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UNE ODELETTE DE RONSARD. Bel aubespin verdissant...

Publié le 06/07/2011

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ronsard

MATIÈRE. — Faites sur la pièce suivante, en les classant dans un ordre systématique, toutes les réflexions qui vous paraissent utiles.

Bel aubespin verdissant, Fleurissant, Le long de ce beau rivage, Tu es vestu jusqu'au bas Des longs bras D'une lambrunche sauvage. Deux camps drillants de fourmis Se sont mis En garnison sous ta souche ; Et dans ton tronc mi-mangé Arrangé Les avettes ont leur couche. Le gentil rossignolet, Nouvelet, Avecques sa bien aimée, Pour ses amours alleger Vient loger Tous les ans en ta ramée. Sur ta cyme il fait son ny, Bien garny De laine et de fine soye, Où ses petits esclorront, Qui seront De mes mains la douce proye. Or vy, gentil aubespin, Vy sans fin, Vy sans que jamais tonnerre, Ou la coignée, ou les vents, Ou les temps, Te puissent ruer par terre.

(Ronsard, Odes, IV, xxi.)

Conseils pratiques. — Vous n'avez pas sous les yeux, le jour de l'examen, les poésies de Ronsard. Sans doute, mais on vous indique que cette « odelette « est tirée du livre IV. Faites, en un ou deux mots, une « localisation « incomplète, mais utile : Ronsard ne veut plus rivaliser avec Pindare, il veut lutter contre Anacréon. Pourquoi chante-t-il l'aubépin? Quel est le caractère général de l'odelette ? Quels sentiments le poète éprouve-t-il devant ce tableau ? Autant de questions que vous devez vous poser, et auxquelles vous devez répondre. L'étude du plan mérite une place à part. Nous sommes en présence d'un maître ouvrier, qui ne laisse rien au hasard, qui dispose chaque idée à la place convenable, et qui connaît les secrets des arrangements heureux.

ronsard

« D'autre part, si ce tableau est gentil, l'ensemble est complet.

La perfection de chaque détail en particulier ne doitpas nous cacher le caractère général de la peinture : ces cinq strophes présentent une description achevée de lavie de l'aubépin.

Tous les détails ont pour but de manifester ce qu'a de puissant cet arbrisseau coquet : il a assezde sève pour nourrir des feuilles et des fleurs, assez de vigueur pour supporter une vigne sauvage (une lambrunche); il donne asile à deux camps de fourmis ; il abrite une ruche d'abeilles (d'avettes) ; il loge une nichée de rossignols.C'est tout un petit monde que le poète nous a décrit.Et devant lui, Ronsard éprouve un sentiment très vrai d'admiration.

Il jouit du spectacle curieux, aimable, qui lui estoffert.

Peut-être cependant le sentiment de la fragilité universelle, si souvent exprimé par le poète, est-il au fond dede ces strophes.

Tout ce petit monde qui pullule le long de l'arbrisseau est à la fois une image de la vie qui circuledans la nature, et de la disparition constante dès êtres et des choses qui ne durent qu'un matin.Feuilles et fleurs, plantes parasites et insectes, abeilles et oiseaux, tous vivent de la mort des autres, et l'aubépinlui- même, qui soutient tant d'existences, tombera à son tour.

Ce sentiment-là est à peine esquissé dans cettepièce mais il donne à la dernière partie sa véritable signification : vis sans fin..., souhait puéril si ce n'était pasplutôt un mélancolique regret ; l'orage, le bûcheron, la tempête, les temps, que d'ennemis auxquels l'aubépin nesaurait échapper ! Pourrait-il se sauver des autres, que le temps ne lui pardonnerait pas.

Le sort de l'aubépin, le sortde la nature entière est le même : tout être vivant a pour destinée de mourir.

IIILe plan du tableau est facile à suivre : une première strophe nous montre l'aubépin et la vigne sauvage qui faitcorps avec lui ; — une deuxième, les fourmis, qui habitent la souche ; les abeilles, qui habitent le tronc; — deuxstrophes sont réservées aux rossignols de la ramée ; dans cette gentille odelette, la place la plus grande est due auplus gentil des hôtes de l'aubépin.

Une strophe nous présente le rossignol et sa « bien aimée » ; une autre le nid, etles oiseaux qui naîtront plus tard.La strophe 1 oppose deux à deux l'aubépin et la vigne, la strophe 2, les fourmis et les abeilles; trois vers d'un côté,trois vers de l'autre.

Les strophes 3 et 4 s'opposent à leur tour ; l'allure générale du développement est la même.Elle change dans la quatrième partie, invocation pressante, vive prière qui s'échappe des lèvres de Ronsard sansêtre interrompue.

C'est bien le plan d'un maître-ouvrier. IVC'est aussi le style d'un maître-ouvrier.

Dès les premiers vers, nous nous sentons en face d'un artiste très sûr de tesmoyens.

La répétition de bel et de beau sert à indiquer la teinte générale ; deux coups de pinceau suffisent àpeindre les feuilles et les fleurs (verdissant, fleurissant).

L'image pittoresque est trouvée sans effort : tu es vestu ;le composé : « revêtu » affaiblirait l'image ; et la discrétion de l'image cache la hardiesse de cette alliance : vêtudes longs bras ; les bras enlacent, peuvent-ils vêtir? Oui, quand ce sont les « bras » de la vigne, chargés de feuilles; hardiesse, dirions-nous ; ajoutons surtout : précision, qui fait que Ronsard emploie non le mot : vigne, mais le motlambrunche.

A qui ignorerait le sens de ce terme technique, l'adjectif : sauvage apporte un éclaircissement.

Habiletéde l'écrivain qui connaît l'art ,de concilier la clarté et le pittoresque.Même pittoresque fait de précision, dans ce qui suit.

Ce n'est pas seulement le participe : drillants (empressés,actifs, diligents) qui est à noter, c'est le substantif : camps, car il appelle l'expression originale : se sont mis engarnison, comme des soldats dans une place forte.

Le sens des trois vers 10-13 est le suivant : « Les avettes ontarrange leur couche....

» 11 y a une double inversion : la première, qui serait admissible aujourd'hui, rapproche dansla phrase souche, tronc, ce qui la fait gagner en netteté et en vigueur ; la seconde, contraire au génie de la langue,et qui ne pouvait se défendre, a du moins cet avantage de mettre en valeur le mot arrangé, qui signifie : disposécommodément.

Qui ne voit d'autre part que le mot : avettes a quelque chose de plus délicat, de plus naïf que lemot: « abeilles », et c'est pour cela que Ronsard l'a préféré.La même intention l'a guidé dans le choix des termes de la troisième strophe.

Gentil est employé pour la première foiset appliqué au plus exquis des hôtes de l'aubépin.

Rossignolet, nouvelet, sont des diminutifs, comme on les aimait àcette époque ; à cette place, ils ont quelque chose de familier et de caressant.

Ce jeune rossignol vient avec sabien aimée, terme qui a aussi quelque chose de mignard, mais qui est tout à fait dans le ton et qui rapproche del'homme ces petits êtres si aimables.

La phrase offre une inversion analogue à celle que nous avons signalée : «pour alléger, pour reposer l'objet de ses amours, il vient, etc...

».

Ses amours est dans le même ton que : sa bienaimée.

Loger traduit la même intention que : arrangé ; le rossignol s'installe à son aise, sa famille et lui ; et enfin leterme : ramée sert au même effet, puisqu'il évoque l'idée d'un feuillage ample et touffu.L'ordre des mots n'est jamais laissé au hasard : cyme ains placé paraît plus haut encore ; la relative : qui seront...séparée de l'antécédent se détache beaucoup mieux ; de mes mains venant avant le substantif dont ces mots sontle complément, l'idée a plus de vivacité.

La couleur est encore obtenue par la précision : garny indique cette nuanceque le nid est bien pourvu, bien confortable ; esclorront est le mot propre et pittoresque : sortiront de l'œuf.

Lesadjectifs sont maniés d'une main sûre : fine modifie soie en insistant sur la délicatesse de ce logis moelleux ; doucemodifie proie, et cette alliance atténue ce que le second mot peut avoir de dur, ce que l'idée peut avoir delégèrement cruel.La phrase à présent se précipite, en partant de ces deux petits mots, brefs et saccadés : or vy.

A Paubépin gentil,comme le rossignolet (répétition voulue), s'opposent les malheurs qui peuvent le menacer et que cette prièrevoudrait conjurer.

Plus d'adjectif.

Le terme ; ruer est brutal, terrible ; (le verbe actif ruer signifie : précipiter avecviolence et fracas) ; la dernière expression : par terre est aussi brutale dans sa sécheresse, et elle nous rappelle,par contraste, le spectacle du bel aubépin qui se dresse joyeux le long du beau rivage.Ce maître-ouvrier en style est un ouvrier en vers plus remarquable encore.

Comme il sait accommoder le rythme dela strophe à la pensée ! Rythme coquet, enjôleur : deux vers de 7 syllabes encadrent deux fois un vers de 3,. »

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