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Voltaire : Candide : Chapitre 30

Publié le 17/01/2022

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Pendant cette conversation, la nouvelle s'était répandue qu'on venait d'étrangler à Constantinople deux vizirs du banc et le muphti, et qu'on avait empalé plusieurs de leurs amis. Cette catastrophe fesait partout un grand bruit pendant quelques heures. Pangloss, Candide, et Martin, en retournant à la petite métairie, rencontrèrent un bon vieillard qui prenait le frais à sa porte sous un berceau d'orangers. Pangloss, qui était aussi curieux que raisonneur, lui demanda comment se nommait le muphti qu'on venait d'étrangler. Je n'en sais rien, répondit le bon-homme, et je n'ai jamais su le nom d'aucun muphti ni d'aucun vizir. J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez ; je présume qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils le méritent ; mais je ne m'informe jamais de ce qu'on fait à Constantinople ; je me contente d'y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive. Ayant dit ces mots, il fit entrer les étrangers dans sa maison ; ses deux filles et ses deux fils leur présentèrent plusieurs sortes de sorbets qu'ils fesaient eux-mêmes, du kaïmak piqué d'écorces de cédrat confit, des oranges, des citrons, des limons, des ananas, des dattes, des pistaches, du café de Moka qui n'était point mêlé avec le mauvais café de Batavia et des îles. Après quoi les deux filles de ce bon musulman parfumèrent les barbes de Candide, de Pangloss, et de Martin. Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui, le vice, et le besoin. Voltaire : Candide : Chapitre 30 Tout au long de Candide, dont cet extrait annonce la conclusion, Voltaire s'est attaché à réfuter l'optimisme systématique des philosophes allemands Leibniz et Wolf. Pour ces derniers, le monde, tel qu'il avait été créé par Dieu, était le meilleur des mondes possibles et il allait même s'améliorant. Candide, garçon doux et timide, pénétré des principes de son maître Pangloss, lui-même disciple de Leibniz, a parcouru le monde et vécu mille et une aventures infirmant les théories en lesquelles il croyait si fort au début : toutes lui ont en effet démontré l'incohérence et l'absurdité de la condition humaine et l'omniprésence du mal ici-bas, aussi bien dans la nature que dans l'homme. A la fin du roman il se retrouve avec ses compagnons dans une petite métairie aux portes de Constantinople. Alors que tout tendait jusque-là à prouver que la thèse soutenue par Voltaire était exactement l'inverse de celle des optimistes, autrement dit que tout esl au plus mal dans le pire des mondes, le dernier chapitre vient nuancer ce pessimisme et proposer un remède
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« la barbe de leurs invités, tout concourt non seulement à nous dépayser mais à souligner l'opulence et le raffinementde cette hospitalité qui vont susciter la question de Candide, plaque tournante de la démonstration.

La réponse duvieillard amène le second effet de surprise de la scène : la disproportion entre la faible importance de ses terres etsa prospérité prolonge encore l'énigme et la conduit à sa limite extrême ; la solution ne saurait tarder.

Voltaired'ailleurs ne temporise pas et la conclusion rapide et nette de la scène n'en est que plus efficace, elle donne toutson poids et son relief à l'énoncé final de la thèse.

C'est ainsi que Voltaire, grâce à l'art avec lequel il sait divertir etrelancer sans cesse l'intérêt, fait d'une démonstration qui aurait pu n'être qu'un simple raisonnement mathématique,sec et abstrait, une scène dramatique pleine de vie et de saveur.Le style Le style de Voltaire est un élément essentiel de l'agrément de cette page.

Il est surtout caractérisé par uneclarté et un naturel qui nous permettent d'être tout de suite de plain-pied avec sa pensée.

La structure de sadémonstration est nette, sans aucune obscurité : elle suit strictement la chronologie des faits et ne s'encombred'aucune digression, si bien qu'on a l'impression que l'auteur nous raconte une histoire : c'est à la fin seulementqu'on se rend compte qu'il s'agissait d'une démonstration et que chacun des faits retenus en constituait unargument.

La phrase courte, bien articulée, peu chargée d'adjectifs coule facile et limpide, on la suit sans effortd'attention : elle a la simplicité et l'aisance de la conversation.

Son économie et sa brièveté lui confèrent même unesingulière vigueur comme dans la conclusion de ce passage où l'idée n'en' sort que plus forte.

Elle est d'ailleursrarement abstraite, car Voltaire a le don de rendre vivantes les idées.

En ce qui concerne l'énoncé de sa thèse parexemple, il l'exprime d'abord sous une forme concrète et pittoresque : « Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc;je les cultive avec mes enfants », ce n'est qu'ensuite qu'ilen tire la leçon.

Mais Voltaire contrôle parfaitement l'usage qu'il fait de son imagination.

Rien dans son récit n'estgratuit et on n'y voit nulle part l'effet cultivé pour lui-même : son utilisation de la couleur locale a une justificationinterne, elle fait partie de la démonstration.Ainsi le style de Voltaire tout en étant éminemment intellectuel reste vivant et coloré.

Par son habileté et samerveilleuse facilité il réussit dans cette scène à nous faire oublier la monotonie de l'intention philosophique en lavoilant sous le rythme alerte et varié du récit.

Comme nulle part on n'a lieu de se défier, la thèse ne porte quedavantage.

Ce passage de Candide montre donc l'adresse avec laquelle Voltaire fait de son style un instrumentaccompli de propagande et sa parfaite réussite. CONCLUSION La leçon de sagesse qui se dégage des dernières pages de Candide vient ainsi tempérer le pessimisme fataliste etdécoura-geant de l'ensemble de l'ouvrage.

Cette attitude virile de foi et de confiance dans l'homme fut cellequ'adopta Voltaire à la fin de sa vie.

Indifférent aux problèmes métaphysiques, il se consacra, à partir de soninstallation à Ferney jusqu'à sa mort, de 1760 à 1778, à une prodigieuse activité.

On connaît les efforts qu'il déployaà mettre en valeur son domaine et à veiller au bien-être des villageois.

L'image du jardin qu'il utilise ici pour lapremière fois vient ainsi tout droit de son expérience personnelle : le vieux jardinier de Ferney est le frère du bonvieillard Turc.

Grâce à sa leçon de sagesse et à l'art inimitable de Voltaire, Candide conserve encore un intérêtvivant et actuel.. »

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