Devoir de Philosophie

Comment être libre tout en obéissant a une loi ?

Publié le 11/02/2004

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■ Chez Kant, la loi morale est ce qui, présent chez tout être raisonnable, l'appelle à faire son devoir. S'il suffisait d'obéir aux lois pour être libre, alors les sujets d'une tyrannie connaîtraient la liberté. Pour Rousseau, la seule solution à ce problème à la fois politique et moral, c'est que je sois aussi l'auteur de la loi à laquelle je me soumets. Sur le plan politique, le « contrat social » garantit la liberté des citoyens non en les délivrant de toute loi, mais en faisant d'eux les auteurs de la loi : par le vote, les hommes se donnent à eux-mêmes leurs propres lois, en ayant en vue non leurs intérêts particuliers mais le bien commun. De même, sur le plan moral, Kant, en se référant à Rousseau, montre que la loi de la moralité à laquelle je dois me soumettre (et qui s'exprime sous la forme d'un impératif catégorique) ne m'est pas imposée de l'extérieur, mais vient de ma propre conscience : je suis libre lorsque j'obéis au commandement moral, parce c'est moi-même qui me le prescris. « Se soumettre» désigne l'acte d'un être qui se met sous la dépendance, l'autorité, d'un autre, voire de règles que cet autre lui a imposées. La servitude est un état de soumission (La volonté, sujet 3, § 1) ; or, dans cet assujettissement, l'Esclave devient Maître du maître (parce que celui-ci dépend de lui). Ainsi, en se soumettant à des obligations, on peut renverser les positions apparentes. Cela arrive, par exemple, dans l'obéissance aux lois de l'État : comme l'Esclave, on se glisse peu à peu dans le Pouvoir, du fait que l'on s'est rendu indispensable et que l'on a rusé pour s'élever dans la hiérarchie sociale. L'histoire est remplie de ces dialectiques : l'esclave, devenu « affranchi », puis favori de l'empereur, va diriger l'État ; le prolétaire, monté dans les appareils des syndicats ou des partis, fera la loi (il déclenche des grèves, paralyse le pays jusqu'à ce que la législation satisfasse ses revendications).

« expression vécue (voir La volonté, sujet 3).

La première section des Fondements de la métaphysique des moeurs setermine en constatant : «L'homme sent enlui-même, à l'encontre de tous les commandements du devoir que la raison lui représente si hautement respectables,une puissante force de résistance : elle est dans ses besoins et ses inclinations, dont la satisfaction complète serésume à ses yeux sous le nom de bonheur» ; or la raison énonce la loi morale sans égard pour «ces prétentions siturbulentes, et par là même si légitimes en apparence...

» ; c'est de là que résulte une sorte de « dialectiquenaturelle », un penchant à sophistiquer contre ces règles strictes du devoir; dans les «principes de la raison purepratique », Kant emploiera le terme kopfvewirren Spekulationen (spéculations embrouillées d'un esprit tordu).La loi de la raison, «donnée comme un fait dont nous sommes conscients» (ibid.), loi universelle, prend chez leshommes la forme d'un impératif (un ordre), parce qu'ils peuvent avoir une « volonté pure» (étant raisonnables), maisnon une volonté sainte, comme celle de l'Être infini : une volonté sainte n'a rien en elle qui s'oppose à la loi morale;mais pour les hommes «la loi morale est un impératif». 3.

Le Devoir, obligation morale absolue, va-t-il se diversifier en devoirs particuliers, en plusieurs obligations ? Il nevise pas un objet, car celui-ci serait alors le but, et le devoir un moyen ; par exemple : si tu veux réussir à tonexamen, tu dois travailler, etc.

; si tu veux être heureux, tu dois veiller à ta santé, être complaisant, éviter dementir, etc.: toutes ces règles sont effectivement multiples ; ce sont des prescriptions, des conseils, etc.

; ellessont conditionnées par le but à atteindre : si tu veux ceci, tu dois faire cela ; l'impératif, le « tu dois », étantsubordonné à l'hypothèse, est lui-même hypothétique.Au contraire, la loi morale s'exprime par un ordre sans condition : c'est bien un «impératif catégorique ».

Sa formuleest simple, puisqu'elle n'inclut aucun objet, aucune condition ; elle est la loi de tout être raisonnable, et elle posedonc que la loi n'a aucune exception, qu'elle est universelle.

D'où sa formule :Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe d'unelégislation universelle (ibid.; la maxime est le principe subjectif de l'action, la règle que l'on se donne).Les Fondements de la métaphysique des moeurs (Deuxième section) énumèrent des exemples d'application de cetteloi unique et universelle : si les «obligations de la loi morale » sont plurielles, c'est parce que la loi de la raison doitgouverner toutes nos activités, et non pas se mettre à leur service. 2.

Obligation et liberté 1.

Kant raisonne ainsi : si nous n'étions pas libres, nous ne serions pas soumis à l'obligation (l'animal est contraintpar ses instincts, son dresseur : il n'a pas de devoirs, au sens moral du terme).

Dans l'obligation morale, je m'obligemoi-même : mon être est à la fois le «je» qui pose l'obligation et le «moi» (m') qui y est soumis.

C'est pourquoi la loimorale est ce qui fait connaître la liberté, qui est à son tour la raison d'être de la loi.

Cette obligation intérieure estun fait : c'est le fait de la raison.

Elle se manifeste en nous par un sentiment particulier : le respect pour la loimorale ; Kant le tient pour le seul sentiment pratique (= moral), tous les autres étant «pathologiques» (pour lui :force des désirs qui tendent à nous entraîner par eux-mêmes, sans égard pour la loi morale ; ils nous rendentpassifs).

Nous ne faisons pasvolontiers notre devoir : «Le commandement que l'on doit faire quelque chose volontiers est en soi contradictoire»(« Des principes de la raison pure pratique »). 2.

La loi morale «terrasse la présomption », c'est pourquoi elle nous humilie (« des mobiles de la raison purepratique ») ; le sentiment de respect « s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses» (ibid.).

Laloi morale ne provoque aucun plaisir ; cependant, elle élève, produit l'approbation de soi-même, parce qu'on aconscience d'avoir agi librement (ibid.).

Cependant Kant admet «l'amour de Dieu », «l'amour pratique des êtreshumains» (pratique = moral) ; mais leur réalisation se trouve au terme d'une direction que prend notre volonté, quine peut que tendre à cet amour pratique : nous devons nous en «rapprocher par un progrès ininterrompu, maisinfini» (ibid.) ; ce sera pour lui une sorte de preuve de l'immortalité de l'âme : cette proposition classique devient un«postulat de la raison pratique» (elle est requise en vue de l'exécution parfaite de la loi morale par une volontédevenant sainte, à la limite d'un progrès allant à l'infini). 3.

Le sentiment du devoir accompli, ou même la simple connaissance qu'il est possible de se délivrer de sespenchants par l'obéissance à la loi morale, provoque une grande satisfaction (Méthodologie de la raison purepratique; un tel sentiment n'est plus «pathologique ») : «Le coeur est soulagé»; il découvre «une puissanceintérieure qu'il ne connaissait pas bien jusque-là, la liberté intérieure...» (ibid.).

Ainsi, je puis avoir «la conscienced'une indépendance à l'égard des penchants et des circonstances, avoir conscience de la possibilité de me suffire àmoi-même...

».

Alors la loi morale trouvera «un accès plus facile, grâce à ce respect pour nous-mêmes dans laconscience de notre liberté» (ibid.).Nous constatons que, dans le même ouvrage, lorsqu'il passe à la pédagogie de la morale, Kant rectifie l'austéritérude de ses premières analyses ; il ne faudrait pas décourager les élèves...

La liberté n'est plus seulement poséecomme un principe permettant de comprendre l'existence du devoir : elle devient consciente ; la pratique moraleirait-elle jusqu'à rendre heureux? Le rigorisme de Kant ne le laisse pas aller jusque-là.

Mais, à côté du «ciel étoilé »,la loi morale remplit son coeur «d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, àmesure que la réflexion s'y attache et s'y applique...» ; elle commence à ma personnalité «et me représente dans unmonde qui a une véritable infinité»; elle «élève infiniment ma valeur...» (Conclusion de toute la Critique de la raisonpratique). 3.

La loi morale ou le Bien?. »

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