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YOURCENAR Marguerite, pseudonyme de Marguerite de Crayencour : sa vie et son oeuvre

Publié le 12/11/2018

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YOURCENAR Marguerite, pseudonyme de Marguerite de Crayencour (1903-1987). Poète (Les dieux ne sont pas morts., 1922), auteur de théâtre (Electre ou la Chute des masques, 1954; le Mystère d'Alceste, 1963...), de nouvelles (La Mort conduit l'attelage, 1934; Comme l'eau qui coule, 1982), essayiste (Sous bénéfice d'inventaire, 1962), romancière d’audience internationale (Mémoires d'Hadrien, 1951; F Œuvre au noir, 1968), autobiographe enfin (le Labyrinthe du monde : Souvenirs pieux, 1974; Archives du Nord, 1977), Marguerite Your-cenar accroît encore la variété de son œuvre par son ouverture aux cultures les plus diverses, orientales ou occidentales, nordiques ou méditerranéennes : y voisinent des études critiques sur Mishima (Mishima ou la Vision du vide, 1980) et Thomas Mann, Selma Lagerlôf et Piranèse, des traductions de negro spirituals (Fleuve profond, sombre rivière, 1964) et de blues, de Henry James et Virginia Woolf, de poètes grecs d’abord traduits pour son seul plaisir (la Couronne et la Lyre, 1979). La dimension éthique et didactique que cet écrivain — parfois dit moraliste — assigne à son œuvre prend appui sur ce goût primordial de la lecture et le désir de le faire partager. La conviction que l’Histoire est une « école de liberté », un tremplin pour une méditation sur l’homme, explique aussi que la romancière privilégie dans ses fictions le passé — Antiquité, Renaissance ou début du XXe siècle (le Coup de grâce, 1939 et 1953) — tout en se révélant par ailleurs attentive à la réalité contemporaine.

 

Une liberté itinérante consacrée à la littérature

 

Née à Bruxelles d’un père français, Marguerite Your-cenar passe en France une enfance très aisée. Orpheline de mère, elle partage la vie cosmopolite de son père et, comme lui, restera longtemps une nomade (séjours en Europe et aux États-Unis, où elle enseigne en 1939). Hors de France pendant la guerre, elle s’installe définitivement sur l’île de Mount Desert (côte nord-est des États-Unis) en 1949. En 1951, le succès mondial inattendu des Mémoires d'Hadrien élargit brusquement — près de trente ans après ses débuts — un public d’abord limité; des rééditions révisées de son œuvre paraissent à partir des années 60. Elle obtient le prix Femina en 1968 pour F Œuvre au noir; une élection retentissante à l’Académie française en 1980. On connaît mieux, depuis, cette personnalité discrète, que son indépendance place en marge du vedettariat littéraire. Mais elle préfère s’effacer et souligner plutôt — en classique — les modalités des rapports de son œuvre à son objet.

 

Littérature et Histoire : histoire d'une création

 

Mettre en doute la valeur documentaire d’une œuvre qui tend sans vergogne au lecteur les pièges de l’illusion réaliste serait faire preuve d’une prudence excessive : Marguerite Yourcenar utilise des documents authentiques souvent fruits d’une longue quête, en vue d’obtenir une exactitude factuelle mais aussi une meilleure compréhension des mentalités (Alexis ou le Traité du vain combat, 1929 et 1952). « La valeur humaine » d’une expérience, même fictive, « est singulièrement augmentée par la fidélité aux faits » (Carnets d'Hadrien). Ajoutons : par une plus grande particularisation. Denier du

 

rêve (dans sa version primitive, en 1934), avec son symbolisme affiché, n’est qu’une étape; la romancière s’attache ensuite, au prix d’une documentation minutieuse, à caractériser par le langage de ses personnages l’époque choisie et veille à la justesse du ton : ainsi vérifie-t-elle la fiabilité du style « togé » d’Hadrien en traduisant en grec certaines des pensées prêtées à cet empereur helléniste. Si la véracité anecdotique est soumise à la recherche d’une vérité humaine atemporelle — ce qui autorise quelques entorses —, cette quête ne peut aboutir sans une grande honnêteté intellectuelle que seconde l’érudition. Qualifions d’humaniste cette démarche, en dégageant ce terme du cadre de la culture occidentale, trop étroit pour celle qu’attirent aussi les sagesses de l’Orient (Sur quelques thèmes érotiques et mystiques de la Gîta-Govinda, 1957 et 1982).

 

Ainsi le fichier documentaire — dont on nous dévoile le contenu de bon gré — n’enferme pas la quintessence de l’œuvre. La clef pour accéder à celle-ci importe davantage, et reste pourtant mystérieuse, malgré la description qui nous en est faite : il faut, à l’instar des historiens romantiques, pénétrer à l’intérieur d’une figure historique; mieux, l’accueillir en soi-même. Marguerite n’est pas Hadrien — l’érudition l’aide à limiter les phénomènes de projection — mais elle se forge une âme du IIe siècle,

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« diversité des sagesses illustrées, on trouve le rejet de tout ascétisme érigé en système (Nouvelles orientales, 1938 et 1963); l'authenticité recherchée passe par la recon­ naissance des droits de la matière « puisque la chair est, après tout, le plus beau vêtement dont puisse s'envelop­ per l'âme » (Feux, 1936 et 1957).

La matière comporte aussi pour le créateur sa part de risque : le vertige de l'exhaustif menace parfois cette écriture, dans sa quête acharnée d'une essence, par le biais d'une pléthore de matière.

L'ampleur de la docu­ mentation rend primordial le travail de synthèse; tâche difficile, comme le montre l'Œuvre au noir : le parcours du héros prend son sens d'un morcellement devenu cohé­ rent.

L'écrivain voulant« rejointoyer [les faits] pour voir ce que va donner leur assemblage >> (Souvenirs pieux) travaille à 1' uni té alchimique de la matière.

L'art n'est-il pas cette victoire sur la faille qui sépare la matière de l'essence? On oserait même parler d'un démodé « bonheur de l'écriture »-à l'écart des modes, surtout.

D'une sobriété classique (le Coup de grâce) ou d'une luxuriance expressive (Feux), le style de Yource­ nar allie l'élégance à une grande richesse de vocabu­ laire : travail ciselé d'un auteur soucieux de perfection (ses « nouvelJes versions » se font dans cene perspec­ tive) et qu'intéresse au plus haut point la matière du langage -comme le prouve son activité de traductrice.

Ce travail du verbe ne produit que rarement des mor­ ceaux de bravoure superflus (l'écrivain s'en reproche un à propos des Mémoires d'Hadrien).

La grande tenue des débats résulte de ce qu'elle fonde en fait : la valeur des héros.

La sensibilité de Zénon l'alchimiste justifie la présence de morceaux de prose poétique dans un roman.

Sereine dans son art - sans fatuité -et d'une extrême exigence, Marguerite Yourcenar paraît plus proche du peintre chinois s'absorbant dans la fleur qu'il dessine que de certains contemporains «soupçonnant» l'écri­ ture.

Non que 1' œuvre naisse sans douleur mais « de tous les remords de l'homme, le plus cruel peut-être est celui de l'inaccompli >> (le Temps, ce grand sculpteur).

Écrire, donc, de son mieux.

[Voir aussi MéMOIRES, RoMAN HISTORIQUE].

l'Œuvre au noir.

-Le roman a pour point de départ une nouvelle.

«D'après Dürer"· publiée en 1934 dans le recueil La Mort conduit l'attelage.

1.

« La vie err a n te n.

Sur un chemin de Picar die.

venant tous deux de Bruges leur vill e natale, se re tro uve nt et se séparent Henri-Maximilien Ligre et Zénon.

son cousin bâtard, « l'a ve ntur ie r de la puissance et l'aventurier du savoir».

Par une longu e rétrospection, le récit focalise aus­ si tô t sur le seul Zénon : sa mère Hilzonde, séduite par un gentilhomme italien.

épousée par l'anabaptiste Simon Adriansen; son oncle Henri-Juste Ligre -père d'Henri­ Maximilien -.

riche drapier qui le destine à la prêt rise .

Mais l'intelligence aiguë de Zénon -partagé entre l'esprit de r év olte et l'envie de parvenir, entre les livres et ce>.

Installé à Bruges sous un nom d'emprunt, Zénon so ig ne les miséreux de l'hospice des Cordeliers.

Se place ici une lon gue méditation du héros sur le sens de sa vie et de ses tra vau x; sa passion de l' o b se rv atio n.

qui culmin e dans l'expérience de la lo u pe réfractant l'œil mêm e de celui qui regarde; son ambition d'alchimiste en quête de l' Op us nigrum (qui donne son titre au roman).

« cet essai de dissolution et de calcination des formes qui est la part la plus difficile du Grand Œuvre».

Cependant la Flandre est déchirée par les guerres de Reli· gion, par la révolte des Gueux con tr e l'occupant espagnol; Zénon tente de survivre, protégé par le prie ur des Corde­ liers dont il traite la maladie en contrepoint de longs entre­ tiens sur la vio le nce politique et religieuse.

où l' a lc him is te dissimule face au prêtre assailli par le doute; il doit aussi se garder de son assistant.

frère Cyprien.

gagné par les prestiges ambigus d'une secte. »

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