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Commentaire composé. Victor HUGO, Les Travailleurs de la mer. II, 3, 2 – Les vents courent, volent, s'abattent...

Publié le 11/11/2013

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hugo

Les vents courent, volent, s'abattent, finissent, recommencent, planent, siffle, mugissent, rient; 

frénétiques, lascifs, effrénés, prenant leurs aises sur la vague irascible. Ces hurleurs ont une 

harmonie. Ils font tout le ciel sonore. Ils soufflent dans la nuée comme dans un cuivre, ils 

embouchent l'espace; et ils chantent dans l'infini, avec toutes les voix amalgamées des 

clairons, des buccins, des olifants, des bugles et des trompettes, une sorte de fanfare 

prométhéenne. Qui les entend écoute Pan. Ce qu'il y a d'effroyable, c'est qu'ils jouent. Ils ont 

une colossale joie composée d'ombre. Ils font dans les solitudes la battue des navires. Sans 

trêves, jour et nuit, en toute saison, au tropique comme au pôle, en sonnant dans leur trompe 

éperdue, ils mènent, à travers les enchevêtrements de la nuée et de la vague, la grande chasse 

noire des naufrages. Ils sont des maîtres de meutes. Ils s'amusent. Ils font aboyer après les 

roches les flots, ces chiens. Ils combinent les nuages, et les désagrègent. Ils pétrissent, comme 

avec des millions de mains, la souplesse de l'eau immense. 

Victor HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866. 

Comme les dieux, les vents sont en effet inquiétants, car leur nature est ambiguë. Cette impression naît du jeu des contrastes. Les vents soumettent les éléments à leur puissance, mais c'est en jouant. Ils « mugissent « et ils «rient «, ils sont tantôt «lascifs «, tantôt « frénétiques«, ils combinent les nuages, mais c'est pour les désagréger aussitôt après, contradiction soulignée par l'emploi inhabituel de la virgule devant la conjonction de coordination « et « dans l'avant-dernière phrase. Plus inquiétante encore est leur « colossale joie composée d'ombre «. La fin de la phrase, avec le mot « ombre «, vient jeter la suspicion : les vents ne mesurent pas leur puissance, ils n'en ont pas conscience. Se déchaîner, pour eux, n'est qu'un jeu. Cette antithèse les assimile à des dieux cruels qui jouent avec la vie des hommes, puisque « la battue des navires « et « la grande chasse noire des naufrages « sont leurs divertissements favoris, et avec la nature, qu'ils façonnent et bouleversent tour à tour. La brièveté de la phrase « Ils s'amusent « confirme l'impression de cruauté contenue dans l'antithèse : « Ce qu'il y a d'effroyable, c'est qu'ils jouent «

I. Une description des vents 

a. Leur multitude 

b. Leur mouvement 

c. Leur force 

II. Une vision épique 

a. La personnification 

b. Le grossissement épique 

c. L'introduction du fantastique

hugo

« La description des vents s'organise autour de leurs trois caractéristiques principales : la multitude, le mouvement et la force.

La description des vents est destinée à opposer Gil liatt, seul dans sa lutte, à la multitude des vents, que Victor Hugo évoquera plus loin par les mots «horde» et «légion ».

Dans cet extrait, il n'utilise aucun de ces singuli ers collectifs, mais exclusivement des pluriels.

Toutes les phrases, à deux exceptions près, ont un sujet au pluriel, qui est toujours le même, « les vents » comme dans la première phrase, puis le pronom «ils» dans le reste du texte, plus rarement un autre substantif (« ces hurleurs »).

Cette impression de multitude est renforcée par cel le de la variété, suggérée par la richesse des sensations auditives.

Les bruits des v ents sont, en effet, décrits comme des sons d'instruments de musique réunis pour former une fan fare : «toutes les voix amalgamées des clairons, des buccins, des olifants, des bugles, de s trompettes ».

Sous la variété des termes de cette énumération apparaît certes l'unité du champ lexical, puisque tous ces instruments à vent servent à la chasse ou à la guerre, qui sont elles- mêmes des activités voisines, ayant toutes deux pour but de donner la mort.

Mais ce sont les c onnotations qui créent la variété.

A côté des clairons et des trompettes, usuels dans toutes les armées, les olifants évoquent le Moyen Âge et La Chanson de Roland , en particulier le moment où le preux se résout à sonner de son olifant pour appeler Charlemagne à son secours.

Les buccins rappellent le passé encore plus lointain des conquêtes romaines.

Pour les bugles, u tilisés dans la musique militaire, la connotation n'est ni historique ni littéraire, mais linguistique, car ce mot, de la même famille que « beugler », fait entendre des sons à la fois i ntenses, prolongés et désagréables.

Une énumération introduit des oppositions dans cette va riété : dans la première phrase, par exemple, l'adjectif « lascifs », qui suggère l'amol lissement et la volupté, est encadré par «frénétiques» et «effrénés» qui, malgré l'absence d 'étymologie commune, évoquent par leurs sonorités et leur sens la force, l'agitation, le dé sordre.

Puissance insaisissable, le vent est, par définitio n, une masse d'air en mouvement.

Victor Hugo décrit ce mouvement par l'accumulation des verbes.

Dès la première phrase, il les regroupe par trois dans une énumération : dans «courent, volent, s'abattent », il passe du moment où le vent souffle à celui où il tombe ; dan s « finissent, recommencent, planent », il oppose la fin au commencement pour s'arrêter sur un e accalmie momentanée.

À l'abondance des verbes s'ajoute la variété des rythmes.

Quelque s phrases courtes peignent le mouvement rapide du vent, renforcé par l'effet des sonorités, comme par exemple les nasales dans : « Qui les entend écoute Pan ».

Mais c'est, de préférence, la phrase longue, chargée d'incidentes, qui accompagne le vent dans son mouvement.

Ainsi la tro isième phrase suit d'abord un rythme descendant, avec les six syllabes de « ils embouche nt l'espace » succédant aux douze précédentes, mais elle s'achève sur un rythme ascen dant en s'élargissant dans «une sorte de fanfare prométhéenne ».

De plus, comme les dieux, l es vents semblent avoir l'ubiquité pour attribut, puisque l'univers entier est leur domaine : ils se déchaînent « au tropique comme au pôle », ils sont partout à la fois.

Enfin, la métap hore de «la battue des navires », qui annonce celle de la chasse, nous fait imaginer les manœuvre s des navires essayant de lutter contre la tempête en même temps que la course effrénée des ve nts lancés à leur poursuite.

Ce qui rend les vents redoutables est leur puissanc e, car ils sont vraiment les maîtres incontestables de la nature.

D'abord, ils règnent s ur tous les autres éléments, l'air, le ciel et la mer: «ils pétrissent» l'eau, « ils font le ciel son ore », «ils embouchent l'espace ».

Victor Hugo utilise toutes les richesses de la langue et de la stylistique pour proclamer cette puissance : le lexique avec «maîtres », «fanfare », «hurleurs » ; la combinaison des consonnes (« buccins, bu gles, trom pett es ») ; les allitérations (« maîtres de meu tes »).

Ce sont les procédés. »

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