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Vers le naturalisme - Thérèse Raquin de Zola

Publié le 14/03/2020

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UN ROMAN NOUVEAU

Parce qu’il répond aux exigences naturalistes, Thérèse Raquin est (pour l’époque) un roman nouveau, qui rompt avec une longue tradition littéraire. Une doctrine se définit en effet autant par ce qu’elle condamne que par les objectifs qu’elle affiche. Or Thérèse Raquin marque à cet égard un triple refus : celui des « beaux sujets », de la psychologie et de l’imagination.

Le refus des « beaux sujets »

Le sujet de Thérèse Raquin est d’une extrême banalité. C’est l’histoire d’un crime passionnel1 2 3, presque ordinaire. Les personnages sont tous des anti-héros : ils ne possèdent aucune qualité extraordinaire, ne vivent aucune grande aventure. Ils sont semblables au commun des mortels.

Zola privilégie en outre les descriptions sordides. Le passage du Pont-Neuf n’est pas un lieu de promenade à la mode. On l’emprunte pour « éviter un détour » (p. 32). La boutique des Raquin est un « taudis » (p. 48). Les visites de Laurent à la Morgue sont horribles (chap. XIII).

Ce refus des « beaux sujets » obéit à une double intention. Tout comme Flaubert avec Mme Bovary (1857) ou comme Baudelaire composant le poème La Charogne 2, Zola veut montrer que les qualités artistiques d’une œuvre ne dépendent pas de son contenu, mais de la manière dont elle est écrite et composée. Trop longtemps, au cours des siècles précédents, on avait considéré qu’un « beau sujet » faisait nécessairement une belle œuvre.

Pour Zola, les choses les plus courantes sont les plus intéressantes à étudier. « Personne ne s’était avisé d’analyser l’air, parce que l’air était banal; Gay-Lussac3 l’analysa et fonda la chimie

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« 1 Une étude scientifique La naturalisme a puisé son inspiration dans l'évolution scientifique de la seconde moitié du x1xe siècle.

Les progrès de la science et notamment de la médecine modifient l'idée que l'on se fait de l'homme : celui-ci n'est plus perçu comme un « pur esprit », obéis­ sant à sa seule raison ou à ses sentiments 1.

Il possède un corps dont la bonne ou mauvaise santé commande son comportement.

Il naît et évolue dans un milieu social qui façonne ses réactions.

Bref, l'homme est le produit de la biologie et de la société.

Zola assigne au roman la tâche d'analyser ce déterminisme fondamental.

De fait, Thérèse Raquin renferme en permanence des références scientifiques.

Les personnages principaux obéissent à leur corps.

La misérable existence de Camille s'explique par sa fragilité maladive (chap.

Il).

Laurent est d'un tempérament sanguin 2, justifiant son appétit de jouissances (chap.

V).

Thérèse est d'une nature nerveuse, émotive, tenant du soleil d'Algérie où elle est née une énergie farouche (chap.

11).

Zola évoque constamment le corps de ses personnages, leurs nerfs, leur constitution physique.

De Thérèse par exemple, il écrit : « Depuis l'âge de dix ans, cette femme était troublée par des désordres nerveux, dus en partie à la façon dont elle grandissait dans l'air tiède et nauséabond de la chambre où râlait le petit Camille» (p.

202).

1 Une étude expérimentale Le romancier naturaliste se comporte en savant, se livrant à des expériences comme on en mènerait dans un laboratoire.« Qu'on lise, écrit Zola, le roman avec soin, on verra que chaque personnage est l'étude d'un cas curieux de physiologie » (préface, p.

24).

1.

Le x1xe siècle est le siècle du positivisme représenté par Auguste Comte (1798-1857) qui considère que seules comptent l'analyse et l'observation des faits; c'est aussi l'époque du développement de la médecine et de la biologie grâce notamment à Claude Bernard (1813-1878).

2.

Le tempérament désigne ici l'ensemble des traits innés d'un individu, qui déterminent son comportement.

64 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES. »

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