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un hemisphère dans une chevelure

Publié le 23/06/2015

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Un hémisphère dans une chevelure Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air. Si tu pouvais savoir tout ce que je vois! tout ce que je sens! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique. Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine. Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes. Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco. Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris Introduction : Inspiré par la lecture de « Gaspard de la nuit » de A.Bertrand, Baudelaire (1821-1867) commence la rédaction de poème en prose. Toujours en quête de perfection et de modernité poétique, Charles Baudelaire décide de satisfaire son ambition personnelle qui est de faire du poème en prose la forme par excellence de la poésie moderne et urbaine Publié après la mort du poéte en 1869, le poète entendait évoquer le quotidien du monde moderne et urbain. Le recueil le Spleen de Paris est cependant concomitant à celui des Fleurs du Mal ( 1857 condamné pour immoralité ). Cela explique ainsi les récurrences thématiques et les similitudes d'écriture d'un rec...

« Ainsi la chevelure constitue le fil conducteur du voyage mais aussi du texte.

D'autre part on remarque que le premier et le dernier paragraphe se font écho.

Tous deux commencent effectivement par l'impératif « laisse moi » , suivie de l'adverbe « longtemps » et sont associés au même thèmes les souvenirs : « pour secouer des souvenirs en l'air » (vers 3 ) « il me semble que je mange des souvenirs » ( v.20 ).

C'est comme si le voyage recommençait à l'infini grâce à la poèsie: ce qu'on appelle un shema circulaire.

En cela nous pouvons dire que un hémisphère dans sa chevelure est un texte clos et circulaire à la structure très travaillé.

Il s'apparente donc à un poème. La présence de la poésie se fait également sentir tous au long du texte, à travers les répétitions, le rythme et les sonorités.

Tout d'abord de nombreuses répétions et d'anaphores rythment le texte « laisse moi » « longtemps ; longtemps » (v 1 ; 19 ) « tes cheveux » ( v 1,5,6,19), « comme »( v.2 , 5 ) , « tout » (v 4,6 ) , « tes cheveux contiennent […] ils contiennent » (v 6 ) « par » ( v 8 et 9 ) « Dans [ … ] de ta chevelure » ( v 10 13 16 17 ) De plus le rythme ternaire appuie la musicalité du poème : « tous ce que je vois ! tous ce que je sens ! Tous ce que j'entends ! » (v.4) « par les fruits ; par les feuilles ; par la peau humaine » Enfin la poesie se manifeste par le bias des echos sonores.

Les sonorités renvoient à l'atmosphère et aux sensations évoquées.

Par exemple les allitérations en « m », en « r » et en « p » rappelle la musique ( ligne 5 ), les chants mélancoliques ( ligne 10 ) , et les allitération en « s » et en « f » ainsi que la consonance en « ch » évoquent l'atmosphère douce et feutrée .

Ces éléments sont caractéristiques du poème en prose.

Prose et poèsie se mêlent et forment une harmonieuse union des contraires. M aintenant attachons nous à démontrer que ce poème en prose est en effet un poème d'amour. Baudelaire destine ce poème à la femme aimée.

La présence d'un loc uteur est ainsi marquée par la 2ème personne du singulier : « laisse moi » ( v 1 et 19 ), « tes cheveux » ( v 1,5,6,19), « Si tu pouvais savoir » (v 4 ) « ta chevelure » (v 10 ,13, 16, 17, 18), « tes tresses lourdes et noires » ( v.

19 ).

Il s'agit d'une adresse directe , renforcée par l'emploi de l'impératif « laisse moi » (v 1 et 19) Par ailleurs le tutoiement traduit le caractère intime de la relation du poète avec le destinataire.

Enfin, les « tresses lourdes et noires » (v 19 ) indiquent que ce destinataire est une femme, et plus particulièrement Jeanne Duval, une des maitresses du poète associée à l'exotisme. Le caractère amoureux de la relation se manifeste à travers une atmosphère intime et sensuelle.

En effet, un cadre intime se dessine au 5 eme paragraphe à travers un court champ lexical de l'intimité : « divan » ; « chambre » « pots de fleurs » ( v 14, 15).

Par ailleur, tous les sens du poète sont mis en éveil : « si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! Tout ce que je sens ! Tous ce aue j'entends dans tes cheveux ! » (v.4) Le poéte est transporté par la chevelure de la femme et pllus particulièrement son parfum.

Ainsi un vaste champ lexical de l'odorat et du parfum se deploie tout au long du poème : « l'odeur de tes cheveux »( v 1), « comme un mouchoir odorant » (v3) « parfumée » ( v8) « je respire l'odeur » (v16).

Mais les autres sens sont également sollicités.

La vue : tout ce que je vois ( v 4) ; j'entrevois ( v 10) le toucher : « les caresses de ta chevelure » (v13) l'ouïe : tout ce que j'entends ( v 4 ) ; la musique ( v4 et 5 ) Le goût : « les fruits » (v8) , sucre ( v 16) mordre ; mordille ; manger ( v 19;20) Le verbes mordre et mordille soulignent aussi le caractère érotique de ce poème d'amour.

En poèsie, un blason est un poème qui célèbre une partie du corps de la femme aimée.

Dans un hémisphère dans une chevelure, la femme aimée n'est évoquée au'à travers une seule partie de son corps : ses cheveux.

Ces cheveux désignent par métonymie la femme et sont presque personnifiés : « tes cheveux élastiques et rebelles » (v 20 ).

Le poète fais ici l'éloge de la femme à travers sa chevelure, qui lui donne accès à un monde idéal.

Cette idéalisation est marquée par la plénitude qu'on retrouve dans la répétition de « tout » et « toutes » ( v 1, 4,6,11) et l'abjectif « plein » (v 6 ) mais aussi par les hyperboles « immense » « éternelle chaleur » et le lexique mélioratif « charmants climats » (v 7 ) « beau navire » ( v 14) La chevelure au centre du poème permet au poète d'accéder à l'idéal, à ailleurs.. »

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