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Bergson: Quand je me promene pour la premiere fois

Publié le 12/11/2009

Extrait du document

bergson
Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m'entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse. Tous les jours j'aperçois les mêmes maisons, et comme je sais que ce sont les mêmes objets, je les désigne constamment par le même nom, et je m'imagine aussi qu'elles m'apparaissent toujours de la même manière. Pourtant, si je me reporte, au bout d'un assez long temps, à l'impression que j'éprouvai pendant les premières années, je m'étonne du changement singulier, inexplicable et surtout inexprimable, qui s'est accompli en elle. Il semble que ces objets, continuellement perçus par moi et se peignant sans cesse dans mon esprit, aient fini par m'emprunter quelque chose de mon existence consciente ; comme moi ils ont vécu, et comme moi vieilli. Ce n'est pas là illusion pure ; car si l'impression d'aujourd'hui était absolument identique à celle d'hier, quelle différence y aurait-il entre percevoir et reconnaître, entre apprendre et se souvenir ? Pourtant cette différence échappe à la plupart ; on ne s'en apercevra guère qu'à la condition d'en être averti, et de s'interroger alors scrupuleusement soi-même. La raison en est que notre vie extérieure et pour ainsi dire sociale a plus d'importance pratique pour nous que notre existence intérieure et individuelle. Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout avec le mot qui exprime cet objet. Bergson

Cet extrait de l’Essai sur les données immédiates de la conscience de Bergson, qui est sa thèse de doctorat, nous invite à réfléchir sur les causes de notre impression de fixité du temps alors que la notion même de durée nous invite à exclure toute logique de solidification des vécus de la conscience. C’est en ce sens que Bergson discute de la valeur sociale du langage créant l’identité notamment dans son rapport à l’aperception de la conscience, mais aussi dans notre compréhension et dans l’expression de nos états de conscience, c’est-à-dire de nos sentiments. Ainsi la première partie de ce texte s’attache à mettre en exergue cette impression de fixité (du début du texte à « inexplicable et surtout inexprimable, qui s'est accompli en elle), la seconde étudie l’illusion impressionnelle produite (de « Il semble que ces objets, continuellement perçus par moi et se peignant sans cesse dans mon esprit « à « qu'à la condition d'en être averti, et de s'interroger alors scrupuleusement soi-même) ; la dernière partie montrant le rôle du langage et de la socialisation comme cause de ce déni de durée (de « La raison en est que notre vie extérieure et pour ainsi dire sociale « à la fin de l’extrait). C’est suivant ces trois moments logiques que nous entendons rendre compte du texte.

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