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LES FIGURES DANS LE STYLE ABSTRAIT. BRIEVETE DE LA VIE.

Publié le 28/04/2011

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   Méditation composée par Bossuet en 1648, alors que, âgé de 21 ans, il se préparait au sous-diaconat. On y étudiera les figures employées pour préciser, éclairer, prouver la pensée.    C'est bien peu de chose que l'homme, et tout ce qui a fin est bien peu de chose. Le temps viendra où cet homme, qui nous semblait si grand, ne sera plus, ou il sera comme l'enfant qui est encore à naître, ou il ne sera rien. Si longtemps qu'on soit au monde, y serait-on mille ans, il faut en venir là. Il n'y a que le temps de ma vie qui me fait différent de ce qui ne fut jamais : cette différence est bien petite, puisqu'à la fin je serai encore confondu avec ce qui n'est point ; ce qui arrivera le jour où il ne paraîtra pas seulement que j'aie été, et où peu m'importera combien de temps j'ai été, puisque je ne serai plus. J'entre dans la vie avec la loi d'en sortir, je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître. J'en vois passer devant moi, d'autres me verront passer ; ceux-là même donneront à leurs successeurs le même spectacle ; et tous, enfin, se viendront confondre dans le néant.  Ma vie est de quatre-vingts ans, tout au plus, prenons-en cent : qu'il y a eu de temps où je n'étais pas ! qu'il y en a où je ne serai point ! et que j'occupe peu de place dans ce grand abîme des ans ! Je ne suis rien ; ce petit intervalle n'est pas capable de me distinguer du néant où il faut que j'aille. Je ne suis venu que pour faire nombre : encore n'avait-on que faire de moi, et la comédie ne se serait pas moins bien jouée quand je serais demeuré derrière le théâtre. Ma partie est bien petite en ce monde et si peu considérable que, quand je regarde de près, il me semble que c'est un songe de me voir ici et que tout ce que je vois ne sont * que de vains simulacres.    Ma carrière est de quatre-vingts ans tout au plus et, pour aller là, par combien de périls faut-il passer ? par combien de maladies, etc.? à quoi tient-il que le cours ne s'en arrête à chaque moment ? ne l'ai-je pas reconnu quantité de fois ? J'ai échappé * la mort à telle et telle rencontre : c'est mal parler « j'ai échappé la mort «, j'ai évité ce péril, mais non pas la mort : la mort nous dresse diverses embûches ; si nous échappons l'une, nous tombons en une autre ; à la fin, il faut venir entre ses mains. Il me semble que je vois un arbre battu des vents ; il y a des feuilles qui tombent à chaque moment ; les unes résistent plus, les autres moins : que s'il y en a qui échappent de l'orage, toujours l'hiver viendra qui les flétrira et les fera tomber. Ou comme, dans une grande tempête, les uns sont soudainement suffoqués, les autres flottent sur un ais * abandonné aux vagues, et lorsqu'il croit avoir évité tous les périls, après avoir duré longtemps, un flot le pousse contre un écueil et le brise. Il en est de même : le grand nombre d'hommes qui courent la même carrière fait que quelques-uns passent jusques au bout ; mais après avoir évité les attaques diverses de la mort, arrivant au bout de la carrière où ils tendaient parmi tant de périls, ils la vont trouver eux-mêmes et tombent à la fin de leur course ; leur vie s'éteint d'elle-même comme une chandelle qui a consumé sa matière.    Bossuet.

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