UNE ECRITURE LUDIQUE dans Les Fleurs bleues de Raymond Queneau
Publié le 10/01/2020
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subsiste parfois: ainsi, « sandouiche » (p. 157) rime avec « sandwiches » (p. 122). En second lieu, le pluriel de certains mots est aussi une source de jeux orthographiques. Queneau emploie concurremment les pluriels en -x et leur forme ancienne, en -s. Ainsi, à côté de « caillous », le plus souvent employé, on lit « cailloux » (p. 35). Mais c’est la rime « chevaux »/« chevaus » qui est la plus développée. Cette rime ludique apparaît souvent sur une même page (p. 103, 229, 234, 238, 260). À la page 229, on trouve même : « Cidrolin aperçoit la tête des chevaus. Ils ont l’air de chevaux». L'orthographe phonétique est enfin essentiellement au service de l'écriture comique. Ainsi, Queneau écrit « mammuts » (p. 211) mais fait rimer cette forme phonétique avec l'orthographe normale, « mammouth » (p. 103). Les suites phonétiques dans Les Fleurs bleues obéissent à la même finalité ludique. La plus remarquable, « Stèfstu esténoci » (p. 202), par l'allitération en /st/, par son rythme (elle forme un hexasyllabe), produit une savoureuse cacophonie burlesque.
2 CONTRASTES ET MÉLANGES COMIQUES
L'esthétique des Fleurs bleues ne recherche nullement l'homogénéité stylistique mais n’a de cesse de multiplier les contrastes et les entrelacs dans une stratégie ludique.
A ► JOUER AVEC LES LANGUES
Il existe dans Les Fleurs bleues un foisonnement encyclopédique des langues : épigraphe de Platon, en grec non traduit ; formules latines de Biroton et du clergyman à mobylette ; conversation en « iouropéen » où se mêlent l'espagnol, l'italien, l'allemand, l'anglais, le français (p. 18 - 22). Et ce dernier dialogue entre Cidrolin et les deux auto-stoppeurs à la recherche d'un « camp de campigne pour les campeurs » nous montre, au chapitre I, que Queneau se sert des langues pour alimenter son écriture comique. En effet, l'« iouropéen » parlé par l'auto-stoppeur est un sabir burlesque où s'entrechoquent plusieurs langues européennes.
Ainsi, celui-ci dit, à propos de la Canadienne :
Sie ize libre. Anda to the campus bicose sie ize libre d'andare to the campus, (p. 22)
«
Gaulois, Eduen peut-être».
(jeu de mots entre « Eduen » et «et
deux»), des « Sarrasins de Corinthe» (calembour avec « raisins de
Corinthe »), des « Alains seuls» (calembour avec «linceuls »).
Si les
Alains regardent «cinq Ossètes», c'est pour former un calembour
entre les Ossètes, peuple du Caucase, et un « cinq à sept», expression
désignant une réception entre cinq et sept heures de l'après-midi.
Après ce début en fanfare, d'autres calembours suivront.
Quand
Auge refuse, une fois de plus, de participer à la huitième croisade,
devant l'envoyé de Saint Louis, il se laisse une nouvelle fois aller à son
goût immodéré pour les calembours :
-Mais c'est foutu, pauvre faraud ! On va encore prendre un chaud-froid
de bouillon.
(p.
55)
Auge joue ici avec les expressions « prendre un chaud et froid »
(avoir un refroidissement), «boire un bouillon» (avaler de l'eau en
nageant, boire la tasse), et le nom d'un célèbre croisé, Godefroi de
Bouillon.
On peut enfin citer le triple calembour que fait Auge à partir de
l'expression «Honni soit qui mal y pense», devise de l'ordre de la
Jarretière en Angleterre, qui signifie « honte à celui qui y voit du mal »
(Petit Robert).
Le duc fait jouer la devise en disant successivement:
Nenni soit qui mal y pense.
(p.
146)
Hennit soit qui mal y pense.
(p ..
148)
Copernic soit qui mal y pense (p.
151).
B ~ LES MOTS-VALISES
Proche du calembour dans ses effets, le mot-valise consiste à
additionner deux mots pour en créer un troisième.
Les Fleurs bleues
constituent un savoureux répertoire de mots-valises.
Lalix et l'ératé
piste Cuveton s'adonnent à la « languistique » quand ils s'embrassent
(p.
48), création de Queneau qui associe langue et linguistique (étude
du langage).
Démosthène, le cheval du duc, ne dédaigne pas les mots
val ises, puisque, dès la troisième page du roman, il en fait trois de
suite: « bouddhoir » additionne «bouddha» et « boudoir»;
« confuciussionnal » rassemble « Confucius » et « confessionnal » ;
« sanct-lao-tsuaire » additionne «sanctuaire » et « Lao-Tseu »
(philosophe taoïste chinois)..
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