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ESQUISSE D'UNE MÉTHODE

Publié le 29/03/2014

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ESQUISSE D'UNE MÉTHODE

I. LA DISSERTATION LITTÉRAIRE

ET SA TECHNIQUE

10 Une lecture attentive

La faute la plus grave que vous puissiez commettre, c'est de traiter une autre question que celle qui vous a été posée. Une dissertation hors du sujet vous vaudra fatalement, même si elle est bien construite et agréablement écrite, une très mauvaise note. Or ce genre d'erreur est facile à éviter : il suffit de lire avec attention les termes du sujet et d'en dégager exactement le sens. L'expérience prouve qu'on ne saurait trop insister sur ce point, et chaque année une assez forte proportion de candi¬dats doit son échec à une erreur d'interprétation.

Cette recommandation vous paraît superflue et vous vous sentez à l'abri de commettre une faute aussi grave ? Alors nous vous proposons de vous prêter à un test. Si vous le passez bril¬lamment, il faut décidément vous faire confiance. Sinon vous serez amené à vous défier utilement de vous-même et à prendre désormais toutes les précautions nécessaires.

Nous vous proposons d'abord un sujet facile, mais sur lequel nous avons relevé chez des candidats inexpérimentés des erreurs graves. Comment le comprenez-vous ?

— Dans quelle mesure peut-on dire de Montaigne qu'il est un humaniste ?

Prenez la peine de définir en quelques mots l'interprétation que vous donnez à ce sujet. Et ne lisez qu'ensuite l'interpré¬tation que je vous propose.

Vous êtes naturellement allé d'emblée au mot essentiel, puisque toute la question repose ici sur ce seul mot : humaniste. Avez-vous compris exactement le sens de ce terme ? L'humaniste est cet écrivain qui étudie l'homme en général, sa nature, les problèmes qui se posent à lui et à son propos, les valeurs auxquelles il s'attache. Avez-vous aussi pensé à un autre sens plus restreint du mot et qui le replace dans un contexte historique auquel Montaigne n'est pas étranger ? L'humaniste, au xvie siècle, est un homme imprégné de culture antique. Si vous n'avez envisagé que le premier sens, vous avez incomplètement compris le sujet mais vous êtes allé à l'essentiel — et cela suffira, si ce point est correc¬tement traité, à vous assurer une note honorable. Je suis convaincu

 

6 ESQUISSE D'UNE MÉTHODE

que vous avez, bien entendu, évité une erreur énorme dont j'ai trouvé à ma grande stupéfaction plusieurs exemples : humaniste pris dans le sens d'humanitaire, qui conduit à voir en Montaigne l'homme qui compatit aux misères de l'homme et qui s'applique à les soulager. Vous serez sans doute aussi surpris que moi de cette interprétation fantaisiste. Mais vous voyez où peut conduire, dans un cas extrême, une lecture trop hâtive.

Voulez-vous tenter un deuxième test ? Alors voici un second sujet.

— Dans quelle mesure pouvez-vous affirmer avec J. Calvet que « Si Polyeucte est la plus parfaite des tragédies c'est parce que le « métier « y est d'une adresse achevée « ?

Je suppose que vous avez, cette fois encore, en quelques mots précisé le sens que vous donnez au sujet et l'orientation que vous donnez au développement. Certains parmi vous vont faire sans doute une objection : je connais mal Polyeucte ou même je ne connais pas du tout Polyeucte. Mais, de toute manière, vous avez nécessairement des notions sur le problème posé qui pourrait d'ailleurs s'envisager à propos de toute autre tragédie classique. Qu'entend-on par une tragédie parfaite ? Voilà ce que vous devez définir. Il fallait d'abord s'attacher à distinguer les mots impor¬tants et à les définir. Le mot «parfait« est ici évidemment essentiel.

Vous pouvez maintenant confronter votre point de vue avec celui que je vous propose. Une tragédie parfaite, c'est une tragédie qui respecte toutes les conventions du genre. Avez-vous envisagé d'étudier la pièce dans ce sens, de voir dans quelle mesure elle respecte les trois unités et utilise les conventions propres à la tragédie classique : monologues, confidents, etc... ? Avez-vous seulement pensé aux trois fameuses unités ? ou bien, ce qu'à Dieu ne plaise, vous êtes-vous imaginé que la question avait une signification beaucoup plus large : Polyeucte est une grande oeuvre émouvante, riche de psychologie humaine, etc... ?

Trois cas donc à considérer. Premier cas : vous êtes exacte¬ment dans la ligne. Deuxième cas : votre conception du devoir est trop étroite et incomplète. Troisième cas : vous avez « mis complètement à côté «. Pourtant dans la donnée, le mot «métier«, qui suppose une technique éprouvée, un art d'évoluer avec aisance au sein de cette technique, aurait dû vous mettre sur la voie. Il ne suffit pas de peser les termes du sujet. Il faut encore les confronter. Ils s'éclairent d'ordinaire les uns par les autres.

Vous prêterez-vous encore volontiers à un troisième test ? Il porte sur le sujet suivant :

« 6 ESQUISSE D'UNE MÉTHODE que vous avez, bien entendu, évité une erreur énorme dont j'ai trouvé à ma grande stupéfaction plusieurs exemples : humaniste pris dans le sens d'humanitaire, qui conduit à voir en Montaigne l'homme qui compatit aux misères de l'homme et qui s'applique à les soulager.

Vous serez sans doute aussi surpris que moi de cette interprétation fantaisiste.

Mais vous voyez où peut conduire, dans un cas extrême, une lecture trop hâtive.

Voulez-vous tenter un deuxième test? Alors voici un second sujet.

-Dans quelle mesure pouvez-vous affirmer avec J.

Calvel que «Si Polyeucte est la plus parfaite des tragédies c'est parce que le « métier » y est d'une adresse achevée » ? Je suppose que vous avez, cette fois encore, en quelques mots précisé le sens que vous donnez au sujet et l'orientation que vous donnez au développement.

Certains parmi vous vont faire sans doute une objection : je connais mal Polyeucte ou même je ne connais pas du tout Polyeucte.

Mais, de toute manière, vous avez nécessairement des notions sur le problème posé qui pourrait d'ailleurs s'envisager à propos de toute autre tragédie classique.

Qu'entend-on par une tragédie parfaite? Voilà ce que vous devez définir.

Il fallait d'abord s'attacher à distinguer les mots impor­ tants et à les définir.

Le mot« parfait» est ici évidemment essentiel.

Vous pouvez maintenant confronter votre point de vue avec celui que je vous propose.

Une tragédie parfaite, c'est une tragédie qui respecte toutes les conventions du genre.

Avez-vous envisagé d'étudier la pièce dans ce sens, de voir dans quelle mesure elle respecte les trois unités et utilise les conventions propres à la tragédie classique : monologues, confidents, etc ...

? Avez-vous seulement pensé aux trois fameuses unités? ou bien, ce qu'à Dieu ne plaise, vous êtes-vous imaginé que la question avait une signification beaucoup plus large : Polyeucte est une grande œuvre émouvante, riche de psychologie humaine, etc ...

? Trois cas donc à considérer.

Premier cas : vous êtes exacte­ ment dans la ligne.

Deuxième cas : votre conception du devoir est trop étroite et incomplète.

Troisième cas : vous avez « mis complètement à côté ».

Pourtant dans la donnée, le mot «métier», qui suppose une technique éprouvée, un art d'évoluer avec aisance au sein de cette technique, aurait dû vous mettre sur la voie.

Il ne suffit pas de peser les termes du sujet.

Il faut encore les confronter.

Ils s'éclairent d'ordinaire le.s uns par les autres.

Vous prêterez-vous encore volontiers à un troisième test? Il porte sur Je sujet suivant :. »

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