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Tout dire (Eluard) - Commentaire

Publié le 26/03/2011

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eluard

   Le tout est de tout dire et je manque de mots Et je manque de temps et je manque d'audace Je rêve et je dévide au hasard mes images J'ai mal vécu et mal appris à parler clair    Tout dire les rochers la route et les pavés    Les rues et leurs passants les champs et les bergers    Le duvet du printemps la rouille de l'hiver    Le froid et la chaleur composant un seul fruit    Je veux montrer la foule et chaque homme en détail Avec ce qui l'anime et qui le désespère Et sous ses saisons d'homme tout ce qu'il éclaire Son espoir et son sang son histoire et sa peine    Je veux montrer la fouie immense divisée La foule cloisonnée comme en un cimetière Et la foule plus forte que son ombre impure Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres    La famille des mains la famille des feuilles Et l'animal errant sans personnalité Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles La justice debout le bonheur bien planté    Paul Éluard Pouvoir tout dire.    Vous expliquerez ce poème sous forme de commentaire composé. Vous pourrez montrer comment Éluard, avec des moyens à la fois simples et très étudiés, définit le rôle du poète.    Conseils.    i° Par la formule « Vous pourrez montrer... «, on tous suggère un thème essentiel et une idée directrice pour l'étude de la forme, tout m évitant de séparer l'une et l'autre. C'est ici une suggestion à retenir. 2° Par contre, on omet une fois de plus de préciser la date du poème septembre 1950. En l'occurrence, l'Indiquer aurait pourtant été bien souhaitable.    3° Il n'est pas inutile de tenir compte du manque de ponctuation, qui tend à laisser une certaine liberté d'interprétation ; il peut être prudent de rétablir pour vous-mêmes cette ponctuation, les virgules qui feront apparaître l'abondance et la richesse des énumérations ; le point-virgule qui mettra en lumière la complémentarité de deux idées ou leur opposition.    4° Les points de suspension entre crochets indiquent que ce poème a une suite ; cela peut vous éviter certains contre sens sur le manque apparent de « conclusion « de ces cinq strophes.

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« les Sentiers et les Routes de la poésie, 1952. SUJET DÉVELOPPÉ Introduction Après la tourmente de la guerre et de l'occupation, Paul Éluard, poète d'amour et de révolte, poursuit sou œuvre et« dure pour se perfectionner ».

En 1951, il publie le recueil Pouvoir tout dire, dont le sommet est Puissance del'espoir ; l'idée-foree en est contenue dans le poème Tout dire, écrit en septembre 1950, dont on nous propose iciles cinq premières strophes. Développement L'idée générale est donnée dans le premier hémistiche, « Le tout est de tout dire ».

Le poète, qui a dépassé lacinquantaine, reste fidèle à son idéal dont on trouve la source dans l'affirmation de Victor Hugo : ...

mon âme, que le Dieu que j'adore, Mit au centre dé tout comme un écho sonore. Mais une idée s'impose : la poésie n'est pas le propre du poète; elle est sur les lèvres de tous lés hommes.

C'est aupoète de savoir la cueillir là où elle se trouve pour servir l'humanité, car « la poésie n'est pas un objet d'art » maisun objet utilitaire. Et une autre source apparaît aussitôt : la notion de poésie « unanimiste ». Elle est dans la nature ; c'est ce que suggère rémunération de la deuxième strophe où le poète oppose la ville et lacampagne, le printemps et l'hiver, le froid et la chaleur.

Cela est exprimé soit avec les mots propres et les plussimples, soit par des images évocatrices, le « duvet » pour le printemps, la « rouille » pour l'hiver. La poésie n'est pas moins dans l'homme avec ses passions et ses désespoirs, avec tout ce qu'il a connu et vécu, lesdifférentes étapes de sa vie, ses « saisons », avec ce qui permet de mieux le comprendre, ce qu'il voulait être et cequ'il fut, ses sacrifices et ses efforts.

C'est ce que traduit dans une suggestive synthèse le vers si riche de sens : Son espoir et son sang son histoire et sa peine. Mais à l'individu, Éluard oppose la foule, « immense, divisée », la foule avec toutes ses distinctions sociales, sescompartiments, qui heurtent les conceptions intimes de celui qui a partagé avec ses camarades, ses compagnons deluttes, les mêmes dangers et les mêmes efforts.

Alors, ces distinctions, comparables à ces « sections » que l'on voitdans les cimetières, ont été abolies : la foule a dépassé « son ombre impure », elle a brisé tout ce qui l'étouffait, lemur du silence, de la haine et de la délation ; ainsi a-t-elle vaincu ceux qui se croyaient ses maîtres.

Ici, Éluardsonge aux années de luttes qu'il ne peut oublier, qu'il ne cherche pas à oublier. Mais il ne pense pas moins à cette foule dont il vient, en quelques mots, d'évoquer chaque homme en détail.

Et danscet ensemble, cet unisson, il reconnaît, comme le chef dans un orchestre, la voix de chaque famille.

Il se demande,plus loin, dans le même poème, s'il aura « assez de mots pour liquider la haine » ; ici, par deux très profondes imagesqui s'opposent et se complètent, il évoque l'union des membres d'une même famille qui se donnent la main, commedans une forêt les feuilles se mélangent sur la branche, se heurtent en tombant et se rencontrent dans leur chutepour se fondre dans le même humus.

Ainsi, dans la nature, le fleuve et la rosée, ce qu'il y a de plus constant dansson cours et de plus impalpable dans sa fragilité éphémère, vont nourrir la terre et ses récoltes.

Alors, par là même,on atteindra à cet idéal de fraternité et de justice qui assure le bonheur. Mais pour parvenir à cette réalisation, à cette réussite, le poète doit pouvoir et savoir « tout dire ». Pouvoir tout dire : après des années de silence forcé, après ces bâillons posés sur les lèvres et ces menaces deperpétuelle censure, les temps sont revenus où l'on peut à nouveau parler librement.

Un autre tourment, un autrescrupule, s'empare alors du poète : il doute de lui-même et de son pouvoir d'expression.

Il fait l'inventaire de sonlangage et se reproche un vocabulaire trop pauvre.

Il ne se reproche pas moins de « manquer de temps » ou «d'audace ».

H rêve...

Et pour évoquer cette licence accordée à l'esprit, il trouve cette profonde métaphore : « Jedévide au hasard mes images.

» D'autres s'en vanteraient.

Lui s'en fait le reproche, s'accusant d'avoir mal vécu : J'ai mal vécu et mal appris à parler clair. Ce « et » prend ici un rapport de cause à effet.

C'est parce qu'il a, pense-t-il, insuffisamment appris à s'exprimer, àse faire comprendre de tous, qu'il n'a pas bien vécu.

Cette confession s'explique par le fait qu'Éluard considère lapoésie comme la plus haute expression de l'homme, et fait du poète un homme qui partage les souffrances et lesintérêts de tous : ce poème le dit assez clairement ! Cette confession ne s'explique pas moins par le fait que pour Éluard « le poète est celui qui inspire bien plus qu'iln'est inspiré ».

Et il parle de ces « grandes marges blanches », des « marges de silence » où le lecteur écrit tout cequ'il veut.. »

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