Vous développerez cet éloge du livre que fait Francis de Miomandre : « Aucune puissance de persuasion n'est pareille à celle du livre. L'orateur le plus éloquent n'entraîne qu'un instant la foule, qu'il domine par le prestige inanalysable de sa voix, de son regard... Mais le livre, modeste et muet, qui n'exige rien, qui se laisse abandonner, mutiler, oublier, le livre a toujours le dernier mot. »
Publié le 22/02/2012
                            
                        
Extrait du document
«
                                                                                                                            la simple insinuation par le regard ou le geste (ainsi les adultes s'adressant aux enfants) jusqu'au développementlogique et cohérent de raisons destinées à emporter l'adhésion, à jouer le rôle de motifs ou de mobiles d'action.
II.
                                                            
                                                                                
                                                                    — Ce quelle n'est pas, ne doit pas être.
Il faut d'ailleurs prendre le mot, tel qu'il est employé dans notre texte, uniquement en bonne part.
                                                            
                                                                                
                                                                    Persuader, c'estamener à des  opinions  ou à une  conduite  que l'on considère  soi-même  comme légitime  et bonne,  au moinsopportune.
                                                            
                                                                                
                                                                    Thémistocle dit à Eurybiade : « Frappe, mais écoute ».
                                                            
                                                                                
                                                                    On voit par là que la persuasion s'oppose à laviolence ou triomphe malgré celle-ci.
                                                            
                                                                                
                                                                    Iphigénie, dans la pièce de Gœthe, veut quitter Thoas par la persuasion, nonpar la force ou la ruse.
                                                            
                                                                                
                                                                    Là où la persuasion cesse d'avoir en vue le bien d'autrui, là où elle considère autrui noncomme fin,  mais comme  moyen, elle devient  suggestion (au sens  moral, péjoratif de ce terme).
                                                            
                                                                                
                                                                    Le maître de lasuggestion dans l'Antiquité  est Ulysse  que Gabriel  Audisio  essaye de réhabiliter  dans un livre  récent.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dans lePhiloctète de  Sophocle, le héros  d'Ithaque subit cependant  une conversion; la noblesse  morale de sa victime lesubjugue.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce que nous appelons de nos jours la propagande n'est autre chose qu'une suggestion collective érigéeen système  et en  doctrine.
                                                            
                                                                                
                                                                     Pour Rabelais,  la suggestion  diabolique a fait  inventer  aux hommes  l'artillerie.
                                                            
                                                                                
                                                                     Lasuggestion  use de moyens  détournés; elle évite  d'aller  droit au  but, dissimule,  biaise, adoucit :  c'est ainsi queprocède Narcisse dans Britannicus pour amener doucement Néron au crime.
III.
                                                            
                                                                                
                                                                    — Persuasion naturelle et persuasion étudiée.
Or il y a des personnes qui exercent naturellement une « puissance de persuasion », soit par leur savoir éminent,soit par la fermeté  de leur  caractère,  soit par la noblesse  de leur  comportement.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il se  dégage  d'elles unrayonnement  spirituel intense;  elles sont à l'abri  des injures  et des  outrages  : les  grands  sages de l'Inde,  parexemple, un Ramakrishna, les saints et tous ceux qui ont voué leur vie à un idéal spirituel.
                                                            
                                                                                
                                                                    La persuasion est uneémanation  de leur  nature.
                                                            
                                                                                
                                                                     Chez d'autres,  au contraire,  elle est étudiée  : elle  apparaît  comme un ensemble  deprocédés laborieusement appris.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle s'appuie sur des règles qui exigent de l'étude et du progrès.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est notamment laconception que les Anciens se faisaient de l'orateur et de son art.
Deuxième partie : la puissance de persuasion de l'orateur.
I.
                                                            
                                                                                
                                                                    — La conception des Anciens.
Qu'il s'agisse de l'éloquence judiciaire, politique ou de l'éloquence d'apparat, les règles sont les mêmes.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le but del'art oratoire, c'est d'emporter l'adhésion de l'auditoire.
                                                            
                                                                        
                                                                    « L'essence divine et la puissance céleste de la parole a,dans tous les siècles, fourni de nombreux exemples de la fortune à laquelle les hommes pouvaient s'élever par lapuissance de leur talent » : ainsi s'exprime Aper dans le Dialogue des Orateurs de Tacite, évoquant les joies qui sontpromises à l'orateur : voir un public se réunir, un cercle se ' former et partager toutes les émotions par lesquelles ilplaît à l'orateur de passer.
                                                            
                                                                                
                                                                    Celui-ci vise donc à la domination du public.
                                                            
                                                                                
                                                                    De même pour Crassus, dans le De Oratorede Cicéron, l'éloquence fonde, dirige, conserve les Etats et on sait d'autre part avec quelle ardeur Cicéron insistesur les difficultés de l'art oratoire qui exige à la fois des dons naturels, l'amour du métier et enfin des exercicespermanents.
Mais en revanche, la tâche de l'orateur est considérée comme périlleuse; son succès est précaire, éphémère, etsans cesse  compromis.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dès l'exorde  la célèbre  captatio  benevolentiae —  s'il s'agit  d'un discours  judiciaire  — letrouble, nous confie l'auteur, peut s'emparer des plus éloquents, lorsqu'ils ont le sentiment profond des difficultés deleur art.
                                                            
                                                                                
                                                                    « Souvent je pâlis, dit Crassus, en prononçant l'exorde; mon cerveau se brouille, je me mets à trembler detous mes membres.
                                                            
                                                                                
                                                                    » D'où la sévérité avec laquelle on juge l'orateur : ce dernier ne peut jamais prévoir entièrementles réactions de son public et, se dérobe-t-il devant lui, le voilà accusé de sottise : « quotiens dicimus.....
                                                            
                                                                                
                                                                    totiensde nobis judicatur.
                                                            
                                                                                
                                                                    »
D'un  mot,  la conquête  du public n'est jamais  achevée  ni définitive,  même pendant la  durée d'un seul discours.L'orateur danse toujours sur la corde raide, côtoie le précipice de l'indifférence* de l'hostilité ou du ridicule : toutcela les Anciens l'avaient bien vu et minutieusement étudié.
II.
                                                            
                                                                                
                                                                    —- C'est qu'il entre dans la persuasion de l'orateur un élément irrationnel.
F.
                                                            
                                                                                
                                                                    de  Miomandre dit  bien : « Le prestige inanalysable de  sa voix, de son regard.
                                                            
                                                                                
                                                                    » Ces  détails, les anciens lesrattachaient  à l'actio et  ils reconnaissaient  volontiers qu'un  orateur médiocre  qui jouit de ce don peut  souventl'emporter sur les plus grands.
1) La voix.
Le même discours, débité par des orateurs différents, peut susciter des réactions opposées.
                                                            
                                                                                
                                                                    En ce sens on peut direque l'art oratoire relève de l'art dramatique.
                                                            
                                                                                
                                                                    La voix module en les mimant tous les sentiments de l'âme : colère,pitié, crainte, joie, abattement : ainsi l'enseigne Cicéron et il se passe pour l'orateur ce que Saint-Évremond (De lapoésie) affirmait  de l'acteur  : «  Ce qui  est de l'humanité, les  penchants, les tendresses, les  affections, trouvenaturellement au fond de notre âme à se faire sentir.
                                                            
                                                                                
                                                                    La même nature (c'est-à-dire la nature humaine) les produit etles reçoit.
                                                            
                                                                                
                                                                    » Lamartine connaît lui aussi l'importance de l'attitude physique de l'orateur quand il écrit dans l'Ode àNémésis :.
                                                                                                                    »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Au terme de l'Avant-propos placé en tête de son livre Matière et Lumière, Louis de Broglie écrit : « On peut légitimement aimer la science pour ses applications, pour les soulagements et les commodités qu'elle a apportés à la vie humaine, sans oublier toutefois que la vie humaine restera toujours, de par sa nature même, précaire et misérable. Mais on peut, pensons-nous, trouver une autre raison d'aimer l'effort scientifique, en appréciant la valeur de ce qu'il représente. En effet, com
 - Gorgias: « Quel que soit l'artisan avec lequel il sera en concurrence, l'orateur se fera choisir de préférence à tout autre; car il n'est pas de sujet sur lequel l'homme habile à parler ne parle devant la foule d'une manière plus persuasive que n'importe quel artisan. Telle est la puissance et la nature de la rhétorique. » Platon, Gorgias, ive s. av. J.-C. Commentez cette citation.
 - En quoi le sport qui permet à différents acteurs d’affirmer leur puissance est un enjeu stratégique international mais qui laisse des pays en marge ?
 - Acceptons, pour un instant, l'hypothèse que le jugement pût être réprimé et les hommes tenus si étroitement en bride, qu'ils n'osent prononcer un mot que sur l'ordre de la souveraine Puissance (1).
 - Commenter les réflexions suivantes de Schopenhauer, et en définir la portée : « Les animaux vivent uniquement dans le présent. L'homme vit de plus, et en même temps, dans l'avenir et le passé... Leur sort, à eux, c'est d'être entièrement sous l'impression de l'instant, et sous l'action du motif directement perçu; lui, se détermine par des concepts abstraits, indépendamment du présent. » (Le Monde comme Volonté et représentation, livre 1 paragraphe 8). ?