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Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer (1886), description de la pieuvre

Publié le 22/11/2011

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Le texte que nous allons étudier est un extrait du roman de Victor Hugo intitulé Les Travailleurs de la Mer, datant de la fin du XIXème siècle. Ce roman a été rédigé durant l'exil de l'auteur à L'île de Guernesey, dans la Manche. Ce séjour lui a permis de découvrir la culture de ce lieu, qui tourne beaucoup autour du milieu maritime, ce qu'il tente de retranscrire dans son livre. Le héros de l'œuvre, Gilliatt, un pêcheur de l'île, combat un adversaire étrange alors qu'il était dans les rochers. Le romancier interrompt alors la narration de l'action pour décrire durant un chapitre entier l'animal qui a attaqué Gilliatt, la pieuvre. Il faut savoir qu'à l'époque, le terme de « pieuvre « n'était utilisé que par les Normands, c'était donc un animal très mal connu. L'extrait se situe dans ce chapitre, et la pieuvre y est décrite comme le plus horrible des animaux, réels et irréels réunis.  Le combat entre un homme et une bête atroce n'est pas une chose nouvelle dans la littérature, comme le prouvent les nombreux mythes grecs (l'Hydre de Lerne, le Minotaure). Nous pouvons alors nous demander en quoi cette description diffère des précédentes ? Quel effet produit-elle sur le lecteur ?  Dans un premier temps, nous étudierons les différents procédés qu'utilise l'auteur pour décrire l'animal, et quel but semble être recherché, puis dans un second temps nous nous attacherons à montrer la terreur que cette pieuvre provoque chez le lecteur.

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« Mais il semble également que l'auteur souhaite faire passer une impression d'objectivité sur ce qu'il décrit.

En effet,une instruction subjective n'est plus universelle et donc remise en question.

Or ce n'est absolument pas ce quel'auteur souhaite que ses lecteurs pensent.

Pour cette idée d'objectivité, la description de la pieuvre est parseméede substantifs à l'usage peu fréquent tels que « jaracca », « buthus », « alouate », « vespertilio-vampire » ouencore « gypaète ».

Ces mots sont des appellations scientifiques de nombreuses espèces animales que sont leserpent, le scorpion, le singe, la chauve-souris, et l'oiseau.

L'emploi de ces noms scientifiques induit une certainerecherche de la part de l'auteur et donc une connaissance certaine du sujet.

Cette connaissance légitime sespropos, le lecteur a donc tendance à croire ce que l'auteur dit.

Cependant, on remarquera que l'auteur affirme quela pieuvre n'a pas de bec (« le gypaète a un bec, la pieuvre n'a pas de bec ») or on apprend grâce aux notes en basde page que la pieuvre possède un bec.

Il semble alors que Victor Hugo donne une impression d'objectivité ; ilsouhaite que le lecteur se range de son côté, afin de faire passer la pieuvre pour une immondice et un monstre.

Deplus, si l'on se renseigne plus en détail sur la pieuvre, on découvre que la pieuvre n'attaque pas les hommes et estune espèce plutôt peureuse.

L'avis de l'auteur sur la pieuvre est donc totalement subjectif, mais les données del'époque lui permettent de jouer de sa position d'érudit afin de faire passer l'image qu'il souhaite de l'animal.

.Leslecteurs sont trompés et ne le savent pas.

Ce passage est donc subjectif, l'auteur décrit la pieuvre de son point devue, même s'il tente de rendre sa description objective, et ce grâce au procédé de mise en confiance du lecteur,par la relation de professeur à élève.

L'auteur joue donc avec son lecteur. * * * Ce jeu didactique trompe le lecteur et Victor Hugo a recours à plusieurs procédés afin d'amener le lecteur à ressentirun mystère pesant.

Le deuxième et le troisième paragraphe semblent décrire la pieuvre, mais ils expliquent surtoutce que la pieuvre n'est ou n'a pas.

En effet, toute la description est basée sur un jeu de négations successivesvisant à comparer tous les autres animaux à la pieuvre (exemple : « La baleine a l'énormité, la pieuvre est petite »,« le crapaud a un virus, la pieuvre n'a pas de virus »… etc.).

L'accumulation de toutes ces propositionsprovoque un certain étourdissement du lecteur, qui se trouve alors perdu.

En somme, au terme de ces paragraphes,le lecteur sait ce que la pieuvre n'est pas.

La pieuvre est décrite par la négative.

L'aspect que cela donne del'animal est indéfini, indescriptible, intrigant et donc mystérieux.

Le fait est que la pieuvre peut être décrite de façonbien plus précise, mais l'auteur décide lui-même de refuser cette description afin de stimuler l'imaginaire morbide deson lecteur.

Ainsi, au terme de ces longs paragraphes, une impression de mystère entoure la pieuvre.

La curiositémalsaine est le sentiment que doit ressentir le lecteur après cette lecture.

De plus, en la comparant aux autresanimaux, qui eux possèdent de nombreuses armes et moyens de défenses (« le lion a des griffes », « le crocodile aune gueule », « la vipère a un venin », etc.), la pieuvre, « petite », « nue » et « muette », semble bien démunie ;ce contraste ajoute au mystère ambiant.

Après cette définition par la négative, le lecteur ne peut que s'imaginer lacréature devant lui, puisqu‘il ne peut la voir au travers de la description.

Le monstre qu'est la pieuvre luisemble redoutable car elle est mystérieuse.

Il est bien connu que l'homme est effrayé par ce qu'il ne connaît pas.Cet sentiment de fascination inexplicable entraîne un autre sentiment. L'objectif est énoncé a la première ligne de ce passage : « si l'épouvante est un but, la pieuvre est un chef d'oeuvre».

Cette phrase, construite à la manière d'une équation logique avec « si », amène le fait que la pieuvre est unehorreur de la nature, un « chef d'œuvre » de « l'épouvante ».

Ce qui précède cet extrait indique que « Dieu » acréé cette monstruosité, mais au regard de ce que nous avons dit précédemment, il paraît évident que la pieuvreest rendue effroyable par Victor Hugo aux yeux du lecteur.

Le désir de l'auteur à travers cette description est doncde provoquer la peur du lecteur face à un mystère de la nature.

La mise en confiance précédente contribue à cesentiment, car le lecteur croit tout ce que le romancier écrit.

A la ligne 41, on trouve la phrase « la pieuvre est detoute les bêtes la plus formidablement armée » ; comme on l'a vu précédemment, la pieuvre est comparée à desanimaux tous plus féroces les uns que les autres, et la pieuvre ne possède aucune de leurs armes ou défenses.

Lacrainte d'une arme encore plus puissance que ce que le lecteur connaît (les « griffes », les « dents », etc.) est alorsdésirée par l'auteur.

Il attise la peur en affirmant que la pieuvre est pire que toutes les créatures cruelles quel'homme connaît.

Quant à ce qu'elle est réellement, il n'en a que peu d'indices : elle est « petite », « nue », et «muette ».

La question qui se pose alors est la suivante : comment un être possédant ces maigres attributs peutêtre la créature la plus épouvantable qui soit ? Cette question est par ailleurs formée par l'auteur lui-même : «Qu'est-ce donc que la pieuvre ? ».

L'auteur joue encore une fois avec les émotions de ses lecteurs ; il saitexactement ce que son texte provoque chez ses lecteurs : l'attente d'une réponse, et la crainte même de cetteréponse.

Cette réponse est enfin donnée à la fin de notre extrait par une synecdoque : « C'est la ventouse ».

Lapieuvre est résumée à une partie de son entité : la ventouse.

La ventouse évoque au lecteur « une chose qui aspire» , sous entendu : le néant.

La pieuvre est le néant, l'inconnu, tout ce que redoute l'homme en somme.

Lesentiment crescendo de peur que Victor Hugo voulait faire monter en son lecteur est donc obtenu, et ce grâce àune curiosité malsaine face au mystère que provoque la description de la pieuvre. * * *Au terme de cette étude, nous avons donc pu voir que l'auteur tente dans un premier temps de mettre son lecteuren confiance, en se conférant un savoir et une fausse objectivité, à travers une description didactique etinstructive.

Une fois que le lecteur se sent en sécurité, il est amené à une curiosité grandissante sur le mystèrequ'est la pieuvre, ce qui le mènera à un effroi en se confrontant à sa plus grande peur établie : l'inconnu.

On voitalors que la différence entre cet affrontement et les précédents est le fait que l'ennemi animal n'est pas définiclairement, comme pouvaient l'être les monstres mythiques.. »

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