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Ulysse est-il un héros sans défauts ?

Publié le 17/09/2018

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Or Ulysse assume son humanité avec la part de faiblesses et d’imperfections qu’elle implique. Lorsque pour le retenir, Calypso lui offre l’immortalité, le héros décline la proposition « Pardonne-moi, royale nymphe ! [...] je sais que la très sage Pénélope / n’offre aux regards ni ta beauté ni ta stature ; / elle est mortelle, tuignores l’âge et la mort. / Et néanmoins j’espère, je désire à tout moment / Me retrouver chez moi et vivre l’heure du retour. / Si quelque dieu veut m’engloutir dans l’abîme vineux, / j’affronterai cela encore ; mon âme est formée au malheur : / j’ai déjà tant souffert, j’ai déjà si longtemps peiné / à la guerre et sur l’eau, que je suis prêt à ce surcroît. » Il n’aspire pas à devenir immortel, il choisit la précarité d’une existence humaine vouée aux manques, aux épreuves, au vieillissement et à la mort. Ulysse connaît sa place. Sa piété constante envers les dieux en est la preuve. Ulysse reste pour l’éternité le fils de Laërte, le roi d’Ithaque, le père de Télémaque. Il s’inscrit dans une lignée et endosse des responsabilités comme tout homme digne de ce nom.

Ulysse est donc un personnage aux multiples facettes. Certains aspects de sa personnalité ou de son comportement comme son âpreté au gain, son goût pour la dissimulation, la ruse ou le mensonge semblent peu compatibles avec les critères moraux actuels. D’ailleurs, ni Platon ni les Romains n’avaient bonne opinion de lui. Ambigu, parfois immoral, Ulysse n’en est pas moins un héros endurant et persévérant dont les contradictions et les fragilités témoignent de sa profonde humanité. Noble jusque dans ses imperfections, Ulysse a inspiré des réécritures riches et variées au fil des siècles, preuves de l’intérêt qu’il suscite.

« La plupart des défauts d’Ulysse ne sont que l’envers de ses qualités. La curiosité d’Ulysse, même si elle lui attire certains ennuis, apparaît comme le moteur de l’Odyssée.

Sans sa soif d’aventure et sa soif de connaissance, Ulysse ne serait pas ce qu’il est.

C’est mû par le souci d’obtenir les renseignements nécessaires à son voyage de retour qu’il accepte malgré la terreur que cela lui inspire de se rendre au royaume d’Hadès afin de converser avec Tirésias.

Certes cette expérience de descente aux Enfers n’est pas unique dans la littérature antique mais c’est l’Odyssée qui sert de modèle aux autres récits.

Ulysse vit ainsi une expérience inaccessible au commun des mortels.

De même, l’orgueil et l’obstination du personnage apparaissent comme une condition nécessaire à sa renommée.

En révélant son nom à Polyphème, Ulysse veut signifier qu’il n’est pas « Personne ».

Il revendique ainsi sa dimension héroïque, il est le héros de la guerre de Troie et celui dont l’éclat traverse les mers et s’inscrit dans la mémoire grecque. Ulysse est par ailleurs qualifié positivement dans L’Odyssée comme « l’Endurant » (chant V, v.

171 ; chant VI, v. 1 ; chant VII, v.

133 -139 ; chant VIII, v.

199).

Si l’épopée d’Homère n’offre pas à proprement parler de portrait physique du héros, il n’en demeure pas moins qu’il est présenté comme un homme capable de séduire différentes femmes et diverses divinités.

Ulysse apparaît de plus comme un athlète accompli.

Ainsi, chez les Phéaciens, mis au défi par Euryale, il réagit conformément aux valeurs héroïques.

Alors que son intention initiale était de s’abstenir de participer aux jeux, il triomphe au disque et défie tous les Phéaciens « à la boxe, à la lutte, à la course ».

De même, personne d’autre que lui ne parvient à bander son arc (chant XXI).

C’est pourquoi, sa principale qualité est l’endurance.

Alors qu’il ne s’est pas encore fait connaître des Phéaciens, le narrateur rappelle cette caractéristique du héros qui lui a permis de vaincre les éléments déchaînés avec courage et détermination.

Ainsi, il est capable de tenir le gouvernail neuf jours sans faiblir (chant X, v.

28 à 33). Par ailleurs, Homère qualifie Ulysse de « polumétis », ingénieux, riche en inventions (chant V, v.

214 ; chant VII, v. 302 ; chant XI, v.

355).

Le personnage va utiliser sa pensée, son intelligence rusée, sa métis, de façon variée en l’appliquant d’abord aux domaines les plus concrets de la vie pratique.

Ulysse sait tout faire.

Quand Calypso lui fournit les outils nécessaires à la construction d’une embarcation, Ulysse se montre très habile charpentier (chant V, v.

243 à 261).

C’est lui qui a l’idée de tailler et de rougir au feu le pieu qui servira à aveugler le cyclope (chant IX, v.

318 à 330).

Les savoirs manuels et pratiques ne sont donc pas jugés indignes par le héros.

Son intelligence s’applique à tous les aspects de la vie.

Ulysse apparaît également comme un marin très habile au cours de son périple en Méditerranée.

Il tient la barre, sait manœuvrer pour entrer dans un port, parvient à échapper aux dangers incarnées par Charybde et Scylla.

De plus, la « prudence avisée » est la caractéristique d’Ulysse. L’ampleur et la diversité de son intelligence sont soulignées par les adjectifs « polutropos », aux mille tours, « poluphrôn », intelligent, « poikilomètès », à l’esprit souple et « polumèchanos », riche en ressources.

Les exemples de la prudence d’Ulysse son en effet nombreux dans L’Odyssée.

Ainsi, après une razzia chez les Cicones, il craint l’arrivée de renforts et ordonne à ses hommes de fuir (chant IX, v.

43-44), chez les Lotophages il s’abstient de goûter la fleur de l’oubli (chant IX, v.

84 à104), chez les Cyclopes il prend la précaution d’emporter avec lui le vin de Maron (chant IX, v.

213 à 215) et se garde bien de tuer Polyphème car il se rend compte qu’il serait incapable de faire basculer le rocher qui obstrue l’entrée de la grotte (chant IX, v.

301 à 305) Certes, c’est cette même prudence qui conduit Ulysse à une grande méfiance et parfois au mensonge, mais elle prouve surtout son ingéniosité. Il se conduit en chef (chant XII, v.

208 à 230) mais ne donne pas toutes les indications à ses marins afin de ne pas les décourager.

Il assume donc la lourde responsabilité du commandement avec un certain paternalisme et il sait se montrer indulgent envers les faiblesses de ses hommes.

Lorsqu’Athéna s’adresse à l’assemblée des dieux, elle le présente comme un bon roi qui sait gouverner son peuple « avec la tendresse d’un père » (chant V, v.

12). Pourtant le voyage d’Ulysse est fatal à tous ses compagnons. Les qualités et les défauts d’Ulysse prouvent surtout qu’il appartient à l’humanité.

Il devient dès lors une illustration symbolique de la condition humaine. Ulysse est un personnage aux multiples facettes.

L’entrelacs de défauts et de qualités qui lui sont attribués fait de lui un héros complexe et contribue à la richesse psychologique du personnage. Ulysse apparaît pour la première fois chez la nymphe Calypso, dont il est le captif, au moment où Hermès, messager des dieux, vient donner l’ordre de le libérer.

Pour le lecteur, Ulysse semble alors loin du guerrier fier et sûr de lui, vainqueur d’Ilion.

Au contraire, c’est un homme triste et misérable qui est dépeint « il pleurait sur le promontoire où il passait ses jours, / le cœur brisé de larmes, de soupirs et de tristesse.

» Or il ne s’agit guère d’une tristesse passagère et accidentelle.

Ulysse est en proie à un accablement profond.

Il éprouve une grande nostalgie au sens étymologique « la douleur causée par le désir du retour ».

Les rôles semblent alors inversés.. »

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