« DEMAIN, dès l'aube » de Victor HUGO

« rien(v.6), voir (v.6),dehors(v.6), entendre(v.6),bruit (v.6), courbé(v.7), croisé(v.7), triste(v.8), jour(v.8),pour(v.8), sera(v.8) »Le vers 4 : « Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps » nous montre que ces deux êtres sont si liés qu'ils nepeuvent se séparer très longtemps.Hugo avance, sans s'arrêter, sans même prêter attention à ce qui l'entoure, il est complètement indifférent à labeauté de la nature.

Et cette indifférence à tout ce qui n'est pas la pensée de sa fille met en relief la profondeur deleur affection.Il utilise vers 9 une jolie métaphore afin de nier cette beauté extérieure (« l'or du soir qui tombe »), et le vers 10 (oùil utilise la synecdoque « voile» au lieu du mot « bateau ») veut nous montrer que même un si beau spectacle ne lefera pas se détourner de sa quête ;il ne regardera pas « les voiles au loin descendant vers Harfleur ».

On a affaire àun père troublé : dans sa douleur il ne sait plus si c'est le jour ou la nuit.

Et à cause de cette perte, il n'a plus dejour dans sa vie et vit dans une constante obscurité.« [..] le jour sera pour moi comme la nuit.

» (v.8)Cet homme se coupe complètement de la nature et ne la décrit que comme une étape de son itinéraire, comme desobstacles à son recueillement.Il ne veut « rien voir » (v.6) ni « entendre aucun bruit » (v.6) et nie complètement ce qui l'entoure.Il nie le champ lexical des sens, présent dans le poème: (voir (v.6), entendre (v.6), regarderai (v.9),...

etc.) et lechamp lexical de la négation traduit sa volonté de se couper de la nature et de toute perception auditive ou visuelle(sans rien voir (v.6), sans entendre (v.6), ni l'or du soir (v.9), ni les voiles (v.10)…etc.).De même, le fait qu'Hugo ne distingue plus ni le jour ni la nuit montre qu'Hugo n'est pas sensible à ce qui l'entoure.On a affaire au champ lexical du repli sur soi, de la tristesse et de la solitude (« triste » (vers…) et « seul »(vers…)) montre le comportement soucieux d'Hugo.La métaphore « le dos courbé, les mains croisées » (v.7) et les « yeux fixés sur mes pensées » (v.5) nous inspirel'image non pas d'un touriste mais d'un homme qui souffre, replié sur lui-même sans regarder autour de lui.

Il regardeen dedans : c'est une sorte d'introspection, ce voyage lui sert de recueillement.

Il se concentre seulement sur lamémoire de sa fille, se coupant ainsi de tout le reste.La médiation intérieure de Hugo continue sans aucune rupture jusqu\'à la fin du poème.Cette indifférence s'exprime également au travers des imprécisions des éléments du décor (les paysages sontseulement indiqués par des notions géographiques sans description.).

Cela montre qu'il n'est pas concentré sur cequi l'entoure. Malgré la tristesse qui ressort de ce poème car il se termine avec la mort (« ta tombe » vers 11) le texte possèdeune note d'espoir.

Hugo, au travers de sa poésie et de ses mots, offre l'immortalité à sa très chère fille. Depuis le tout début du poème, des indices de cet optimisme sont présents.

Hugo ne veut pas se résigner à cetteperte douloureuse.

Il maintient donc sa fille en vie par tous les moyens possibles et lui fait un don précieux.Hugo, tout au long du poème, s'adresse à sa fille : « Vois-tu » (vers 2), « loin de toi » (vers 4)Le dialogue des « je » et des « tu » fait apparaître une interlocutrice vivante et réelle.En s'adressant à elle par-delà la mort, Hugo montre son incapacité à accepter cette perte douloureuse et le rythmetrès régulier du vers 4 (3/3/3/3) sans aucune coupure donne à celui-ci la musicalité d\'une incantationobsessionnelle.

« Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

»Même si elle est morte physiquement, il la maintient en vie en continuant de lui parler.Il nie cette mort cruelle et veut par tous les moyens faire revivre Léopoldine, sa fille.Ainsi, dans le dernier vers, son père lui fait une offrande symbolique : « Un bouquet de houx vert et de bruyère enfleur.

»Ces fleurs qu'il apporte, il les a cueillies dans la nature au cours de son voyage.

Ces plantes fraichement cueilliessont donc toujours vivantes et de plus le houx vert et la bruyère sont des plantes vivaces qui symbolisent l'éternité.Par cette dernière offrande, Hugo offre un cadeau très spécial, il offre l'immortalité à sa fille, il lui offre la vie qu'ellea perdu.Mais Hugo fait un cadeau encore plus précieux à sa fille : il lui offre non seulement un bouquet de fleurs mais aussiun bouquet de vers.

En parlant de sa fille dans son poème, il la rend immortelle.

Léopoldine résistera au temps quipasse pour toujours.C'est le plus beau cadeau qu'il pouvait lui faire: les fleurs fanent, les biens perdent de leur valeur, mais un poèmepeut traverser les siècles et rester tout aussi beau.Ainsi à travers le récit harmonieux et douloureux de ce pèlerinage, Léopoldine ne pourra pas être oubliée.Mais ce dernier vers est également significatif car il produit une chute inattendue.

Ainsi, si l'on supprime ce vers etque l'on ignore l'histoire de Victor Hugo, le poème apparaitrait comme un poème d'amour dédié à une femme aimée etvivante que le poète va rejoindre.Après avoir étudié ce poème témoin d'une relation puissante, on réalise l'importance de Léopoldine pour Hugo.

Et cevoyage bien qu'éprouvant et pénible pour Victor Hugo est un hommage précieux à sa fille car c'est au travers de cevoyage annuel qu'il lui rend un bout de vie très précieux.

Et à travers le poème très touchant, il lui montre sonaffection, son amour pour elle et la tristesse suprême qu'il éprouve depuis sa mort.Ainsi grâce au pouvoir des mots Léopoldine échappe à la mort (comme le houx et la bruyère, les deux symboles quiornent à tout jamais sa tombe) et Hugo lui fait un cadeau que beaucoup, à travers les âges, ont cherché à capturer: une vie éternelle.Le poème n'est donc pas un rendez-vous avec la mort, mais avec la vie.Au travers de ces quelques vers, Hugo a surement voulu nous montrer la cruauté de la mort, mais aussi noustransmettre qu'il existe une vie au- delà de la mort si on ne sombre pas dans l'oubli.. »