Devoir de Philosophie

THÉÂTRE ET EXAGÉRATION

Publié le 28/03/2015

Extrait du document

Seul l'excès, affirme ainsi Ionesco, convient à la spécificité du langage théâtral.

D'où Ionesco a-t-il tiré une telle conception du théâtre ? Il le confesse lui-même : du spectacle du guignol du Jardin du Luxembourg à Paris auquel il assistait enfant :

«J'étais là, je pouvais rester là, envoûté, des journées entières. Je ne riais pas pourtant. Le spectacle du guignol me tenait là, comme stupéfait, par la vision de ces pou­pées qui parlaient, qui bougeaient, se matraquaient. C'était le spectacle même du monde, qui, insolite, invrai­semblable, mais plus vrai que le vrai, se présentait à moi sous une forme infiniment simplifiée et caricaturale, comme pour en souligner la grotesque et brutale vérité.«

 

L'avant-garde théâtrale rejoint donc, comme cela est sou­vent le cas, une ancienne tradition, sautant simplement par­dessus la tête du langage dramatique de la génération qui précède, renouant avec une source vive pour mieux couper avec une esthétique déjà fossilisée.

« @l .

Théâtre et exagération I 313 Paradoxalement, Ionesco ne se considère pas comme un grand amateur de théâtre.

Il a toujours été, dit-il, gêné par le caractère artificiel d'un spectacle où l'imaginaire se pré­ sente à nous sous les traits de la réalité : des êtres vivants incarnent des personnages de fiction.

Le théâtre est le lieu de l'illusion absolue, celui où, comme le soulignait Borges dans un texte consacré à Shakespeare, des gens font sem­ blant d'être des autres devant des gens qui font semblant de les prendre pour ces autres.

D'où un sentiment de malaise que même les plus grands auteurs -Strindberg ou Molière - ne parviennent pas à dissiper pour Ionesco : «Il y avait là comme deux plans de réalité, la réalité concrète, matérielle, appauvrie, vidée, limitée, de ces hommes vivants, quotidiens, bougeant et parlant sur scène, et la réalité de l'imagination, toutes deux face à face, ne se recouvrant pas, irréductibles l'une à l'autre: deux univers antagonistes n'arrivant pas à s'unifier, à se confondre.» Faudra-t-il donc renoncer au langage théâtral si en lui per­ siste toujours comme un précipice entre ces deux univers : celui de la réalité et de la fiction? Ionesco, curieusement, semble n'être pas loin de le penser.

Le théâtre, de par sa nature même, est, pour lui, le moins subtil des langages lit­ téraires, le moins susceptible d'atteindre à cette perfection qui permet à une œuvre de traverser les siècles : «Le théâtre peut paraître un genre littéraire inférieur, un genre mineur.

Il fait toujours un peu gros.

C'est un art à effets, sans doute.

Il ne peut s'en dispenser et c'est ce qu'on lui reproche.

Les effets ne peuvent être que gros.

On a l'impression que les choses s'y alourdissent.

Les nuances des textes littéraires s'éclipsent.» Et pourtant, le théâtre, poursuit Ionesco, est nécessaire; il répond à une attente profonde et éternelle de l'être humain.

Quelle voie, dès lors, doit-il suivre? D'une faiblesse il doit faire une force affirme en substance Ionesco.

Puisque le théâtre est par nature un art de l'effet, il doit aller au bout de lui-même:. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles