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Techniques romanesques dans Madame Bovary de Gustave Flaubert

Publié le 22/01/2020

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bovary

droits de la passion supérieure aux devoirs de la morale convenue (p. 197), où elle se tait. Elle ne sera plus désormais que mollesse et attente passive. Mais Flaubert suggère par d’autres moyens, plus subtils que les mots d’un dialogue, les sentiments de son héroïne et le trouble qui l’agite. Pendant plus de deux pages (198-200), le discours de Lieuvain s’interrompt. Mais nous sentons bien que si nous n’entendons plus les paroles du Conseiller de préfecture ce n’est pas parce que « sa voix se perdait dans l’air », c’est surtout parce qu’Emma a cessé de les écouter, parce que les phrases de Rodolphe continuent de retentir en elle, toute à son trouble. Ses regards errent sur la foule des hommes et des animaux, exposés au-dessous d’elle, et dont les postures grotesques démentent « l’intelligence profonde et modérée » si généreusement attribuée aux populations par M. le Conseiller. Les images et les bruits divers occupent son esprit que son trouble croissant rend incapable de suivre le fil du discours. Rodolphe s’étant rapproché et relançant la conversation sur un ton plus passionné, un vertige la gagne. Sa conscience est désormais dominée par ses sens. Les images du passé ressuscitent et se mêlent au présent grâce au parfum du séducteur, par un mouvement déjà proustien (p. 200); le visage de Léon lui apparaît à la vue de l’Hirondelle au loin. Alors tout se confond dans la sensation, le passé lointain et le passé plus récent, le vicomte et Léon, le souvenir du vertige de la danse et sa mollesse présente. Elle accuse tous les signes physiques d’un malaise imminent. Le mauvais moment passé, elle entend « la voix du Conseiller qui psalmodiait ses phrases » et de nouveau, avec le retour d’Emma à une conscience plus claire, nous revenons au discours.

Discours à double entente, du reste : « Continuez ! Persévérez ! n’écoutez ni les suggestions de la routine, ni les conseils trop hâtifs d’un empirisme téméraire » (p. 201). A qui s’adresse-t-il ? Aux paysans, bien sûr, et tous les détails qui suivent nous ramènent à la réalité la plus terre à terre, mais quelles résonances prennent-ils, ces impératifs, dans l’esprit de Rodolphe et d’Emma, qui ne pensent pas, eux, à l’amélioration « des races chevalines, bovines, ovines et porcines », mais bien à la transgression de la morale et à la « fatalité » de l’amour?

Chaque fragment du discours forme un contrepoint

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« " On porte vingt ans une passion sommeillante qui n'agit qu'un seul jour et meurt.

Mais la proportion esthétique n'est pas la physiologique >> (lettre du 21-22 mai 1853).

• ((Les effets d'une symphonie>> Un autre passage de la correspondance au sujet du premier chapitre de la deuxième partie nous fait comprendre une autre des difficultés auxquelles s'est heurté Flaubert : " J'ai à poser à la fois dans la même conversation cinq ou six per­ sonnages (qui parlent), plusieurs autres (dont on parle), le lieu où l'on est, tout le pays, en faisant des descriptions physiques de gens et d'objets, et à montrer, au milieu de tout cela, un monsieur et une dame qui commencent (par sympa­ thie de goflts) à s'éprendre un peu l'un de l'autre.

Si j'avais de la place, encore l Mais il faut que tout cela soit rapide sans être sec, et développé sans être épaté, tout en me ména­ geant, pour la suite, d'autres détails qui là seraient plus frappants '' (lettre du 19 septembre 1852).

Flaubert définit bien là une des caractéristiques de ses scènes, cette mise en place d'éléments nombreux et variés destinés à se fondre dans le même mouvement.

Considérons de ce point de vue une autre scène encore que celle de l'auberge, celle des comices agricoles.

Cette scène est une des plus importantes du roman.

Elle y occupe une place privilégiée : à peu près au milieu du livre (pages 182 à 209 dans un volume de 446 pages), elle constitue comme le pivot de la partie centrale, se trou­ vant au chapitre 8 de cette partie qui en compte quinze.

Mais ce sont les intentions artistiques de l'auteur et sa place dans l'analyse narrative qui lui confèrent l'essentiel de sa valeur.

Ici se justifie pleinement le mot de Flaubert à propos de son livre : « Si jamais les effets d'une symphonie ont été reportés dans un livre, ce sera là!» (lettre du 12 octobre i853).

• Les comices La scène s'ouvre par une description d'Yonville en fête.

Guirlandes de lierre, lampions, étendards, estrade, tout est prêt pour la solennité.

Le pays se remplit de paysans qu'un détail caractérise : (( la robe retroussée de peur des taches » ou le mouchoir sur les chapeaux dont les maris (( tiennent un angle entre les dents " pour ménager leurs couvre-chefs.

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