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Vauvenargues écrivait, vers 1740 : « L'homme est maintenant en disgrâce chez tous ceux qui pensent, et c'est à qui le chargera le plus de vices. Mais peut-être est-il sur le point de se relever et de se faire restituer toutes ses vertus, car la philosophie a ses modes comme les habits, la musique et l'architecture. » Expliquez et appréciez ce Jugement.

Publié le 17/02/2012

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vauvenargues

Cette pensée du jeune ami de Voltaire n'est-elle pas un écho des Remarques sur les « Pensées « de Pascal, parues en 1734? On lit, en effet, dans l'Introduction : « L'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ses Pensées, était de montrer l'homme dans un jour odieux; il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux... Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes : il dit éloquemment des injures au genre humain. J'ose prendre le parti de l'humanité contre ce misanthrope sublime, j'ose assurer que nous ne sommes ni si méchants, ni si malheureux qu'il le dit... «

vauvenargues

« dechue.

Il accorde tout a la grace et rien a la liberte, a la volonte, dont l'homme pourrait tirer encore quelque fierte.

Pascal ne lui laisse que la pensee, La Rochefoucauld se livre sur lui a une cruelle dissection, le mutile en ramenant tous ses sentiments a l'amour-propre et a l'interet.

C'est contre l'auteur des Maximes surtout, que Vauvenargues s'inscrit en faux.

A l'amour- propre, egolste, it oppose rumour de soi, qui volontiers, s'epand sur les autres.

La Rochefoucauld publiant son injuste requisitoire savait ce qui l'atten- dait.

Ce « portrait du cur de l'homme », dit-il au lecteur, I court fortune de ne plaire pas a tout le monde, parce qu'on trouvera peut -titre qu'il ressemble trop et qu'il ne flatte pas assez...

Comme ces Maximes sont remplies de ces sortes de verites dont l'orgueil humain ne peut s'accommoder, it est presque impossible qu'il ne se souleve contre elles...

Vauvenargues riposte : « Nous aimons a controler la nature humaine, pour essayer de nous elever au-dessus de notre espece et pour nous enrichir de la consideration dont nous pensons la depouiller.

Nous sommes si pre- somptueux, que nous croyons pouvoir separer notre interet personnel de celui de Phumanite et medire du genre humain sans nous commettre.

Cette vanite ridicule a rempli les livres des philosophes d'invectives contre la nature.

» Tel le est la position des deux adversaires : l'un estime que l'orgueil du lecteur se cabrera devant un portrait veridique; l'autre pretend que l'auteur a peint par orgueil ce portrait infidele et mechant.

Its peuvent avoir raison tous deux, au moins partiellement.

Mais, revenant a la pensee qui nous occupe, constatons que si elle est a peu pres totalement vraie pour La Rochefoucauld -a la lettre, it « charge l'homme de vices » - elle cesse de ?etre pour un Pascal, un La Bruyere, un Bossuet, et surtout un Fenelon.

Pascal a laisse sur la grandeur de l'homme roseau pensant », « depositaire du vrai » des Pansees exaltantes : S'il s'abaisse, je Pe leve.

» La Bruyere a brosse le portrait d')Emile et celui du monarque ideal et quelques jugements, au chapitre du Coeur, par exemple, qui rehabilitent l'homme, depeint, par ailleurs, sous un jour plutot sombre. Bossuet, dans ses Oraisons funebres, n'est pas precisement un detracteur de l'homme; it nous y presente, en la personne des deux Henriette, de Marie-Therese, de Conde, une humanite plutot embellie qu'enlaidie.

Quant a Fenelon, n'est-il pas a l'origine de ce mouvement de rehabilitation dont pane Vauvenargues? L'aimable simplicite du monde naissant », entrevue a travers les mots fluides et enveloppants de l'auteur de Telemaque, la vision de Salente, oit « la franchise, la bonne foi, la candeur » attirent la clientele, on la nature tire de son sein fecond tout ce qu'il faut pour une infinite d'hommes moderes et laborieux, ofi les corps jeunes, souples, vigoureux servent de temples.

A des 'Ames pures, innocentes, laborieuses, dociles et passionnees pour la gloire, seduisit toute une generation.

L'eveque n'allait point jusqu'a proclamer la bonte originelle de l'homme, dementie par sa foi; mais it conduisait ses lecteurs sur une pente ou leur imagination devait fatalement In rencontrer.

Le tableau idyllique oil Montesquieu met en scene les bons Troglodytes, est comme le pendant de la chimere fenelonienne : Ces « deux hommes singuliers » qui « ont de l'humanite...

connaissent la justice...

aiment la vertu qui unis par une « douce et tendre amitie », travaillent a « l'interet commun » et grace,a leur famille, faconnee a leur image, regenerent une race dechue, ont seduit certainement l'optimiste Vauvenargues.

Si le Voltaire des Remarques ne se retrouve pas dans les ouvrages poste- rieurs, et si ce beau dessein de prendre « le parti de l'humanite » contre déchue.

Il accorde tout à la grâce et rien à la liberté, à la volonté, dont l'homme pourrait tirer encore quelque fierté. Pascal ne lui laisse que la pensée, La Rochefoucauld se livre sur lui à une cruelle dissection, le mutile en ramenant tous ses sentiments à l'amour-propre et à l'intérêt. C'est contre l'auteur des Maximes surtout, que Vauvenargues s'inscrit en faux. A Yamour- propre, égoïste, il oppose Yamour de soi, qui volontiers, s'épand sur les autres.

La Rochefoucauld publiant son injuste réquisitoire savait ce qui l'atten­ dait. Ce « portrait du cœur de l'homme », dit-il au lecteur, « court fortune de ne plaire pas à tout le monde, parce qu'on trouvera peut-être qu'il ressemble trop et qu'il ne flatte pas assez...

Comme ces Maximes sont remplies de ces sortes de vérités dont l'orgueil humain ne peut s'accommoder, il est presque impossible qu'il ne se soulève contre elles... » Vauvenargues riposte : « Nous aimons à contrôler la nature humaine, pour essayer de nous élever au-dessus de notre espèce et pour nous enrichir de la considération dont nous pensons la dépouiller. Nous sommes si pré­ somptueux, que nous croyons pouvoir séparer notre intérêt personnel de celui de l'humanité et médire du genre humain sans nous commettre. Cette vanité ridicule a rempli les livres des philosophes d'invectives contre la nature. » Telle est la position des deux adversaires : l'un estime que l'orgueil du lecteur se cabrera devant un portrait véridique; l'autre prétend que l'auteur a peint par orgueil ce portrait infidèle et méchant.

Ils peuvent avoir raison tous deux, au moins partiellement.

Mais, revenant à la pensée qui nous occupe, constatons que si elle est à peu près totalement vraie pour La Rochefoucauld — à la lettre, il « charge l'homme de vices » — elle cesse de l'être pour un Pascal, un La Bruyère, un Bossuet, et surtout un Fénelon. Pascal a laissé sur la grandeur de l'homme « roseau pensant », « dépositaire du vrai » des Pensées exaltantes : « S'il s'abaisse, je l'élève.

» La Bruyère a brossé le portrait d'iEmile et celui du monarque idéal et quelques jugements, au chapitre du Cœur, par exemple, qui réhabilitent l'homme, dépeint, par ailleurs, sous un jour plutôt sombre.

Bossuet, dans ses Oraisons funèbres, n'est pas précisément un détracteur de l'homme; il nous y présente, en la personne des deux Henriette, de Marie-Thérèse, de Condé, une humanité plutôt embellie qu'enlaidie.

Quant à Fénelon, n'est-il pas à l'origine de ce mouvement de réhabilitation dont parle Vauvenargues? « L'aimable simplicité du monde naissant », entrevue à travers les mots fluides et enveloppants de l'auteur de Tèlémaque, la vision de Salente, où « la franchise, la bonne foi, la candeur » attirent la clientèle, où la nature tire de son sein fécond tout ce qu'il faut pour une infinité d'hommes modérés et laborieux, où les corps jeunes, souples, vigoureux servent de temples à des âmes pures, innocentes, laborieuses, dociles et passionnées pour la gloire, séduisit toute une génération.

L'évêque n'allait point jusqu'à proclamer la bonté originelle de l'homme, démentie par sa foi; mais il conduisait ses lecteurs sur une pente où leur imagination devait fatalement la rencontrer.

Le tableau idyllique où Montesquieu met en scène les bons Troglodytes, est comme le pendant de la chimère fénelonienne : Ces « deux hommes singuliers » qui « ont de l'humanité... connaissent la justice...

aiment la vertu », qui unis par une « douce et tendre, amitié », travaillent à « l'intérêt commun » et grâce à leur famille, façonnée à leur image, régénèrent une race déchue, ont séduit certainement l'optimiste Vauvenargues.

Si le Voltaire des Remarques ne se retrouve pas dans les ouvrages posté­ rieurs, et si ce beau dessein de prendre « le parti de l'humanité » contre. »

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