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Xavier de MAISTRE, Voyage autour de ma chambre (fin)

Publié le 17/09/2011

Extrait du document

maistre

Charmant pays de l'imagination, toi que l'Être bienfaisant par

excellence a livré aux hommes pour les consoler de la réalité, il faut

que je te quitte. C'est aujourd'hui que certaines personnes dont je

dépends prétendent me rendre ma liberté, comme s'ils me l'avaient

enlevée ! comme s'il était en leur pouvoir de me la ravir un seul

instant, et de m'empêcher de parcourir à mon gré le vaste espace

toujours ouvert devant moi.- Ils m'ont défendu de parcourir une

ville, un point; mais ils m'ont laissé l'univers entier : l'immensité et

l'éternité sont à mes ordres.

C'est aujourd'hui donc que je suis libre, ou plutôt que je vais rentrer

dans les fers ! Le joug des affaires va de nouveau peser sur moi ; je

ne ferai plus un pas qui ne soit mesuré par la bienséance et le

devoir. - Heureux encore si quelque déesse capricieuse ne me fait

pas oublier l'un et l'autre, et si j'échappe à cette nouvelle et

dangereuse captivité .

Eh ! que ne me laissait-on achever mon voyage ! Etait-ce donc pour

me punir qu'on m'avait relégué dans ma chambre,- dans cette

contrée délicieuse qui renferme tous les biens et toutes les richesses

du monde ! Autant vaudrait exiler une souris dans un grenier.

Cependant jamais je ne me suis aperçu plus clairement que je suis

double. - Pendant que je regrette mes jouissances imaginaires, je

me sens consolé par force : une puissance secrète m'entraîne; -

elle me dit que j'ai besoin de l'air du ciel, et que la solitude

ressemble à la mort. - Me voilà paré; - ma porte s'ouvre : -

j'erre sous les spacieux portiques de la rue du Pô ; - mille fantômes

agréables voltigent devant mes yeux. - Oui, voilà bien cet hôtel,cette

porte, cet escalier; -je tressaille d'avance.

C'est ainsi qu'on éprouve un avant-goût acide lorsqu'on coupe un

citron pour le manger.

ô ma bête, ma pauvre bête, prends garde à toi !

Xavier de MAISTRE, Voyage autour de ma chambre.

Xavier de Maistre, officier des armées d'Italie, fut mis aux arrêts à

Turin, à la suite d'un duel. Pendant les 42 jours de sa détention, il

écrivit le Voyage autour de ma chambre, dont voici la dernière

page...

maistre

« me punir qu'on m'avait relégué dans ma chambre,- dans cette contrée délicieuse qui renferme tous les biens et toutes les riches­ ses du monde 1 Autant vaudrait exiler une souris dans un grenier.

Cependant jamais je ne me suis aperçu plus clairement que je suis double.

- Pendant que je regrette mes jouissances imaginaires, je me sens consolé par force : une puissance secrète m'entraîne; - elle me dit que j'ai besoin de l'air du ciel, et que la solitude ressemble à la mort .

- Me voilà paré; -ma porte s'ouvre : - j'erre sous les spacieux portiques de la rue du Pô ;- mille fantômes agréables voltigent devant mes yeux .- Oui, voilà bien cet hôtel,­ cette porte, cet escalier; -je tressaille d'avance.

C'est ainsi qu'on éprouve un avant-goût acide lorsqu'on coupe un citron pour le manger.

ô ma bête, ma pauvre bête, prends garde à toi ! Xavier de MAISTRE, Voyage autour de ma chambre .

Vous présenterez de ce texte un commentaire composé.

Vous pourrez, par exemple, étudier le mouvement de ce dialogue de l'auteur avec lui-même, montrer le caractère paradoxal de cette rêver ie sur le bonheur de l'emprisonnement et sur l'incertitude de la liberté .

Xavier de Maistre , officier des armées d' Italie, fut mis aux arrêts à Turin, à la suite d'un duel.

Pendant sa détention , il écrivit un récit plein de fanta isie, publié en 1795 sous le titre : Voyage autour de ma chambre .

A la fin de ce Voyage , il se livre à une rêverie paradoxale sur le bonheur de l'emprisonnement et les malheurs de la liberté, et célèbre avec fougue la puissance de l'imagination .

Aux yeux de tout un chacun, l'emprisonnement constitue à coup sOr une privation de liberté .

Mis aux arrêts, Xavier de Maistre se voit interdire toute sortie ; il est tenu sous surveillance dans un lieu restreint, sa chambre.

Il est de ce fait sous la dépendance de « certaines personnes », dont il ne précise pas l'identité et qu'il désigne seulement par le pronom de rappel « anonyme " : « ils ».

Nombreux d'ailleurs sont les termes qui appartiennent au champ lexical de l'interdiction, de la sanction : « empêcher "• « défendre de "• « punir "• " reléguer », « exiler "· Et de fait, par instants, il semble au prisonnier que sa solitude est bien proche de la mort, et que la chambre où il est confiné est en quelque sorte son tombeau .

Pourtant, de son point de vue, ces malheurs ne sont rien en comparaison des servitudes et de l' esclavage de la vie prétendue libre, et il songe avec peine que sa détention est enfin terminée : « je suis libre, ou plutôt je vais rentrer dans les fers "· En effet,. »

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