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L'art est-il un luxe?

Publié le 04/01/2005

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En lui s'unissent le savoir-faire, l'inventivité et la singularité. Il n'est contraint par rien, puisqu'il ne vise rien, et surtout pas l'utilité. En effet, alors que l'artisan doit produire un objet qui remplisse sa fonction (qui serve à quelque chose), l'artiste est dégagé de tels impératifs. L'oeuvre d'art n'est-elle alors que la production narcissique d'un parasite de la société? L'oeuvre d'art n'a-t-elle de valeur que pour l'artiste? Dépourvue de toute utilité matérielle, l'oeuvre d'art n'a-t-elle rien à nous offrir? II- L'oeuvre d'art comme besoin de l'esprit *On se souvient par exemple du conflit qui au XIXème siècle, opposa l'artiste, " maudit ", à la bourgeoisie : l'artiste est alors considéré comme un paria parce qu'il refuse les valeurs de la classe dominante de la société industrielle moderne, qui symbolise l'utilitarisme et le prosaïsme. La bourgeoisie est en effet absolument étrangère à l'art par son souci d'efficacité technique, de rationalité scientifique, et par son attachement exclusif au profit. De nos jours la situation est à peu de choses près identique, parce que l'art apparaît peu sérieux à côté des préoccupations quotidiennes des gens, et en même temps réservé à une élite. *Pourtant l'oeuvre d'art s'adresse à tous parce que l'homme n'est pas qu'un être de besoins vitaux, mais pas non plus un être uniquement voué au travail et à l'efficacité.

Le luxe est synonyme de magnificence et d’abondance. Le luxe est aussi le superflu et l'inutile. En tout cas, l'objet de luxe est celui qui n'est pas à la portée de tous. D'un pur point de vue marchand, l'oeuvre d'art semble être un objet de luxe puisque tout le monde ne peut pas s'offrir le luxe de se payer une œuvre. Mais le terme de luxe, nous venons de le voir, ne signifie pas que cela. C’est d’ailleurs le sens que semble prendre la question qui vous est posée en demandant si l’art n’est que cela. La formulation s’attache alors à réduire l’art à quelque chose de superflu et d’inutile ou tout au moins de non nécessaire pour paraphraser Epicure. En effet, on peut noter que l’art ne semble pas relever, au premier abord d’une nécessité vitale et qu’il apparaît là où les premières nécessité sont satisfaites.

« 2) Parce que l'art n'est qu'imitation . L'imitation de quoi ? Des apparences sensibles, de la réalité telle qu'elle se manifeste à nous par l'intermédiairede nos sens.

C'est dans la juste mesure où le poète ne s'élève pas au dessus des apparences sensibles qu'ilreprésente les Dieux à l'image des hommes.

L'art conforte les hommes dans leur erreur première : ce qui est,est ce qui apparaît.

L'art n'est qu'illustration de l'opinion, représentation de la représentation subjective. 3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre .

Dans La « République » (X 597b-598c - cf.

texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production éloignée de la nature de trois degrés ».

En effet, il y a trois degrés de réalité. · La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.

Pour Platon les Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ouformées au contact de l'expérience (empirisme).

Elles existent indépendamment de notre pensée.

L'Etre estl'intelligible ou monde des Idées.

Cette thèse rend compte et de la connaissance, la réalité est intelligible,objet d'une connaissance, et de l'ordre du monde.

C'est parce que le monde est en lui-même intelligible quenous pouvons le connaître. · La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.

Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurgequi a façonné la matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).

De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contententde les imiter. · La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintrepuisqu'il imite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notrereflet dans le miroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir. Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence,apparence trompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et enaccentue la puissance trompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisantdes apparences qui plaisent, excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions,les accroît en retour.

L'homme raisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de lamorale.

On trouve ici la première condamnation morale de l'art et par suite la première justification théoriquede la censure artistique dont relève encore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.

Apparence, il joue le jeu des apparences.

Toutd'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de la comparaison, du faire-valoir, del'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On va au théâtre pour exhiber satoilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir les potins...

Ensuiteparce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner sur nous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nousavons pu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes. Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe enelle-même, elle est une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pasun cheval conforme à l'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour êtrepleinement un Cheval.

Un cheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à saconformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beauce qui est parfait.

Comme la perfection n'est pas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais lacopie exacte et sans défaut du modèle mais toujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle,est celle des Idées.

Est beau ce qui existe pleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

Labeauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

La laideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent,lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beau cheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâleesquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Le poète inspiré est sorti de la caverne, acontemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.

Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux. L'art est une activité non productive, destinée à satisfaire le goût des riches et des oisifs.

Il est l'expressionmême du luxe, c'est-à-dire de ce qui est totalement superflu et qui cependant coûte en temps, en argent eten richesses sacrifiées.

Si les sociétés n'avaient été composées que d'artistes, les hommes seraient morts defaim depuis longtemps.

En ce sens, la technique et son utilité est bien supérieure à l'art. L'art exprime la dénaturation de l'homme. »

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