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Sujet d'invention : Phèdre

Publié le 17/01/2022

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Cher ami, Je t'écris cette lettre encore sous le charme de la représentation de Phèdre de Jean Racine avec lequel, comme tu sais j'entretiens une amitié que les récentes attaques personnelles n'ont fait que renforcer. Cette pièce a été magnifiquement jouée par le troupe de Racine dans un théâtre de Bourgogne digne de l'occasion : tous les sièges y étaient occupés par des personnalités insignes de la Cour ainsi que par l'élite intellectuelle de la capitale. Le succès de cette soirée suffira, je l'espère, à faire taire les détracteurs du dramaturge.Comme j'ai eu l'occasion de t'en parler auparavant, Racine et moi-même ne manquons pas d'ennemis et nombreux sont ceux qui auraient souhaité voir « tomber » la pièce.

« Comme je l'ai préconisé et selon les règles antiques d'Aristote et Horace, Racine a réalisé selon moi la tragédie parexcellence.Jean Racine, par rapport à ses prédécesseurs, a su introduire dans la pièce une grande intensitédramatique ; Phèdre n'est pas une héroïne tragique stéréotypée, dont les actes sont certes dictés par la volontédes dieux mais reste au fond une femme, dévorée par la passion, déchirée entre les appels de son cœur et sondevoir d'épouse et de mère.

Sa faiblesse et son échec, sa déchéance finale nous la rendent plus humaine, et j'ai vubien des larmes couler sur les joues de certaines parmi le public, et beaucoup de crainte et pitié dans les yeux desspectateur lors du dénouement final.

Aristote, comme tu le sais, parle à ce propos de « catharsis », admirablementréussie dans cette pièce.

Je ne te cache pas que certains détracteurs ont contesté le fait que Phèdre meurt surscène, ce qui serait en violation de la règle de la bienséance.

Si Racine a fait ce choix, lui, le maître incontesté de latragédie, je le respecte : les spectateurs n'en ont été que plus rassurés sur le triomphe de la morale et de la vertusur la passion irrationnelle, et la « catharsis » est encore plus efficace. D' autre part, je ne pourrais que féliciter Racine pour son respect de la vraisemblance et des trois unités.

Voila encore une fois qu'il respecte ma fameuse règle : « Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.

» Si je devais te suggérer la lecture d'un acte pour que tu comprennes la grandeur tragique de Phèdre et l'art sublimedu langage de Racine, je te proposerais en premier lieu la scène 5 du deuxième acte; ici Phèdre ayant appris ledécès de Thésée déclare son amour à Hippolyte.

Dans cet aveu de son amour, Phèdre est certes une héroïnetragique. La mort plane sur toute la scène et est présente dans les propos de Phèdre : « poison », « mortelle », « venge-toi ».

Le spectateur est comme aspiré dans un mouvement vers l' abyme .Les sentiments de Phèdre sont ici à leurparoxysme ; elle exprime sa « fureur » dans le dénouement d'une crise déjà présente dans l'exposition de la pièce :comment ?! Une femme qui se permet d'avouer son amour à un homme qui, de surcroît, la repousse ? Encore plusgrave un amour adultère et incestueux ? Mais voilà que Racine arrive à ne pas choquer le spectateur en respectantla bienséance ; la première tirade de Phèdre utilise des détours de langage qui vont jusqu'à superposer les deuxhommes : Thésée, l'époux légitime, et Hippolyte, en évitant ainsi de scandaliser les spectateurs.

Quel art encoreune fois dans la plume de Jean Racine ! Mais le registre tragique ne suffit pas à notre dramaturge : c'est le pathétique qui apparaît dans la deuxième tiradede Phèdre.

Elle se lamente de toutes ses souffrances devant Hippolyte ; elle regrette ses sentiments : « Ne pensepas qu'au moment que je t'aime...je m'approuve moi même », « folle amour », «ma lâche complaisance », « les dieuxont allumé le feu fatal ».

En se rendant victime, en plaçant la faute sur les autres, Phèdre espère obtenir lacompassion d'Hippolyte pour qu'il ait pitié d ‘ elle.

A la fin de cette tirade, tout le monde était haletant dans la salle :Phèdre était en train de s'immoler, suppliant Hippolyte de la tuer, la mort étant la seule issue à son amour fatal etcoupable. Durant toute cette scène, ainsi que durant la pièce, j'ai pu observer de la part de Racine, une élégance du langageà tout moment.

En effet, dans cette tirade, Phèdre est violente ; ses sentiments sont mis à jour de façon brutale.Cependant Racine a su préserver l'esthétique dans les paroles des personnages en toutes circonstances.

Je suisparvenu à repérer plusieurs effets de style qui me le confirment, dont notamment un parallélisme, une litote, uneantithèse, ou encore une magnifique double négation que je ne peux m'empêcher de te répéter : « Tu me haïssaisplus, je ne t'aimais pas moins » .Malgré le côté violent, pathétique et relevant de la mort de cette tirade, Racinemet en forme une certaine esthétique dans les propos des personnages, dans le but que la pièce plaise auxspectateurs.

En effet, Racine s'adresse à ceux qui l'écoutent et la voient jouée.

Son but est de faire passer uneleçon de morale universelle.

Grâce à la « catharsis », le spectateur s'identifie à Phèdre.

Dans la pièce, il saisitl'ampleur des ses souffrances, et souhaite ne pas subir d'épreuves identiques dans le courant de sa vie.

Phèdre estdonc là pour jouer un rôle d'anti modèle.

Au fond de lui, sans forcément s'en rendre compte, le spectateur enregistreles actes de Phèdre comme des exemples de ce qu'il ne faut pas faire.

L'auteur veut faire passer comme morale auxspectateurs, le fait qu'il faut surmonter ses passions.

Phèdre a cédé à ses sentiments et a dévoilé à Hippolyte cequ'elle ressentait pour lui, et, au final, cet acte lui sera fatal.

A la fin de la pièce, le spectateur a retenu la moraletransmise par l'auteur. Voici, cher ami, quelques impressions sur cette pièce qui ne cesse d'attirer des spectateurs à chaquereprésentation.

Je t'invite dès à présent à monter à Paris pour que tu puisses apprécier ce chef d'œuvre dans satotalité. Ton ami dévoué, N.B. »

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