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FREUD: Avec ces forces la nature se dresse contre nous...

Publié le 09/04/2005

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C'est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rapprochés et avons créé la civilisation qui, entre autres raisons d'être, doit nous permettre de vivre en commun. À la vérité, la tâche principale de la civilisation, sa raison d'être essentielle est de nous protéger contre la nature. On le sait, elle s'acquitte, sur bien des chapitres, déjà fort bien de cette tâche et plus tard elle s'en acquittera évidemment un jour encore bien mieux. Mais personne ne nourrit l'illusion que la nature soit déjà domptée, et bien peu osent espérer qu'elle soit un jour tout entière soumise à l'homme. Voici les éléments, qui semblent se moquer de tout joug que chercherait à leur imposer l'homme : la terre, qui tremble, qui se fend, qui engloutit l'homme et son oeuvre, l'eau, qui se soulève, et inonde et noie toute chose, la tempête, qui emporte tout devant soi ; voilà les maladies, que nous savons depuis peu seulement être dues aux attaques d'autres êtres vivants, et enfin l'énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n'a jusqu'ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C'est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d'une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l'humanité face aux forces supérieures de la nature. FREUD

Dans un passage du Discours de la méthode, écrit en 1637, Descartes appelle de ses voeux le développement de la construction de machines qui permettront aux hommes de mieux vivre en se rendant « comme maîtres et possesseurs de la nature «. La perspective cartésienne n'est pas celle d'une exploitation sauvage de notre environnement. Elle définit un enjeu de taille pour l'humanité. Répondre aux défis que la nature nous lance, du fait de la puissance dévastatrice de ces phénomènes, représente un des éléments clés du progrès en matière de qualité de vie. C'est reconnaître ainsi qu'un des buts de la vie en commun est de se protéger face à la violence du milieu naturel. Il semble que, trois cents ans après Descartes, Freud reprenne cette direction de pensée. II va cependant y ajouter une correction essentielle. Les hommes ne parviendront jamais à la maîtrise qu'ils espèrent. Le Discours de la méthode avait un ton conquérant, à la différence de notre extrait qui affirme l'échec inéluctable de l'entreprise. Quel est donc le sens de la civilisation ? Menons-nous une existence absurde ?  

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« peuvent nous faire croire que celle-ci sera un jour complète.

L'illusion se situe à ce point.

L'homme perd le sens duréel parce qu'il désire que ce dernier ne le blesse plus.

Freud mentionne ici le caractère inéluctable de la mort afin denous rappeler la vérité ultime de notre condition.b) La sublimité est une propriété complexe.

Elle apparaît d'abord comme une qualité.

Un paysage sublime nous saisitet nous transporte de joie.

L'idée de ravissement rend bien cette impression de capture et de vive satisfaction.

Onne voit donc pas comment la cruauté pourrait y être associée.

Cependant, puisque le sublime se révèle par l'actiond'une force qui s'empare de nous, il implique une inégalité et même une disproportion.

Notre esprit est écrasé enmême temps qu'enchanté.

Cette satisfaction est donc trouble, ambivalente.

Victor Hugo l'a souvent relevé.L'épouvantable, par la fascination qu'il exerce, peut avoir une certaine grandeur et donc devenir sublime.

La pieuvreest un monstre mais son rayonnement horrible la rend attirante.

Dans notre texte, la majesté indifférente de lanature face à la petitesse de l'homme fait d'elle une réalité formidable.

La démesure de sa puissance nous accabletout en nous contraignant à l'admirer. c) Ce spectacle est noble car il montre des hommes unis vers un but louable.

La vie courante est traversée par desconflits d'intérêts.

L'opposition peut être un facteur de progrès mais toute communauté a besoin de concorde.

Orcelle-ci est rare.

L'intérêt des uns s'exerce fréquemment en causant le dommage des autres.

Cependant, lorsqu'unecatastrophe naturelle ravage un pays ou une de ses régions, les sentiments humanitaires se réveillent.

Les autresÉtats envoient des secouristes et du matériel parfois très sophistiqué.

Les particuliers font des dons alimentaires ouen argent.

Les barrières linguistiques, culturelles, et même les divergences politiques s'estompent.

Il est certesmalheureux de constater qu'il faille un fléau pour retrouver la nécessité de l'union mais il demeure que de tellesattitudes redonnent foi dans la possibilité de bien vivre ensemble.

Elles font exister concrètement des valeursuniverselles.

Elles sont, dirait Kant, le signe d'une capacité morale à progresser. - Question 3 L'homme est un être de culture.

Ce terme désigne l'ensemble des particularités par lesquelles nous nous distinguonsdes animaux de façon significative.

Il est d'usage d'en retenir trois.

La parole, qui suppose la création de signeslinguistiques, les institutions et les outils.

Cette dernière dimension fait référence à la capacité technique parlaquelle nous avons sans cesse accru notre maîtrise de la nature.

Dans ce texte, Freud réfléchit au but de la culturequ'il identifie à la civilisation.

Quelles sont les raisons qui nous ont motivés à nous réunir ? Sa réponse est claire.

IIs'agissait de faire front faceà la puissance de l'environnement naturel.

C'est donc l'aspect technique qui serait déterminant.

Cette réponse nerisque-t-elle pas d'appauvrir le sens de l'idée de civilisation ? Peut-on faire une hiérarchie entre les éléments qui lacomposent ?Il n'est pas douteux que les hommes doivent s'unir pour survivre.

Hume définit l'être humain par « l'unionmonstrueuse de la faiblesse et du besoin ».

L'adjectif monstrueux indique clairement l'existence d'une disproportionentre ce que nous devons obtenir pour ne pas mourir et la pauvreté des forces dont nous disposons.

Les besoinsnaturels sont impérieux.

Ils nous soumettent à leur nécessité et nul ne peut y répondre seul de façon durable.

Dansla République, Platon en déduit qu'une communauté implique la division des métiers et des relations codifiéesd'échange.

La nature n'est donc pas comme une mère qui veillerait sur nous.

Seules des civilisations hautementtechnicisées peuvent nourrir des rêves de retour à la nature.

Les travaux des historiens montrent à quel point nosancêtres ont affronté un univers qui les soumettait à son cours.Doit-on pour autant estimer que cette dimension constitue à elle seule la mission principale de la civilisation.

Notreintroduction a fait apparaître deux autres dimensions.

Quel est leur statut ?La vie humaine est impensable sans le langage.

Or celui-ci n'est pas un ensemble de cris comme chez les animaux,mais il consiste en paroles enchaînées dans des discours.

Si la parole a pour matière un élément naturel — le son —elle l'articule et le transforme en signe représentatif des choses.

Celles-ci peuvent donc être évoquées en leurabsence.

La parole n'est pas un cri autrement modulé.

Elle implique un esprit capable de former des idées de ce quil'entoure et de ce qu'il ressent.

L'échange des signes à travers une langue est aussi important que la fabrication desbiens utiles à la vie matérielle.

Sans eux les hommes ne pourraient pas coopérer, élaborer des projets, décider desorientations de leurs actions.

Leur vie ne serait pas véritablement humaine.

Le cas des institutions est analogue.

Lesanimaux vivent en suivant les lois de leur instinct et sans en avoir conscience.

L'homme n'est pas un être naturel ausens où il doit inventer des règles pour que la vie commune soit possible.

Les coutumes, les normes juridiquesl'attestent.

Leur variété renforce cette évidence.

Si leur contenu change au fil du temps ou suivant les pays, lanécessité des règles demeure immuablement.

Kant souligne que la culture est le fruit d'une insociable sociabilité carchacun cherche à diriger autrui tout en ayant besoin de lui.

L'entraide est vitale mais le rapprochement suscite descomparaisons, de la jalousie et un désir de l'emporter.

Les rapports humains sont donc instables et, comme on sait,parfois très violents.

La stabilisation des désirs exige le règne du droit qui par ses obligations assorties de sanctionss'efforce de faire exister un ordre commun pacifié.Dès lors nous ne pouvons pas dire que le but principal de la civilisation soit de répondre aux seules difficultésmatérielles par des inventions techniques.

Ne privilégier que cette dimension serait oublier que les hommes doiventaussi apprendre à bien vivre ensemble en réglant leurs relations par la parole et par des dispositions juridiquescontraignantes.

La civilisation a pour tâche légitime d'éduquer l'homme à sa propre humanité.. »

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