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Vous commenterez le texte d'Albert Cohen, Le Livre de ma mère.

Publié le 29/08/2014

Extrait du document

 

Ni tout à fait autobiographie*, puisque c'est la mère qui occupe la première place, ni tout à fait biographie*, puisque l'auteur ne cesse d'interroger sa relation à celle qui l'a trop tôt quitté, Le Livre de ma mère (1954) est avant tout un hom­mage émouvant que Cohen rend à sa mère et, à travers elle, à toutes les mères. Cet extrait, situé au milieu de l'ouvrage, est le lieu d'un bilan de toutes les petites joies de l'enfance, à jamais perdue. Nous verrons, dans une première partie, que l'auteur évoque une enfance particulièrement heureuse, puis, dans un deuxième temps, nous montrerons que les joies du passé vont de paire avec les malheurs du présent. Enfin, nous étudierons les vertus curatives : elle apaise la douleur et aide à vivre.

 

En premier lieu, Cohen esquisse ici un tableau savoureux de l'enfance. L'enfance de l'auteur est d'abord heureuse parce qu'associée à la sensualité. Le vocabulaire des cinq sens parcourt le texte. La vue est frappée par les images colorées des « chromos« (1.2) et des «journaux illustrés« (1. 6). Le goût est séduit par les « confitures« (l. 2), « le sirop d'orgeat« (1. 3), « la gelée de coing« (l. 6), tes «goûters de pain et de chocolat« (1. 13) ou encore les «gâteaux« (1. 15), autant de douceurs sucrées qui font le délice des enfants. Cette énumération permet de faire en creux le portrait de la mère, qui gâte son fils en lui cuisinant ses plats préférés. L'enfance est également associée à de délicates sensations tactiles, notamment présentes dans les «baisers« (1.4) maternels. Enfin, les souvenirs gardent la trace d'odeurs (« odeurs«, l.3 ; «naphtaline«, 1.3) et de «sons« (l. 16), eux aussi caractéristiques d'un passé sensuel.

« Chapitre 3 Le biographique [«rassurants», l.

1 ; « veilleuses», l.

3; «bordé», l.

4].

Aux yeux de l'enfant, la mère a surtout le pouvoir presque magique de transformer tout ce qui pourrait causer des soucis ou de la peine en quelque chose de rassurant et d'agréable.

Ainsi, la maladie devient l'occasion d'être gâté, choyé[« convalescences chéries», l.

6-71.

la rentrée des classes est associée aux courses de fournitures scolaires, au choix de «cahiers neufs» [l.

11).

et surtout aux goûters.

Le bonheur de l'enfance est tel, que l'auteur en vient même à regretter ce qui n'a pas de charme en soi, tout ce qui est désuet et ridicule.

Ainsi, dans l'énumé­ ration, on relève quelques termes dont l'axiologie est négative.

Certaines expres­ sions suggèrent des sensations peu agréables : les boules de «naphtaline [ ..

.] » [l.

3).

pour l'odorat, les «genoux écorchés [dont ill arrachai[t] la croûte toujours trop tôt», pour le toucher.

De même, certains objets regrettés paraissent déri­ soires, ainsi les «noyaux d'abricots thésaurisés».

Le regard de l'auteur se fait même parfois critique.

L.:antéposition de l'adjectif dans l'expression« vertueuses chromos» [l.

2] laisse entendre la voix ironique de l'adulte qui se moque de ces images qui diffusent une morale souvent stéréotypée.

Regard gentiment moqueur de l'adulte aussi dans l'évocation des séances de récitation [«fables* de La Fontaine idiotement récites debout sur la table», l.

8].

Pourquoi regretter ces désagréments, ces objets insignifiants? Parce qu'ils sont associés à l'enfance.

L.:enfance enveloppe tout d'une aura merveilleuse.

Un noyau d'abricot du passé devient ainsi un trésor inestimable et surtout irremplaçable.

Ainsi, sensuelle, protégée par une mère omniprésente, l'enfance, telle que se la rappelle Cohen, n'est que bonheur, jusque dans ses ridicules.

Cependant, on peut penser que ce charme naît aussi de la disparition.

C'est en effet dans le regret que s'appréhendent les joies du passé.

Dès le début de l'extrait.

on constate que l'enfance est regardée de loin.

Une grande dis­ tance semble séparer le temps de l'écriture du temps de l'enfance.

En effet, pour l'auteur, tout est «petit» : cela se lit dans la récurrence de l'adjectif [«petite enfance», l.

1 ; «petits chats», l.

1 ; «petites mains», l.

9 ; «petites paix, petits bonheurs», l.

15] mais aussi dans le suffixe diminutif « -ette » [«chambrette», l.1].

Or, pour un enfant, tout apparaît grand.

C'est donc le regard de l'adulte, dis­ tancié, qui exagère la petite taille, comme s'il n'arrivait plus bien à percevoir les détails.

Cette distance temporelle qui donne l'impression au regard de perdre de son acuité, à mesure que tout s'amenuise, est précisée à la fin du passage dans la métaphore* : «Les rives s'éloignent» [l.

17].

L.: enfance, protégée, est assimilée au rivage rassurant, stable, alors que l'âge adulte est un fleuve qui nous éloigne chaque jour un peu plus.

À cet égard, on notera, au début de l'extrait, la présence, dans l'énumération, de quelques termes qui peuvent surprendre parce qu'on comprend mal comment ils s'insèrent dans les souvenirs d'un petit garçon : les «antiques dentelles» [l.

3).

les boules de «naphtaline[ ...

]» (l.

3].

Ces termes sont associés à la conservation du passé.

Il s'agirait donc, dans un premier temps, de conserver des vestiges du passé.. »

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