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Citations littéraires sur Electre de Giraudoux

Publié le 04/08/2014

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giraudoux

 

Modèles anciens et réécriture

Lise Gauvin a tenté de situer le travail de réécriture de Giraudoux par rapport à ses prédécesseurs,

en particulier Eschyle, Sophocle et Euripide. Elle lit la tragédie d'É/ectre comme la présentation

d' «essences en conflit«.

Électre et Égisthe deviennent des héros, en ce qu'ils coïncident avec leur propre Idée, avec leur essence.[ ... ) Cette

tragédie est la plus grecque des oeuvres de Giraudoux, tout en restant d'inspiration très personnelle. C'est en

effet dans cette tragédie que les grands faits de la légende ont été le plus respectés, même si leur sens en est

quelque peu changé, certains événements n'ayant pas encore eu lieu. Les personnages secondaires inventés par

Giraudoux ne sont que des doublures, sur un autre plan, des personnages principaux. Les autres éléments secondaires,

malgré leur apparence fantaisiste, ont gardé le sens qu'ils avaient dans la tragédie grecque. Parmi les personnages

principaux, Oreste et Clytemnestre ont conservé les traits généraux que nous leur connaissions. Seuls

Égisthe et Électre s'éloignent considérablement de leurs homologues grecs. Mais dans la personne d'Égisthe, nous

retrouvons un autre nom de héros grec, celui de Créon. Le visage de la jeune fille Électre du premier acte n'est

pas très étranger à celui de !'Électre de Sophocle. [ ... ) t:homme participe de plus en plus à son propre destin jusqu'à

devenir, en l'absence des dieux, l'incarnation même de cette implacable fatalité.

Lise Gauvin, Giraudoux et le thème d'Éleare, Archives des lettres modernes, Paris, 1969.

Une critique de l'illusion théâtrale

Analysant le Théâtre de Giraudoux, Jacques Robichez montre comment la réécriture des grands mythes

et le recours aux anachronismes aboutit parfois à remettre en cause l'illusion théâtrale.

C'est le biais par lequel il se rend maître d'un mythe. Les anachronismes les plus gros et les plus facétieux donnent,

pour un instant, aux vieilles légendes sanglantes le climat de plaisanterie de ses entretiens familiers. Les autres universalisent

les drames de jadis et Giraudoux, moraliste, les soumet à la même réflexion que ceux dont il est le

contemporain et le témoin. Les uns et les autres rappellent au spectateur que les personnages ne parlent pas pour

leur compte, mais qu'un auteur est tout près, en coulisse, qui leur souffle leur réplique et leur donne de l'esprit. Cette

présence constante de !'écrivain

giraudoux

« LE MYTHE ANTIQUE DANS ÉLECTRE DE GIRAUDOUX Le personnage du jardinier Michel Lioure s'intéresse à un personnage apparemment secondaire, mais qui a toute son impor­ tance malgré sa position marginale dans l'intrigue : le jardinier.

Libéré de son rôle, il devient un personnage en quête d'action à mi-distance entre la fiction et la réalité, la scène et la salle.

Cette situation d'extériorité lui procure un privilège exceptionnel : la disponibilité, le recul et la lucidité nécessaires au regard critique.

Détaché d'un drame auquel il n'appartient plus, il est l'acteur et l'observateur le mieux placé pour porter sur les personnages et les événements un jugement à la fois motivé et désintéressé [ ...

] Mieux que les protagonistes engagés dans l'action et aveuglés par les passions, mieux que le dramaturge empêché par sa fonction d'intervenir directement dans le dialogue, il est, comme le chceur antique, un porte-parole attitré, chargé d'exprimer à la fois le point de vue de l'auteur et le sentiment de l'assistance.

Il sera la voix de la douleur, de l'amour, de la pitié, de la tendresse ou du chagrin.

[ ...

] Symbole émouvant de la tristesse et de la tendresse humaines, il devient alors le porte-parole et le représentant de tous les humiliés et les offensés, des affligés, des déçus, des malchanceux [ ...

] Ce sont là les fondements et les fonctions de la catharsis tragique : la conscience et la représentation du mal engendrent et stimulent, a contrario, des sentiments épurés et opposés.

Portraits de femmes Michel Lioure, «Le jardinier de Giraudoux», jean Giraudoux : quarante-sept hommages offerts à Jacques Body, Presses Universitaires de Tours, 1990.

Dans son étude psychocritique du théâtre de Giraudoux, Charles Mauron souligne la ressemblance entre la mére et la fille dans Électre, sensible à travers leurs affrontements mêmes.

La haine qui rend Électre clairvoyante, l'aveugle pourtant sur un point: elle ne perçoit pas que si Clytemnestre aime quelqu'un, c'est sa fille, parce qu'elles sont femmes toutes deux, mais femmes viriles, l'une crispée sur le pouvoir qu'elle a ravi à l'époux mort, l'autre sur sa pureté virginale et cette haine qu'elle emprunte au souvenir du même mort.

Électre justicière devient aussi froide à l'égard de sa mère que Clytemnestre à l'égard de ses enfants.[ ...

] À maints égards, sous sa froideur, Clytemnestre apparaît aussi blessée, aussi pathétique qu'Électre.

Comme Athalie, cette «Phèdre ridée», elle esquisse des gestes de tendresse qu'on rabroue.

Sur son mensonge même, il y aurait fort à dire.

Si elle a tué Agamemnon, c'est que la feinte lui était devenue intolérable.

Le moyen qu'elle choisit pour se délivrer appartient, en vérité, au mythe tragique.[ ...

] le meurtre d'Agamemnon pourrait bien n'être que la forme, imposée par la tragédie, d'une simple rupture du couple légitime.

Or cette rupture, dans de telles conditions, est bien tenue par Giraudoux pour un triomphe de la vérité sur le mensonge social.

Clytemnestre, incapable de sup­ porter plus longtemps son propre mensonge et le visage fermé de sa fille, est-elle si éloignée d'Électre que la froi­ deur et l'hypocrisie de sa mère exaspèrent? Comme le crime et le talion, la coupable et la justicière se ressem­ blent -c'est bien ce qui, déjà, inquiétait Eschyle.

Charles Mauron, Le Théâtre de Giraudoux.

Étude psychocritique, José Corti, Paris, 1971.

Une figure de la «bonne mère» : la femme Narsès Dans son étude du Mythe d'É/ectre, Pierre Brunel s'interroge sur l'importance des épisodes et des personnages inventés par Giraudoux, en particulier sur Agathe et la femme Narsès.

Celles-ci créent un effet de mise en abyme des tragédies conjugales et maternelles de Clytemnestre, qui est à la fois une épouse déçue et une mère trahie.

Essentielle dans le déroulement policier de la tragédie, la «tragédie bourgeoise» des Théocathoclès en est égale­ ment le reflet «en abyme».[ ...

] Agathe n'est nullement une Clytemnestre édulcorée, mais une Clytemnestre plus franche dans sa révolte, plus femme, donc plus acceptable.

Autre reflet de Clytemnestre dans ce miroir à plusieurs faces qu'est Éieare de Jean Giraudoux : la femme Narsès.

Au début de sa carrière, Agathe avait la dissimulation de la reine.

La femme Narsès en avait la na:1veté.

C'est pour­ quoi elle a élevé à ses côtés «une petite louve chérie» sans se rendre compte qu' «un jour, à midi, les petites louves, tout à coup, deviennent de grandes louves et égorgent celle qui les a nourries».

[ ...

] Elle devient pour Électre cette mère que la jeune fille se cherchait (le jardinier, dans son «lamento» l'avait bien compris) et qu'elle n'a pu trouver qu'en égorgeant celle qui l'avait enfantée.

[ ...

] Loin de détourner de l'action l'attention du spectateur, les épisodes nouveaux imaginés par Giraudoux l'approfondissent soit qu'ils lui confèrent son unité, soit qu'ils la corrigent de ses reflets possibles, soit qu'ils révèlent sous la gangue des apparences la réalité secrète.

Il s'agit moins d'additions que d'un principe de réduplication qui fait entendre, au-delà de la note tragique, toute l'étendue de ses harmoniques.

Pierre Brunel, Le Mythe d'Éieare, collection U2,Armand Colin, Paris, 1971.

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