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Thèmes et personnages dans Madame Bovary de Gustave Flaubert

Publié le 22/01/2020

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bovary

déçue si elle ne s’était pas persuadée au départ et comme par système de l’insuffisance de l’existence, et qu’il fallût « à l’amour des terrains préparés, une température particulière ». Mais tout un côté passif de son caractère l’empêche de lutter pour conquérir un bonheur qu’elle s’imagine toujours dépendre uniquement de circonstances extérieures à elle. Sa faiblesse, qui se manifeste dès sa rencontre avec Charles, son laisser-aller, son incapacité à s’intéresser à rien de suivi, sont les conséquences de cette attitude.

Déséquilibre. Ses sautes d’humeur, ses caprices, la font passer sans cesse de l’exaltation à la torpeur. Elle est excessive en tout. Certes, mieux vaut l’excès que la prudence bourgeoise d’un Léon ou d’un Rodolphe. Mieux vaut la ferveur religieuse, même si elle frise « l’hérésie et même l’extravagance », que le positivisme obtus du curé Bournisien, et mieux valent les cinq derniers francs jetés à l’aveugle que le « voilà un sou, rends-moi deux liards » (p. 387) d’Homais. Malheureusement, cet excès révèle moins la nature vraie d’Emma que son déséquilibre profond. Elle est mal exaltée, mal religieuse, mal généreuse. Et la médiocrité l’emporte en fin de compte sur la noblesse des grands gestes et des grands sentiments rêvés.

® Charles

Le roman de Flaubert s’ouvre par l’arrivée du jeune Charles Bovary au collège. C’est lui qui, dès les premières pages, occupe notre attention. Emma ne sera vue, d’abord, qu’à travers lui et c’est en lui que le drame trouvera sa résonance la plus tragique après le suicide de la jeune femme. Précédant l’apparition de l’héroïne et lui succédant dans la mort, comme l’agent pitoyable du destin, c’est lui enfin que le romancier charge, à la dernière page, de prononcer le « grand mot » qui éclaire ses intentions : « C’est la faute de la fatalité » (p. 445).

L’éducation négligée d’un petit paysan. Comme pour Emma, Flaubert s’étend assez longuement aux premiers chapitres sur l’éducation de Charles. C’est par ces « préparations » que le personnage échappe au type pour acquérir, lui aussi, dans le roman, un peu de l’épaisseur de l’individu. Tiraillé entre des parents désunis, son instruction a été fort

Un incapable. Cette nullité, Charles en fait preuve aussi dans l’exercice de sa profession. Tant qu’il ne s’agit que de réduire une fracture simple, de saigner des paysans ou d’arracher une dent, il peut s’acquérir une réputation à peu de frais. Mais l’opération du pied-bot se révèle catastrophique, et le Docteur Canivet n’aura même pas recours à son aide pour l’amputation d’Hippolyte. Dans les grands moments d’ailleurs, il perd la tête et ne sait qu’appeler au secours, lorsque Emma s’évanouit au départ de Rodolphe (p. 274) ou quand il apprend qu’elle s’est empoisonnée (p. 407).

Un mari aimant et bafoué. Mais ce ridicule aime sa femme, d’un amour profond et sincère, encore que maladroit. Si seulement cet amour le rendait plus perspicace ! Il n’est pas homme à aller au fond des choses, hélas ! et ne comprend pas qu’il ne la rend pas heureuse, ne semble même pas se rendre compte qu’elle finit par le haïr, et se montre, là encore, ridicule dans son rôle de mari bafoué et qui va toujours au-devant de son infortune : « Charles écrivit à M. Boulanger que sa femme était à sa disposition, et qu’ils comptaient sur sa complaisance » (p. 213).

Une fin pathétique. Pourtant, en dépit de tout, Charles s’élève au pathétique à la mort de sa femme, et la profondeur de son désespoir lui confère même une sorte de grandeur. L’ironie du sort fait que la douleur même l’élève alors au-dessus de la médiocrité. L’émotion du grand Docteur Lari-vière en est le témoignage : « Et cet homme, si habitué pourtant à l’aspect des douleurs, ne put retenir une larme qui tomba sur son jabot » (p. 412). Sa fin est pitoyable, dans sa solitude désespérée : image d’une vie qui se défait, prédestinée à l’échec, dans l’indifférence et l’abandon de tous. Face à ce spectacle, la réussite d’un Homais est une insulte à la souffrance, même des médiocres.

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« me donne un mal de chien, et tout dépend de là dans ce roman; car je maintiens qu'on peut aussi bien intéresser avec des idées qu'avec des faits, mais il faut pour ça qu'elles découlent l'une de l'autre...

,, (lettre à Louise Colet, du 22 novembre 1852).

Jusqu'au dénouement tout souligne en effet, avec une implacable rigueur, l'influence de son éducation et du milieu mesquin où elle vit, sur le caractère et sur l'existence de l'héroïne.

Sentiments faux.

Plongée dans l'illusion par ses lectures, ses rêveries, Emma vit de sentiments faux.

Elle a l'esprit assez positif pour s'en rendre parfois compte, mais l'orgueil, la faiblesse, et aussi la sottise, combattent l'amertume et la déconvenue et l'irritent ou l'exaltent davantage.

Jeune pen­ sionnaire déjà, elle avait cru arriver, au chagrin ressenti à la mort de sa mère, " à ce rare idéal des existences pâles, où ne parviennent jamais les cœurs médiocres ,, (p.

67).

Mais en dépit de ses efforts, la tristesse s'était apaisée assez vite.

Plus tard, lors de sa maladie, elle a " le sentiment d'une immense duperie ,, quand elle comprend que " l'atmosphère d'imma­ culation où elle voulait vivre ,, n'est pas faite pour elle.

Elle n'en continue pas moins, dans « l'orgueil de sa dévotion n, à se comparer aux « grandes dames d'autrefois n (p.

284).

Douter de la réalité de ces sentiments serait reconnaître sa médiocrité.

Mensonge romantique.

" Incapable ...

de croire à tout ce qui ne se manifestait point par des formes convenues ,, (p.

73), elle n'accorde de réalité qu'aux êtres de ses fictions, plus beaux, plus grands que nature.

Son imagination est pleine d'enlève­ ments au clair de lune ou de vicomtes.

romanesques.

Son mari n'existe plus pour elle dès qu'il lui apparaît contraire à ses modèles.

Entre elle et l'objet de ses convoitises, il faut une médiation, et cette médiation est la littérature dont elle est imprégnée.

Rodolphe qui se connaît en femmes l'a deviné tout de suite, qui lui débite pour la séduire les pires lieux communs d'un romantisme abâtardi.

Certes, le milieu où elle vit n'a rien de particulièrement attrayant.

Emma est sans doute moins éprise d'absolu que de la " consommation de son cœur ,, et de ses sens; on n'en comprend pas moins qu'elle se révolte contre la médiocrité.

Mais elle n'aurait sans doute pas été aussi profondément - 31 -. »

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