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HEGEL: Galerie d'opinions

Publié le 05/04/2005

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En ce qui concerne d'abord cette galerie d'opinions que présenterait l'histoire de la philosophie - sur Dieu, sur l'essence des objets de la nature et de l'esprit - ce serait, si elle ne faisait que cela, une science très superflue et très ennuyeuse, alors même qu'on invoquerait la multiple utilité à retirer d'une si grande animation de l'esprit et d'une si grande érudition. Qu'y a-t-il de plus inutile, de plus ennuyeux qu'une suite de simples opinions ? On n'a qu'à considérer des écrits qui sont des histoires de la philosophie, en ce sens qu'ils présentent et traitent les idées philosophiques comme des opinions, pour se rendre compte à quel point tout cela est sec, ennuyeux et sans intérêt. Une opinion est une représentation subjective, une idée quelconque, fantaisiste, que je conçois ainsi et qu'un autre peut concevoir autrement. Une opinion est mienne ; ce n'est pas une idée en soi générale, existant en soi et pour soi. Or la philosophie ne renferme pas des opinions, il n'existe pas d'opinions philosophiques. HEGEL
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« [2.

L'absence de valeur d'une telle conception de l'histoire de la philosophie.]Hegel énonce à deux reprises sa critique à l'encontre de l'histoire de la philosophie entendue comme collectiond'opinions; cette histoire est condamnée comme inutile et ennuyeuse.

Ennui et inutilité vont de pair.

Une tellehistoire se méprend en effet, comme il apparaîtra par la suite, sur l'essence de la philosophie, elle est dès lors nonphilosophique, sans intérêt.

L'histoire de la philosophie doit être elle-même philosophique, c'est ce qui ressortnégativement de ce texte de Hegel, ainsi que cela apparaîtra plus clairement par la suite.

Cette histoire dénoncéepar Hegel est par ailleurs ennuyeuse : elle ne présente que des opinions, qui sont autre chose que l'ex-pression dela pensée vivante de leurs auteurs, elle ne peut offrir qu'une pensée sèche, sans âme, sans vie.

Le résumé de lapensée d'un philosophe sous la forme d'une série d'opinions qu'on lui attribue ôte en effet à cette pensée sonmouvement, sa spontanéité, pour la figer et l'immobiliser. [3.

La réserve formulée par Hegel : toute histoire de la philosophie n'est pas irrémédiablement condamnée.]Cependant cette condamnation des «écrits qui sont des histoires de la philosophie» ne porte que sur ceux qui«présentent et traitent les idées philosophiques comme des opinions»; autrement dit, une telle conception del'histoire de la philosophie n'est pas inévitable, n'est pas constitutive de ce genre philosophique : une autre façond'écrire l'histoire de la philosophie – dont Hegel ne dit rien dans ce texte – est possible et souhaitable.

L'histoire dela philosophie devra ainsi, et c'est là toute la difficulté de l'entreprise, envisager les différentes doctrines non commedes opinions mais comme des sciences, en un tout qui ne soit pas une «galerie», une «suite», mais qui sacheorganiser dynamiquement les moments historiques de la philosophie, en préservant l'identité et la vérité de chacund'entre eux. [III.

Nature de l'opinion.] [1.

L'opinion est subjective.]Après avoir condamné l'histoire de la philosophie entendue comme suite d'opinions, Hegel explicite sa pensée endéfinissant cette dernière.

En premier lieu, l'opinion, tout comme la connaissance, est une représentation : elle nenous offre pas son objet en chair et en os mais nous le représente.

Toutefois, à la différence de la connaissance,l'opinion est une représentation subjective.

La connaissance ne vaut pas seulement pour moi, mais pour tout lemonde ; l'opinion ne vaut que pour moi, elle n'est vraie que pour moi.

Faire de la pensée d'un philosophe une opinion,c'est faire que cette pensée ne vaille plus pour tous, mais ne soit plus que l'expression d'une personnalité singulière,sans objet saisissable universellement. [2.

L'opinion est contingente.]On comprend dès lors aisément la seconde caractéristique de l'opinion: elle est contingente (Hegel ajoute même«fantaisiste»), elle n'est le fruit d'aucune nécessité.

L'opinion est en ce sens gratuite, sans fondement véritable.Aussi puis-je adopter telle opinion plutôt que telle autre, et chacun est libre d'embrasser une autre opinion que moisans que je puisse rien y trouver à redire.

C'est bien ce qui se passe si l'on présente sous forme d'opinions variéesles doctrines des philosophes dans une histoire de la philosophie : si l'on oppose en les plaçant côte à côte, en lesmettant en relation de façon purement extérieure, un idéalisme platonicien et un empirisme aristotélicien, undualisme cartésien et un monisme spinoziste, tout cela nous semble indifférent, les thèses des uns et des autresdeviennent arbitraires, toutes également vraies, c'est-à-dire toutes également fausses. [3.

L'opinion est mienne.]Que mon opinion soit essentiellement «mienne» est ainsi clair.

Une opinion est quelque chose que moi, dans monindividualité, je pense.

Autrui peut avoir les mêmes opinions que moi : notre accord sera accidentel, fortuit.

A ladifférence en effet de la science qui est en droit commune à tous, qui est la même pour tous, qui n'appartient àpersonne (puisqu'elle est objective), l'opinion est d'abord ma propriété.

Le théorème de Pythagore n' appartient pasà Pythagore, mes opinions politiques n'appartiennent qu'à moi.

Hegel joue sur les mots pour rendre cette idée plusvive : «opinion» se dit Meinung et «mien» mein en allemand.

Ainsi l'opinion se trouve-t-elle rejetée du côté de lasingularité et ne peut-elle s'élever à l'universalité de l'idée générale, dotée d'une vérité objective, «en soi et poursoi». [IV.

Exclusion de l'opinion du domaine de la philosophie.] Hegel peut alors conclure par une formule restée célèbre en rejetant l'opinion hors du domaine de la philosophie.

Ilfaut noter la portée de cette affirmation : il n'est plus question de l'histoire de la philosophie mais de la philosophieen général.

Si l'histoire de la philosophie ne peut valablement consister en une suite d'opinions, c'est que la naturede la philosophie est tout autre, non parce que les auteurs de ces écrits historiques s'y seraient mal pris ou auraientmanqué de méthode, de sens historique, etc.

Représenter la philosophie sous la forme d'opinions qu'auraient émisesles grands penseurs, même pour des fins simplement didactiques ou pédagogiques, c'est dénaturer la philosophie.

Iln'y a pas seulement un abus de langage à parler d«< opinions philosophiques», mais c'est avant tout un contresens.Ce qui fait la philosophie, c'est justement – et ce depuis Socrate et Platon – le refus de l'opinion, la critique del'opinion afin d'accéder à la science, la négation du vraisemblable et du douteux et la recherche du vrai.

Affirmer lecontraire, ce serait alors faire du philosophe le tenant d'une opinion étrangère à tout critère de vérité, valableseulement comme un point de vue individuel, un avis singulier, explicable par les seules circonstances historiques.. »

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