiques, des romantiques, des symbolistes, des surréalistes, des parnassiens, etc. ?    En second lieu, un tel sujet, par son ampleur et son manque de directivités, peut inciter le candidat au « déballage « encyclopédique : on se heurte alors à un travail informel, véritable catalogue de remarques superficielles, qui se trouve sanctionné d'une très médiocre note.   

« joie délicieuse de croire qu'il [le poète] crée » (Mallarmé).

D'où cet effort de création lucide et maîtrisée de plus enplus important avec l'évolution de l'histoire poétique (si l'on excepte la tentative d' « écriture automatique » dusurréalisme naissant) : Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Valéry.

Quelques noms pour lesquels le langage devaitse plier à l'Idéal : non point seulement un idéal formel (tel que le rêveront les adeptes de l'Art pour l'Art ou duParnasse), mais un idéal absolu dans lequel le sens ne soit pas figé : d'où, inversement, la nécessité de fixer laforme : « Tandis que le fond unique est exigible de la prose, c'est ici [dans la poésie] la forme unique qui ordonne etqui survit » (Valéry). Dès lors s'explique que pour Mallarmé le mot soit l'objet de toutes ses attentions; ce mot auquel il faut « donner unsens plus pur » le poète le libère de sa syntaxe traditionnelle, créant ainsi une langue parallèle à la langue prosaïquequi aboutira au Coup de dés puis au silence.

Ainsi, ce que nous nommions plus haut (( l'exclusion mallarméenne »,n'est peut-être pas une véritable exclusion, mais l'expression d'une méthode qui consiste à soumettre l'idée auvocabulaire : la poétique de Mallarmé est, de ce point de vue, rupture de la tradition.

Mais cette rupture dans ceque la critique moderne nomme le (( fonctionnement » du poème, peut-elle aller jusqu'à l'exclusion totale,précisément des « idées », sans se confondre avec le silence de la page blanche? * * * La rigueur de Mallarmé s'inscrit dans un mouvement de contestation du sens que la littérature n'est pas la seule àavoir connu : la peinture, la sculpture et la musique ont également été bouleversées par le refus du réel.

Affirmerque « La terre est bleue comme une orange » (Eluard) c'est, d'emblée, déplacer le rapport traditionnel de l'écriturede la chose au mot pour en faire un rapport du mot à l'Idée.

Autonome, le discours poétique, peut alors revendiquerson indépendance à l'égard de toute glose.

Ainsi Nerval précise-t-il dans la dédicace « A Alexandre Dumas » quiouvre Les filles du feu : « Mes sonnets [Les chimères]...

perdraient de leur charme à être expliqués, si la chose en était possible.

» Et Valéry, dans la Préface de Charmes : « Mes vers ont le sens qu'on leur prête.

[...] C'est une erreur contraire à la nature de la poésie, et qui lui seraitmême mortelle, que de prétendre qu'à tout poème correspond un sens véritable unique, et conforme ou identique àquelque pensée de l'auteur.

» Dès lors, on comprend que le sens n'étant pas l'objet du soin du poète, la poésie ne sort pas le véhicule prioritairede l'idéologie.

Et cependant, nombre de poètes ont choisi leur art pour exprimer leurs propres croyances religieusesou politiques.

Mais à la différence des œuvres théoriques (traités, manifestes, etc.), le poème engagé est aussilyrique, c'est-à-dire qu'il exprime avant tout le sentiment d'un narrateur : « Je veux peindre la France...

» (D'Aubigné) « J'étais le vieux rôdeur...

» (Hugo, L'année terrible) « Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs » (Césaire) « J'écris dans un pays dévasté par la peste...

» (Aragon) On l'aura remarqué, ce regard personnel, associé au discours poétique, fait du texte engagé une vaste métaphore :D 'Aubigné parle de « peindre » et Aragon évoque « la peste ».

Même lorsqu'il s'attache à l'événement, le poète,subissant les contraintes de son art, métamorphose les faits et la réalité.

De ce fait, même lorsqu'il fait de sonpoème le témoignage du monde qui l'entoure, le poète est encore « artisan de vers » : il subordonne les idées auxmots.... * * * La position de Mallarmé tout à la fois d'apparence tautologique et exclusive, recouvre une réalité plus profonde queRobbe-Grillet a exprimé différemment : « Le seul engagement possible pour l'écrivain c'est la littérature! » Et de fait,si un tel précepte vaut pour l'ensemble de la création littéraire il est particulièrement pertinent pour la poésie : aupoint que certains poètes aient vécu leur engagement jusqu'à la maladie, jusqu'au silence ou jusqu'à la mort.

C'estYves Bonnefoy qui le rappelle : « La poésie se poursuit dans l'espace de la parole, mais chaque pas en est vérifiabledans le monde réaffirmé.

». »

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