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Une idée de Voltaire sur l'Oraison funèbre. Dans le Siècle de Louis XIV, Voltaire prétend que « les sujets des Oraisons funèbres sont plus ou moins heureux selon les malheurs plus ou moins grands que les morts ont éprouvés. C'est en quelque façon comme dans les tragédies, où les infortunes des grands personnages sont ce qui nous intéresse le plus ». Partagez-vous cette opinion?

Publié le 16/02/2012

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voltaire

Voltaire, en général, juge bien les oeuvres du xvne siècle. Il paraît ici n'avoir pas compris la nature de l'Oraison funèbre, en l'assimilant à la Tragédie, en prétendant que « les sujets de celle-là sont plus ou moins heureux selon les malheurs plus ou moins grands que les morts ont éprouvés «. Il semble bien vrai, d'abord, que plus des vies humaines présentent une série d'événements dignes de fixer l'attention d'un public restreint, mieux on en peut faire le sujet d'un éloge funèbre intéressant.

voltaire

« dans l'eloge du grand Conde, le genie de Bossuet put librement se donner carriere.

II suit partout le heros, sur les champs de bataille de Flandre et d'Allemagne, dans les allees de Chantilly et de Versailles; it point sa leur d'avoir ete conduit par les circonstances a combattre son roi; it loue cette vivaeite lui mettait dans l'esprit, en tin moment, les temps, les lieux, les personnes, leurs interets, leurs talents, leur humeur et leurs ca- prices », et it le montre, en face de in mort, aussi calme que la veille de la bataille de Rocroy et s'endormant dans le baiser du Seigneur.

Bossuet a done ete servi par les circonstances. Mais n'est-il lui-meme que dans les « grands sujets »? Est-il vrai, comme l'a pretendu Nisard, que lorsque « le devoir a impose a Bossuet l'oraison funebre d'un merite ou de vertus secondaires...

le genie de l'orateur n'a pu suppleer a la mediocrite du sujet »? Nous ne le pensons pas.

A cote de ces figures qu'illustrerent des infortunes rares ou d'eclatants triomphes, son oeuvre en renferme de plus calmes, de plus gracieuses, qui ont oat heureuse- ment inspire leur peintre.

L'affirmation de Voltaire recoil IA un premier dementi.

L'oraison funebre d'Henriette d'Angleterre n'offre point le spec- tacle des troubles des nations, mais le recit de in vie d'une jeune princesse, riche des dons de la nature et de Pesprit, enlevee a la fleur de l'age; celle de Marie-Therese n'est que le tableau ravissant de la candeur et de l'inno- cence chretienne; et ces deux discours n'en sont pas moins comptes au nombre des chefs -d'oeuvre du prince des orateurs.

Sans doute, plus un personnage dirigea de grands evenements, plus l'ora- teur trouva matiere a le loner ou a le condamner; nonobstant, Voltaire aurait du comprendre que le but de l'oraison funebre n'est « point d'accroitre la pompe du deuil par des plaintes etudiees, ou de satisfaire l'ambition, la curiosite des vivants par de vains eloges des morts, mais que c'est Putilite des fideles ».

Bossuet ne se propose pas d'offrir a notre admiration sterile une galerie de grands personnages : une reine vaillante et malheureuse; une jeune princesse morte dans la fleur de Page; une autre 'Tim sans action au dehors, et que ses douleurs d'epouse torturent parmi la magnificence de la cour; une heroine de plaisirs et d'intiigues; un magistrat ministre; le pre- mier capitaine du siecle.

II vent surtout nous apprendre par Henriette de France, puissante ou infortunee, que la veritable grandeur consiste dans la pratique des devoirs du christianisme; par Henriette d'Angleterre, que tout est vain en nous, hors Petre surnaturel vivifie par la grace et que la mort acheve de &gager; par Marie-Therese, que les merites de reponse chretienne surpassent la gloire des armes, et que la piete est un baume pour toute dou- leur.

L'oraison de in Princesse palatine est Phistoire d'une de ces conver- sions eclatantes, assez frequentes a cette epoque de dereglement mais de foi wive : c'est encore une lecon.

L'eloge de Michel le Tellier, si maltraite par Voltaire, renferme un dur avertissement aux puissants, si vite oublies non seulement de leurs creatures et de leurs amis, mais meme de leurs enfants. Enfin, pour Bossuet, la vie entiere de Conde n'a qu'un sons et elle se resume en une parole : les plus riches dons du ciel sont vains et funestes sans la piete; et le Conde sincerement revenu a Dieu est plus grand pour l'orateur chretien que le Conde de Rocroy, de Fribourg et de Lens.

Voila ce que n'a dans l'éloge du grand Condé, le génie de Bossuet put librement se donner carrière. Il suit partout le héros, sur les champs de bataille de Flandre et d'Allemagne, dans les allées de Chantilly et de Versailles; il peint sa dou­ leur d'avoir été conduit par les circonstances à combattre son roi; il loue cette vivacité qui « lui mettait dans l'esprit, en tin moment, les temps, les lieux, les personnes, leurs intérêts, leurs talents, leur humeur et leurs ca­ prices », et il le montre, en face de la mort, aussi calme que la veille de la bataille de Rocroy et s'endormant dans le baiser du Seigneur.

Bossuet a donc été servi par les circonstances.

Mais n'est-il lui-même que dans les «grands sujets»? Est-il vrai, comme l'a prétendu Nisard, que lorsque « le devoir a imposé à Bossuet l'oraison funèbre d'un mérite ou de vertus secondaires...

le génie de l'orateur n'a pu suppléer à la médiocrité du sujet » ? Nous ne le pensons pas.

A côté de ces figures qu'illustrèrent des infortunes rares ou d'éclatants triomphes, son œuvre en renferme de plus calmes, de plus gracieuses, qui ont ont heureuse­ ment inspiré leur peintre.

L'affirmation de Voltaire reçoit là un premier démenti. L'oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre n'offre point le spec­ tacle des troubles des nations, mais le récit de la vie d'une jeune princesse, riche des dons de la nature et de l'esprit, enlevée à la fleur de l'âge; celle de Marie-Thérèse n'est que le tableau ravissant de la candeur et de l'inno­ cence chrétienne; et ces deux discours n'en sont pas moins comptés au nombre des chefs-d'œuvre du prince des orateurs* Sans doute, plus un personnage dirigea de grands événements, plus l'ora­ teur trouva matière à le louer ou à le condamner; nonobstant, Voltaire aurait dû comprendre que le but de l'oraison funèbre n'est « point d'accroître la pompe du deuil par des plaintes étudiées, ou de satisfaire l'ambition, la curiosité des vivants par de vains éloges des morts, mais que c'est l'utilité des fidèles». Bossuet ne se propose pas d'offrir à notre admiration stérile une galerie de grands personnages : une reine vaillante et malheureuse; une jeune princesse morte dans la fleur de l'âge; une autre reine sans action au dehors, et que ses douleurs d'épouse torturent parmi la magnificence de la cour; une héroïne de plaisirs et d'intrigues; un magistrat ministre; le pre­ mier capitaine du siècle. Il veut surtout nous apprendre par Henriette de France, puissante ou infortunée, que la véritable grandeur consiste dans la pratique des devoirs du christianisme; par Henriette d'Angleterre, que tout est vain en nous, hors l'être surnaturel vivifié par la grâce et que la mort achève de dégager; par Marie-Thérèse, que les mérites de l'épouse chrétienne surpassent la gloire des armes, et que la piété est un baume pour toute dou­ leur. L'oraison de la Princesse palatine est l'histoire d'une de ces conver­ sions éclatantes, assez fréquentes à cette époque de dérèglement mais de foi vive : c'est encore une leçon.

L'éloge de Michel le Tellier, si maltraité par Voltaire, renferme un dur avertissement aux puissants, si vite oubliés non seulement de leurs créatures et de leurs amis, mais même de leurs enfants.

Enfin, pour Bossuet, la vie entière de Condé n'a qu'un sens et elle se résume en une parole : les plus riches dons du ciel sont vains et funestes sans la piété; et le Condé sincèrement revenu à Dieu est plus grand pour l'orateur chrétien que le Condé de Rocroy, de Fribourg et de Lens.

Voilà ce que n'a. »

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