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Peut-on douter de tout ?

Publié le 11/01/2004

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av. J.-C. « La formule "je suspends mon jugement" signifie pour nous que le sujet est incapable de dire à quelle chose il convient d'accorder ou au contraire de refuser sa créance. » Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, Ile-Ille s. « Je pensai qu'il fallait E...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable. » Descartes, Discours de la méthode, 1637. « Je nie que nous ayons le libre pouvoir de suspendre notre jugement. Car, lorsque nous disons qu'on suspend son jugement, nous ne disons rien d'autre sinon qu'on voit qu'on ne perçoit pas une chose de façon adéquate.
Lorsque que l’on se pose la question de savoir si l’on peut douter de tout, on pense immédiatement aux théories scientifiques. Quelle attitude adopter face aux sciences ? A-t-on le droit de douter même un court instant des vérités mathématiques? Si l’on remet en cause que 1+1=2, c’est détruire les bases même de notre existence. Cela détruirait nos principes fondamentaux sur lesquels l’Homme se base. On ne peut pas douter des sciences rationnelles. Descartes affirme que le réel et le vrai résistent au doute. Lorsque l’on adopte un raisonnement complet, logique pour démontrer que telle chose est vraie alors il nous est impossible de douter que cette chose est fausse. La démonstration est donc plus forte que le doute. On est obligé d ’admettre la vérité qui est logique. Comme la vérité exige la non-contradiction, le simple fait de douter, c’est la remettre en cause. Par conséquent il est impossible de douter de la raison formelle.

« Mais la pensée sceptique est-elle indiscutable? Certainement pas, elle a une faille, une faiblesse majeure et se détruit elle-même.

Cette pensée se pose en effet comme une connaissance vraie, pose comme vérité que la vérité est inaccessible.

Jepeux donc douter de tout sauf du fait même qu'il faut douter de tout, donc je ne peux pas douter de tout!En considération de cet aspect, la pensée sceptique ne saurait donc être recevable et il convient d'en trouver les limites.Qu'est-ce qu'une idée vraie pour moi, est-ce l'idée la plus évidente? L'idée claire et distincte s'impose comme vraie par sonévidence, pensaient Descartes et Spinoza.

En fait, le sentiment d'évidence, s'il s'impose pour un théorème, est trompeurpour moi-même : le sentiment que je suis dans le vrai peut être plus fort que tout, alors que je suis dans l'erreur.

Je risqueégalement de prendre l'idée évidente pour l'idée la plus familière et, englué dans mes habitudes, je risque de condamnertoute idée féconde car elle me semble scandaleuse.Je trouve cette eau froide, mon voisin la trouve chaude.

Comment me fier à mes sens? D'ailleurs Gaston Bachelard dansson ouvrage La Formation de l'esprit scientifique ne nous dit-il pas que la connaissance sensible entrave la connaissancevraie?La vérité, est-ce alors ce qui me réussit, au sens le plus utilitariste du terme? Mais les hommes peuvent trouver leur utilitéen des sens bien divers et contradictoires.

Ici encore il n'y a que des vérités, des vérités personnelles.

Une philosophieserait donc vraie si elle me rassure, une religion vraie si elle me donne bonne conscience.

En fait, la vérité trouble lescoeurs et angoisse, elle n'est pas ce que le coeur demande mais ce que la raison démontre, et il y a certaines choses donton ne peut pas douter, semble-t-il.La raison est en effet très étroitement liée à l'idée de vérité et c'est au nom de cette raison que nous pouvons condamnerla pensée sceptique.

Certes, il y a des choses irrationnelles en soi, et la meilleure preuve en est que le fait même qu'il y aitquelque chose plutôt que rien nous échappe.

Mais les phénomènes de la nature eux, sont rationnels, c'est-à-direintelligibles par la raison, explicables logiquement.

La preuve même n'est-elle pas que la science réussit toujours à traduirele tissu des phénomènes en langage mathématique? Mais c'est Descartes qui apportera la meilleure contradiction à lapensée sceptique.

Le doute cartésien est en effet très différent du doute sceptique, il est méthodique, il est un effort pourfaire table rase des connaissances antérieures, obstacles à la connaissance vraie, il est effort pour bâtir une philosophienouvelle.Mais ce doute est provisoire, car il trouve ses limites dès que Descartes comprend qu'il peut douter de tout, sauf du faitmême qu'il doute, d'où sa célèbre maxime « je pense donc je suis ».

« L'incompréhensible, disait Einstein, c'est que le monde soit compréhensible ».

Sans aucun doute une tentative dedéfinition de la vérité est-elle très difficile et quasi impossible à établir.

En vertu de ce seul échec, on serait tenté de direen commun accord avec les sceptiques : on peut douter de tout.

Mais si l'on ne peut faire confiance ni au sentimentd'évidence, ni à nos sens, si la réussite de la science ne nous semble pas une preuve, si nous ne trouvons qu'une véritéformelle reposant sur des axiomes, une vérité personnelle ou une vérité provisoire, il n'en reste pas moins que le doutecartésien donne ses limites à la philosophie sceptique.

Nous ne pouvons pas douter que l'on puisse douter de tout, saufdu fait même que l'on doute. « Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sansprécipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous.

» Alain, Propos du 8 juin 1912. Socrate: « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon;mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plussavoir.

» Platon, Apologie de Socrate, ive s.

av.

J.-C. « La formule "je suspends mon jugement" signifie pour nous que le sujet est incapable de dire à quelle chose ilconvient d'accorder ou au contraire de refuser sa créance.

» Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, Ile-Ille s. « Je pensai qu'il fallait E...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer lemoindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance qui fût entièrementindubitable.

» Descartes, Discours de la méthode, 1637. « Je nie que nous ayons le libre pouvoir de suspendre notre jugement.

Car, lorsque nous disons qu'on suspend sonjugement, nous ne disons rien d'autre sinon qu'on voit qu'on ne perçoit pas une chose de façon adéquate.

» Spinoza,Éthique, 1677 (posth.) « Qui voudrait douter de tout n'irait pas même jusqu'audoute.

Le jeu du doute lui-même présuppose la certitude.

» Wittgenstein, De la certitude, 1969 (posth.). »

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