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Explication du dénouement de La Jeune Parque de Valéry

Publié le 06/04/2011

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   Alors, n'ai-je formé, vains adieux si je vis,  Que songes ?.. Si je viens, en vêtements ravis,  Sur ce bord, sans horreur, humer la haute écume,  Boire des yeux l'immense et riante amertume,  5. L'être contre le vent, dans le plus vif de l'air,  Recevant au visage un appel de la mer,  Si l'âme intense souffle, et renfle furibonde  L'onde abrupte sur l'onde abattue, et si l'onde  Au cap tonne, immolant un monstre de candeur,  10. Et vient des hautes mers vomir la profondeur  Sur ce roc, d'où jaillit jusque vers mes pensées  Un éblouissement d'étincelles glacées,  Et sur toute ma peau que morde l'âpre éveil,  Alors, malgré moi-même, il le faut, ô Soleil,  15. Que j'adore mon cœur où tu te viens connaître,  Doux et puissant retour du délice de naître,  Feu vers qui se soulève une vierge de sang  Sous les espèces d'or d'un sein reconnaissant ! (vers 496-513)        

Symboles et Symbolisme.    La simple lecture fait goûter la beauté de cette finale ample et sonore comme l'Océan, mais peut-être n'est-il pas inutile d'en expliquer les éléments très divers. Les intentions philosophiques s'y associent en effet aux artifices de l'art symboliste et aux trouvailles de l'inspiration.    Vers 1 : selon une habitude chère à Mallarmé, l'ordre logique est bouleversé par une apposition: vains adieux si je vis coupe n'ai-je formé... que songes, ce qui met en relief par le rejet le mot important : songes. Bien entendu, si a la valeur causale : puisque, mais puisque est pesant et scolaire.

« brûle... Vers 14 : Les derniers vers expriment la toute-puissance de la Nature et l'offrande de la jeune fille.

C'est un hymnepaïen au soleil personnifié, mais ce don et ce chant ne sont plus inconscients : le Soleil, qui symbolise la vieradieuse, et qui est à l'origine du délice de naître a besoin du cœur de la Parque pour se connaître : l'être humain atoujours recours à un miroir pour se connaître, mais ce miroir lui-même ne joue son rôle que par la pensée.

Le thèmedu sacrifice se précise au dernier vers par l'expression tirée de la langue religieuse : sous les espèces...

L'hostien'est pas, ici, un symbole, mais le corps plein de sève de la jeune fille. Conclusion.

La Jeune Parque est-elle le chef-d'œuvre de la poésie de la première moitié du XXe siècle? Est-ce un jeu de rhétorique poussé aux extrêmes limites de la subtilité? Chacunconclura à sa guise...

Toutefois, on peut reconnaître dans ce poème une œuvre représentative de toute unegénération d'écrivains : un penchant pour l'analyse, pour les retours sur soi-même, un refus de la vie, une aspirationà la pureté, qui conduit au résultat opposé et que Pascal, au temps de la Préciosité, avait déjà condamné dans lapensée célèbre : « Qui veut faire Perversité 1900.

l'ange fait la bête », font de La Jeune Parque la contemporainedes adolescents de Gide et la sœur des perverses héroïnes de Proust.

Si l'on pense qu'au même moment les soldatsde Verdun montraient les vertus les plus viriles et une simplicité digne de l'antique, on conviendra peut-être que lespoèmes ne sont pas toujours le miroir de toute une nation et qu'il faut chercher un modèle, non dans le personnagemême de la Parque, mais dans l'œuvre d'art réalisée par le poète. La Jeune Parque restera sans doute le poème préféré des admirateurs de Valéry, qui trouvent trop spontanés etnaïfs Charmes et la Cantate du Narcisse, et qui dans l'œuvre de Mallarmé préfèrent Hérodiade et Igitur à l'Après-midid'un Faune; pour les autres, qui recherchent Préciosité moins la difficulté que la beauté, cette pièce paraîtrainégale, parfois trop «précieuse » et trop philosophique. La critique que Gide faisait de Narcisse parle est encore plus justifiée pour La Jeune Parque; sauf dans les grandsmouvements lyriques, où l'inspiration naturelle l'emporte sur les préoccupations philosophiques, on peut dire que : «les vers sont un peu faits un à un, et non point, comme il siérait, quatre par quatre...

Le désir d'une perfectionplastique et sonore...

amène à ciseler chaque vers spécialement et nuit à l'ondule-ment de la période entière...

» Le plus équitable serait peut-être de considérer La Jeune Parque comme un exercice de haute école, ainsi queValéry l'a dit lui-même avec une simplicité que trop de commentateurs ont prise pour une feinte.

Le bénéfice en aété considérable pour le poète et l'on peut affirmer que presque toutes les pièces de Charmes en découlent nonseulement pour les thèmes, mais encore pour de nombreux motifs de détail.

Valéry aurait-il trouvé la forme définitivedes vers illustres : Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes... s'il n'avait au préalable essayé la rime dans La Jeune Parque : Osera-t-il, le Temps, de mes diverses tombes,Ressusciter un soir favori des colombes... Ecoutons donc le poète : Lorsque j'ai terminé ma Jeune Parque en avril 1917, disait-il à ses auditeurs de Nice, cepoème m'a laissé dans un tel état d'entraînement intellectuel et littéraire acquis par quatre ans d'un travail tel qu'ilm'est arrivé quelques semaines après d'écrire en très peu de temps très rapidement Aurore et Palme et j'ai eul'impression moi-même qu'ayant fait de l'escrime avec une barre de plomb, j'en faisais avec un fleuret. (Cahiers du Sud : Valéry vivant). »

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