Un metteur en scène a-t-il toutes les libertés pour interpréter une pièce de théâtre ?
Publié le 05/11/2015
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Dissertation Un metteur en scène a-t-il toutes les libertés pour interpréter une pièce de théâtre ? ''L'art de dresser sur les planches l'action et les personnages imaginés par l'auteur dramatique'', telle est la définition de mise en scène selon André Antoine, réalisateur français considéré comme l'inventeur de la mise en scène moderne en France. Le métier de metteur en scène est relativement récent : avant le XXème siècle, l'auteur décidait lui-même de la mise en scène de sa pièce. Aujourd'hui, le rôle du metteur en scène est fondamental : il doit non seulement choisir les acteurs, les décors, la musique, l'éclairage, mais il peut également aménager le texte. Ainsi, le metteur en scène n'est plus soumis au texte théâtral : il en propose une nouvelle interprétation. Chaque représentation d'une pièce de théâtre est une nouvelle lecture du texte écrit par le dramaturge. Plusieurs auteurs, tels qu'Ionesco, se sont même parfois plaints du pouvoir croissant des metteurs en scène. Nous sommes donc amenés à nous interroger sur le pouvoir du metteur en scène : dispose t- il de tous les droits sur l'arrangement d'un texte théâtral ? Où s'arrête son pouvoir de création ? L'interprétation d'un texte est-elle sans limites ? Nous commencerons par voir que le metteur en scène, pour conserver toute la portée et la qualité d'un texte théâtral, se doit de respecter certaines limites, mais que son travail d'interprétation est, par définition, un travail de recréation, qui permet de surcroit de continuer à faire vivre la pièce. S'il est vrai que la mise en scène d'un texte théâtral repose sur l'interprétation personnelle qu'en fait le metteur en scène, il semblerait que celui-ci ne soit pas dégagé de toute contrainte quant à la réalisation d'une représentation préservant la quintessence de la pièce. Ainsi, le metteur en scène ne peut modifier le ton ou le sens du texte sans en bouleverser l'esprit. Il se doit de respecter un certain nombre d'éléments qui sont l'essence même de la pièce : ses dialogues, ses personnages, ses intrigues et rebondissements? sous peine de ne plus mettre en scène la pièce, mais d'en inventer une nouvelle. La plupart des metteurs en scène de la pièce Caligula, d'Albert Camus, l'ont bien compris. Ainsi, nombre d'entre eux, à l'exemple de Valérie Fraud, Victor Juan Franza ou encore Csissar Imre, ont su déceler l'importance de la symbolique du décor instauré par l'auteur. Bien que leurs mises en scène soient très différentes, tous y insèrent un élément du décor primordial pour le sens de la pièce: le miroir. Chacune des mises en scène laisse en effet une place importante à la scène durant laquelle Caligula se retrouve face à lui-même, face à ce miroir qui symbolise sa conscience? puisqu'il s'agit là du dénouement de la pièce. Preuve s'il en est, qu'il existe des aspects que le metteur en scène ne peut se permettre d'omettre ou de modifier sans risquer de compromettre la portée de la pièce toute entière : il peut modifier le sens des mots, mais pas celui de la pièce. De plus, le travail du metteur en scène ne peut se faire qu'en restant fidèle à l'esprit de l'auteur. En effet, il ne peut aller à l'encontre des volo...
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modifier sans risquer de compromettre la portée de la pièce toute entière : il
peut modifier le sens des mots, mais pas celui de la pièce.
De plus, le travail du metteur en scène ne peut se faire qu’en restant
fidèle à l’esprit de l’auteur.
En effet, il ne peut aller à l’encontre des volontés
de celui-ci.
Ainsi, il semblerait que la mise en scène de Caligula de Martin
Kloepfer soit une vision altérée du texte, puisqu’elle insiste tout
particulièrement sur l’étude des comportements humains, sur la folie des
personnages.
Or, le personnage de Caligula n’est pas fou.
De même, la mise
en scène du Misanthrope , texte original de Molière, par Benoit Lambert
corrompt le message de la pièce : le metteur en scène tente ici de faire
coïncider sa vision artistique avec son point de vue politique, ce qui le pousse
à remettre en cause la nature même de la pièce.
En effet, le Misanthrope est
une pièce hiérarchisée, où la prise de parole (et donc le pouvoir) de chaque
personnage est très inégalitaire, puisqu’il est prévu que le personnage
d’Alceste dise la moitié des vers.
Benoit Lambert, en faisant prononcer aux
autres personnages certaines répliques d’Alceste (comme c’est le cas dans
l’acte II), rétablit la partition de la parole afin que tous les acteurs de sa
troupe aient une plus grande implication dans la pièce.
C’est donc une partie
de la portée de la pièce qui en est amoindrie.
Cette dénaturalisation de la
pièce a parfois poussé des auteurs, tels que Samuel Becket, à accompagner
les metteurs en scène dans la réalisation de leur texte.
Ainsi, Alfred Jarry
avait prévu dans son texte un certain nombre de dispositifs, c’est pourquoi il
a accompagné très fermement le metteur en scène Aurélien Lugné-Poe lors
de la représentation de Ubu Roi en décembre 1896…
Enfin, l’ultime limite pesant sur le travail du metteur en scène est
d’ordre technique.
En s’accordant une trop grande liberté, il prend en effet le
risque de trop s’écarter du texte théâtral et de n’axer son interprétation que
sur les effets visuels de la pièce.
En conséquence, un travail plus important
sur les décors et costumes que sur la psychologie des personnages (ou tout
autre élément du texte) peut rendre la pièce artificielle et ainsi faire oublier
au spectateur la profondeur du message transmit par l’auteur.
De cette
manière, le metteur en scène réduit la pièce de théâtre à un simple
divertissement et la cantonne à n’être qu’un spectacle visuel.
Le spectateur
prête alors plus d’attention aux effets et éléments superflus du décor qu’au
message de la pièce : la représentation prend le dessus sur la réflexion.
Toujours concernant l’interprétation du Misanthrope par Benoit Lambert, les
choix de ce dernier quant aux effets scéniques peuvent paraîtres étonnants :
il est en effet possible qu’éclairage aux néons roses et musiques des années
1980 attirent d’avantage l’attention que les répliques des personnages.
De
même, l’utilisation de masques peut, certes, être utile à la distinction des
différents personnages, mais augmente également le risque de les
caricaturer, et par la même de faire perdre sa crédibilité à la pièce, le
message transmis n’étant pas pris au sérieux.
C’est notamment l’effet qui
résulte de la mise en scène de Le Jeu de l’amour et du hasard , texte de
Marivaux, par Alfredo Arias : la carnavalisation (par les masques ainsi que par
les costumes, inspirés de la Commedia Del Arte ) de la pièce tend à réduire.
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