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Voltaire, vers 1740, définissait le roman « la production d'un esprit faible décrivant avec facilité des choses indignes d'être lues par un esprit sérieux ». Comment expliquez-vous ce jugement sévère ? Montrez, par des exemples, de quelle manière le roman a évolué depuis Prévost jusqu'à Balzac, au point de devenir le genre littéraire le plus compréhensif qui embrasse les diverses formes de la pensée et de la vie humaines.

Publié le 02/03/2011

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voltaire

   plan proposé    Dans son livre sur la Société française au XVIIe siècle, Victor Cousin distingue trois moments dans l'histoire du roman à cette époque ; tout d'abord, d'Urfé crée le genre, puis Mlle de Scudéry « tempère le sublime vaporeux de d'Urfé «, enfin, Mme de la Fayette « ferme le cycle des romans « en portant l'art à la perfection. Voltaire se montre moins enthousiaste, et tout en faisant une exception pour la Zaïde de Mme de la Fayette définit le roman de ce moment-là « des productions d'esprits faibles qui écrivent avec facilité des choses indignes d'être lues par des esprits solides «.    D'où vient un tel jugement ? Voltaire l'aurait-il maintenu s'il avait pu connaître les œuvres écrites de Prévost à Balzac ?

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« La description satirique des mœurs sert à camoufler la thèse du philosophe ; Montesquieu déjà l'avait utilisée,Voltaire et Diderot reprennent la formule, chacun selon son tempérament.

Il ne s'agit plus -certes de « chosesindignes d'être lues par un esprit solide » ; au contraire, c'est pour cet esprit-là que sont écrits Candide, Zadig,Micro-mégas, Le Neveu de Rameau.

Le problème du mal, la question de l'optimisme et du pessimisme, l'existence dela justice divine, l'organisation du monde, la guerre, les maladies, l'esclavage, le vol, l'intolérance, lesbouleversements des royaumes, voilà les sujets de ces romans avec les querelles littéraires et artistiques.L'observation psychologique et le pittoresque ne sont pas profonds chez le premier du moins, mais les héros sontvivants comme les idées qu'ils symbolisent ou qu'ils bafouent.

Quant à l'exactitude historique, il n'y faut point songer; au contraire, le vague et la fantaisie du décor sont de sûrs garants ; l'imagination peut se donner libre cours et lesidées philosophiques aussi. Et voici maintenant un autre genre avec la Nouvelle Héloïse.

C'est en partie une autobiographie, une histoire desrêves et un, commentaire des espérances.

« Ce n'est pas tout ce que j'ai été, mais ce que j'aurais voulu être ».

Ace titre-là, le roman vient de s'enrichir de quelque chose d'important : la sincérité et la vérité.

Rousseau a vécu etvu ce qu'il raconte (souvenirs de la Savoie, de Mlles de Graffenried et Galley, histoire de Saint-Lambert et de Mmed'Houdetot, affaire de l'Ermitage, souvenir de M.

de Conzié et de Mme de Warens, etc.).

De plus, il y a là unepeinture de la passion ardente, qui ne tombe ni dans l'abstraction des ouvrages du XVIIe siècle, ni dans lelibertinage des histoires à la mode ; la passion est toute la raison d'être et d'agir des personnages, non un accidentheureux ou malheureux qui fait dévier la ligne droite de l'existence.

Enfin, il s'en dégage, malgré les sophismes,souvent énormes, de l'auteur une impression de moralité : ces lettres souvent lassantes par leur allure de sermonssans envolée constituent cependant une orientation vers l'esprit de sacrifice, la générosité, la vertu ; elles posent leproblème moral et social de la fidélité conjugale, celui du suicide, celui des rapports; des maîtres et desdomestiques, celui de la valeur de l'instinct : problème important, puisqu'il trouvait ici une solution contraire à celleque lui donnaient les encyclopédistes et qu'il remet en cause toute la morale traditionnelle, la récompense desjustes et la justice éternelle. Et c'est encore l'amour de la vie rustique, le goût dé la nature sauvage et de la montagne qui! sont répandus dansles lettres par cet ouvrage.

Sincérité sentimentale, thèmes lyriques de l'amour et de tous les-sentiments qui l'accompagnent (espoir, regret,désespoir, résignation, remords), voilà ce qu'en retiennent surtout les contemporains avec le sentiment de la nature. De Rousseau à Chateaubriand, il y a certes beaucoup de romans, depuis Florian et Bernardin de Saint-Pierre, quiexagèrent les tendances idéalistes de Rousseau et Restif de la Bretonne et Choderlos de Laclos qui pousse leréalisme à l'excès, jusqu'à Mme de Staël, qui se raconte dans Delphine et Corinne et prépare, elle aussi, leromantisme annoncé par Rousseau. A part Bernardin de Saint-Pierre qui donne une place éminente au roman exotique (le genre avait été exploité déjàpar Marivaux dans les Aventures et voyages dé Jean Massé, Daniel de Foë dans son Robinson traduit en 1720,Prévost dans son Cleveland, etc.), tous se présentent comme des continuateurs, non comme des initiateurs.

De soncôté, Mme de Staël expose des idées romantiques : l'opposition des lois de la société et des droits de l'individunotamment, les lois étant dirigées contre les femmes supérieures et leur enlevant toute liberté véritable pour lescondamner à la solitude, les femmes d'autre part ayant droit à connaître l'amour, malgré leur supériorité. Idée qui sera reprise par Chateaubriand, mais pour étudier la douleur masculine : qu'est-ce qui se dégage de lalecture d'Atala, sinon l'obscur sentiment que la vie sans passion ne vaut pas la peine d'être vécue, mais que lapassion ne fait naître que souffrances, qu'il existe ainsi entre l'homme et la félicité une irréductible opposition, faited'ignorance et de mystère, comme la résistance énigmatique, d'Atala aux prières de René.

Ainsi pénètre dans lalittérature, à côté d'un exotisme sans artifices ni tendances philosophiques, l'analyse et- la confession lyriques,enfermant en leur expérience individuelle toute la diversité des âmes contemporaines, inquiètes de la mêmeinquiétude, malades de la même souffrance.

C'est le roman d'un homme et l'écho d'une époque. Echo dont se prolongeront les résonances chez Sénancour et Benjamin Constant, chez Vigny (Stello, Daphné), chezSainte-Beuve (Volupté), Musset (La confession d'un enfant du siècle), Stendhal (Le rouge et le noir, La Chartreusede Parme). Parallèlement, se développe le roman historique, genre dans lequel Chateaubriand se montre un initiateur avec sesMartyrs et Walter Scott le principal inspirateur.

Vigny dans Cinq-Mars, Hugo dans Notre-Dame de Paris et Quatre-vingt treize, Prosper Mérimée dans la Chronique de Charles IX tâchent de reconstituer la physionomie de l'époquedont ils parlent (cadre, acteurs, événements), mais ils sont trop attentifs à exprimer leurs idées ou à plaider unecause pour faire une œuvre inattaquable du point de vue historique : c'est de l'histoire interprétée, l'aventurebanale ou le fait romanesque se chargeant de mystère et acquérant un sens philosophique, parfois une portéesociale.

C'est le roman d'une époque et l'écho d'un auteur.

Malheureusement, le genre dégénère avec AlexandreDumas père en roman de cape et d'épée, avec Frédéric Soulié et Eugène Sue, Paul de Kock et Alphonse Karr enroman-feuilleton... Deux genres nouveaux se constituent enfin ou plutôt deux modes du même genre, le roman de mœurs, idéaliste en. »

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