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Victor HUGO, Les Misérables, IV, 3 (L'auteur décrit les forçats partant pour le bagne.)

Publié le 25/02/2011

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Toutes les détresses étaient dans ce cortège comme un chaos ; il y avait là l'angle facial de toutes les bêtes, des vieillards, des adolescents, des crânes nus, des barbes grises, des monstruosités cyniques, des résignations hargneuses, des rictus sauvages, des attitudes insensées, des groins coiffés de casquettes, des espèces de têtes de jeunes filles avec des tire-bouchons sur les tempes, des visages enfantins et, à cause de cela, horribles, de maigres faces de squelettes auxquelles il ne manquait que la mort. On voyait sur la première voiture un nègre, qui, peut-être, avait été esclave et qui pouvait comparer les chaînes. L'effrayant niveau d'en bas, la honte, avait passé sur ces fronts ; à ce degré d'abaissement, les dernières transformations étaient subies par tous dans les dernières profondeurs ; et l'ignorance changée en hébétement était l'égale de l'intelligence, changée en désespoir. Pas de choix possible entre ces hommes qui apparaissaient aux regards comme l'élite de la boue. Il était clair que l'ordonnateur quelconque de cette procession immonde ne les avait pas classés. Ces êtres avaient été liés et accouplés pêle-mêle, dans le désordre alphabétique probablement, et chargés au hasard sur ces voitures. Cependant des horreurs groupées finissent toujours par dégager une résultante ; toute addition de malheureux donne un total ; il sortait de chaque chaîne une âme commune, et chaque charretée avait sa physionomie. A côté de celle qui chantait, il y en avait une qui hurlait ; une troisième mendiait ; on en voyait une qui grinçait des dents ; une autre menaçait les passants, une autre blasphémait Dieu ; la dernière se taisait comme la tombe. Dante (1) eût cru voir les sept cercles de l'enfer en marche. Victor HUGO, Les Misérables, IV, 3 (1862). (1) Dante : poète italien (1265-1321), auteur de la Divine-Comédie, où il décrit successivement l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis.

Dans un commentaire composé, que vous organiserez à votre guise, vous pourrez étudier, par exemple, le caractère visionnaire du tableau et les sentiments qu 'il suggère au lecteur. connaître l'auteur : avantage... inconvénient ? 1. Cette interrogation peut sembler surprenante. En effet la connaissance de l'auteur sécurise le candidat, lui apporte des informations utiles peur l'introduction, le place dans un domaine avec lequel il s'est déjà familiarisé. Mais bien souvent, l'élève est, alors, tenté de reproduire tout ce qu'il sait... il en oublie le texte qui demeure l'essentiel. Ces dangers se sont vérifiés pour le présent commentaire : Les Misérables font partie des romans les plus lus dans le monde et les élèves, en 1985 - année Hugo - ont souvent étudié une œuvre du grand romantique. Ils ont donc cherché à mentionner tout ce qu'ils savaient sur cet auteur.   

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« l'effroi du personnage principal. En effet, les premières lignes de l'épigraphe commencent ainsi : « Tant qu'il existera, par le fait des lois et desmœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et complétant d'une fatalitéhumaine la destinée qui est divine...

Tant qu'il y aura ignorance et misère, des livres de la nature de celui-cipourront ne pas être inutiles.

» La damnation ouvre bien le livre de Victor Hugo ; elle en constitue la quintessence. On remarque simplement que la dimension sociale ne figure pas dans notre extrait. situation du texte La situation du texte pose à nouveau le problème de la connaissance de l'auteur, connaissance à double tranchant :dire que Jean Valjean a été forçat, c'est souligner dès l'introduction l'intérêt romanesque de l'extrait. Mais une interprétation rapide risque de faire du héros l'un des bagnards décrits. Or, il n'en est rien.

Le passage se situe dans la quatrième partie du livre, « L'Idylle rue Plumet », livre III, chapitrevin.

Cosette et Jean Valjean regardent, dans les rues de Paris, un groupe d'hommes qui partent pour le bagne deToulon.

Cette vision effraie la jeune fille, elle plonge l'ancien forçat dans une sorte d'état second.

Ainsi, l'élève qui aurait inclus le personnage principal parmi les prisonniers aurait commis une erreur...

erreurpardonnable au demeurant.

Le spectacle s'impose au regard du héros qui se revoit trente-cinq ans plus tôt cheminerdans le même sinistre convoi. méthode : décomposer ses idées / composer sa réflexion Supposons que l'élève ait perçu l'une des caractéristiques du texte, ici la description des condamnés présentéscomme des monstres infernaux. Il est alors tentant de citer tous les termes qui viennent à l'appui de cette idée. Exemple de rédaction Imaginons ce qu'une telle démarche peut donner : Victor Hugo décrit toutes sortes de monstres : « l'angle facial detoutes les bêtes », « des monstruosités cyniques », « des rictus sauvages », « des groins coiffés de casquettes »,« des espèces de têtes de jeunes filles avec des tire-bouchons sur les tempes...

».

Les condamnés produisent doncsur les lecteurs une impression d'effroi et même de terreur. Critiques Une telle structure se trouve souvent dans les copies.

L'élève croit avoir satisfait aux règles du genre en énonçantune idée, en l'illustrant d'une série de citations et en terminant par une phrase qui résume l'impression dominante.Certes, une telle composition constitue la base du commentaire.

Elle est infiniment préférable à un paragraphe quine cite pas le texte et elle a le mérite de la clarté en encadrant la citation de deux idées personnelles.

Mais laformule a plusieurs inconvénients ; elle ne suffit pas, car : 1.

Ce procédé bloque la réflexion et rend, par là, le commentaire trop sec, trop court. On met dans une même rubrique toutes les « monstruosités », et la réflexion se présente d'un seul tenant, malaffinée. 2.

L'énumération, par sa longueur, ralentit la lecture et parfois hache la lecture. Cette méthode est donc un point de départ, mais il ne faut pas en rester là.

Ce qu'il faut faire Une fois que l'on a relevé le champ lexical se rapportant aux monstres, il convient de regarder si cette notion nepeut être « décomposée ». Ainsi, chaque terme qui compose le champ apporte des nuances.

On aperçoit d'abord l'animalité avec « bêtes », «groins » et même « sauvages ».

Par ailleurs, le terme « rictus » désigne une sorte de grimace, un trait dephysionomie.

Enfin l'expression « les têtes de jeunes filles avec des tire-bouchons sur les tempes » appartient à unevision étrange, irréelle. Ainsi, on parvient à décomposer Ténumération en nuances qui convergent toutes vers la notion de monstruosité,mais par des voies variées.. »

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