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Zola , l'oeuvre (commentaire)

Publié le 13/11/2012

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Le champ artistique proprement dit s'est constitué au XIXe siècle, dans un double mouvement de refus des déterminations usuelles et de quête identitaire. Zola critique d'art fut un acteur important de cette mutation symbolique et sociale et, comme on pouvait l'attendre des hommes de lettres les plus prometteurs, il a mis son talent de journaliste et d'écrivain au service de peintres, réalistes et naturalistes, bientôt « impressionnistes «, qui, impliqués dans leurs recherches, acceptèrent avec reconnaissance les éloquents manifestes en faveur de la modernité. L'OEuvre, en 1886, ressuscite cette effervescence créatrice contrariée sous le Second Empire, mais témoigne aussi, avec le recul, des ambiguïtés de cette délégation discursive, des incompréhensions et des écarts entre les postures, celle de l'écrivain naturaliste et celle du peintre. Roman de l'échec, le quatorzième volume des Rougon-Macquart entérine la faillite de l'illusion artistique à travers le destin tragique de Claude Lantier, le grand peintre avorté, mais surtout victime expiatoire de l'élan vers l'absolu que chaque créateur doit apprendre à juguler, si l'on en croit les recommandations du romancier pédagogue. Le chapitre IX prépare le dénouement. Par un processus d'involution, le propos narratif se concentre sur le personnage de Claude, de plus en plus impliqué dans sa passion. Christine, qui incarne la vie, l'amour et le dévouement, tente d'inscrire sa présence dans l'acte créateur. Mais, tenue à l'écart, dépossédée, anéantie sous le poids d'un Art d'autant plus puissant qu'il est divinisé, elle incarne pour le lecteur un personnage expérimental, inscrit dans la fiction à la fois comme « sujet « et comme témoin. Il conviendra d'ailleurs dans un premier temps d'examiner les modalités de cette mise en scène actancielle par laquelle l'écrivain naturaliste gauchit les fonctions traditionnelles du personnage à des fins démonstratives. Mais le propos, qui mêle subtilement les points de vue dans un récit incertain et sans progression véritable, fait entendre une voix souveraine, qui s'attache à dire, pathétiquement, les tentations et les dangers d'une conception radicale de la représentation artistique.   Le personnage, en régime naturaliste, n'est pas doté d'une autonomie susceptible de ménager la surprise, l'hésitation, l'incertitude, la profondeur en un mot. Le refus de l'« homme métaphysique HYPERLINK "http://pierre.campion2.free.fr/mourad_commentzola.htm" \l "_ftn1" \o "" [1] «, de la psychologie stendhalienne, est constant chez un Zola qui milite pour un matérialisme à la fois philosophique et littéraire. Pour exprimer la détresse de Christine, point n'est besoin d'en faire une héroïne en proie aux imaginations romantiques et à la rêverie impalpable, si caractéristiques de la manière des romanciers mondains, Jules Sandeau, Octave Feuillet, « qui tiennent de George Sand et de Lamartine, les doux, les élégants, les idéalistes et les moralistes HYPERLINK "http://pierre.campion2.free.fr/mourad_commentzola.htm" \l "_ftn2" \o "" [2] «. À la modalité assertive dominante dans le passage sont conjoints d'autres procédés stylistiques qui préviennent tout risque d'extrapolation. La régie du narrateur est constante, que ce soit par le recours à la focalisation zéro ou par le discours indirect libre, dont l'ambiguïté est préférable, sans doute, à l'introspection de la focalisation interne. Une fausse question comme « N'était-ce donc pas de l'amour, cela ? « convertit la « torture « et le sacrifice (physique) de la pose en preuve tangible mais connote aussi, dans la médiocrité énonciative du niveau de langue, la réaction somme toute ordinaire d'un personnage foncièrement prosaïque. Les réactions de Christine sont donc clairement et strictement contrôlées par le narrateur, qui choisit les dénominations les plus adaptées à son réalisme. Remarquons par exemple la distinction entre ce qui est et ce qui semble être. La confusion entre ces deux niveaux n'est jamais réalisée, à l'image de cette « muraille infranchissable « du « tableau immense « qui sépare l'artiste parti dans un autre monde et la femme toujours présente ici-bas. L'idée du « ménage à trois «, de la « maîtresse «, la « jalousie « envers une rivale restreint considérablement la sympathie compassionnelle à l'égard du  personnage féminin ; son aptitude à partager l'aventure spirituelle de son mari est déniée. Comme la plupart des autres héroïnes zoliennes, Thérèse, Gervaise, Séverine..., elle produit des idées « simples «, elle écoute battre son sang et vibrer sa chair, son univers mental est peuplé de clichés, les issues vers l'infini sont bloquées. Si la puissance de sacrifice est ici connotée par le prénom, il faut noter tout de suite que la dimension religieuse du passage est dégradée en superstition. Que ce soit le « tabernacle farouche « ou les « puissants dieux de colère «, les images de la religion renvoient à une conception archaïque, celle d'un Ancien Testament approximativement pensé comme collection de rituels primitifs et encombré de tabous. Zola a souvent mis en scène dans ses romans le scandale d'une religion qui accable l'homme et l'enferme dans le cercle de la culpabilité originel...
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« infranchissable » du « tableau immense » qui sépare l'artiste parti dans un autre monde et la femme toujours présente ici-bas.

L'idée du « ménage à trois », de la « maîtresse », la « jalousie » envers une rivale restreint considérablement la sympathie compassionnelle à l'égard du personnage féminin ; son aptitude à partager l'aventure spirituelle de son mari est déniée.

Comme la plupart des autres héroïnes zoliennes, Thérèse, Gervaise, Séverine…, elle produit des idées « simples », elle écoute battre son sang et vibrer sa chair, son univers mental est peuplé de clichés, les issues vers l'infini sont bloquées.

Si la puissance de sacrifice est ici connotée par le prénom, il faut noter tout de suite que la dimension religieuse du passage est dégradée en superstition. Que ce soit le « tabernacle farouche » ou les « puissants dieux de colère », les images de la religion renvoient à une conception archaïque, celle d'un Ancien Testament approximativement pensé comme collection de rituels primitifs et encombré de tabous.

Zola a souvent mis en scène dans ses romans le scandale d'une religion qui accable l'homme et l'enferme dans le cercle de la culpabilité originelle, de la faute réitérée et de l'expiation [3] .

Bien avant La Faute de l'abbé Mouret (1875), dès 1864, il évoquait ainsi le prêtre : « l'homme des temps anciens, plus près de Dieu que de ses frères, plus parfait, plus puissant, qui vivait autrefois dans le mystère des tabernacles, au fond des temples fermés à la foule ; de là, il apparaissait aux fidèles, la foudre au front, tenant à la main les clés du ciel, et il commandait au nom de la colère et de la jalousie de son Dieu [4] ».

La similarité des images est frappante, on la constate aussi bien sûr dans Madeleine Férat , roman de 1868 dans lequel de même une amoureuse au prénom biblique voit ses élans d'affection maritale contrariés par l'obsession du péché et les divagations apocalyptiques d'une vieille bonne protestante.

Même si la conception artistique nourrie par Claude présente les caractères d'une nouvelle religion — il est cependant difficile de déterminer qui prend en charge l'expression « lutte avec l'Ange », Christine, le narrateur, Claude ? —, c'est bien Christine qui oscille, dans son désespoir et l'abandon dont elle est victime, entre la jalousie et la superstition, entre la souffrance et la colère, des réactions quasi instinctives auxquelles sont affectées des notations concrètes stéréotypées, encore une fois pour marquer l'isolement radical du personnage dans son monde possible et son impuissance à nouer le contact avec l'artiste.

Une femme, être de chair et de sentiment, ne peut vivre avec un homme qu'« à table, au lit », dans une cuisine ou dans une chambre, selon un protocole et dans une complicité que le début du roman a contribué à mettre solidement en place.

On aurait beau jeu de s'indigner d'une adhésion sans faille à un modèle évidemment dépassé de répartition socioculturelle des facultés selon les sexes, mais si Zola souscrit généralement à une conception de la femme largement partagée par les hommes de son temps, il cherche aussi à mettre en scène le refus de la vie par son personnage masculin. Christine n'est pas qu'une incarnation réductrice de la femme d'artiste, obtuse et inaccessible à toute idée de grandeur, elle est aussi celle qui signale la folie de son partenaire.

Sa fonction de référent, son ancrage dans le réel sont constamment rappelés par un narrateur soucieux de pointer les dangers de la dérive imaginaire.

La pose est une « torture », la « fatigue » de cette ascèse physiologique est bien celle de crampes, de « douleurs qui tendaient ses muscles » ; la vie est là, incarnée solidement en cette femme dont nous savons que Zola s'est complu à la décrire, dans sa force et sa beauté, depuis l'apparition providentielle du premier chapitre (p.

69 dans l'édition du Livre de poche classique) jusqu'aux abandons d'une sensualité évoquée, il faut aussi le signaler,. »

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