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L'idée de nature

Publié le 17/02/2004

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, VI) déclare que la nature, en général, est « l'ordre et la disposition que Dieu a établis dans les choses créées ». MALEBRANCHE, en opposition à la conception aristotélicienne et scolastique, affirme qu'« à proprement parler, ce qu'on appelle nature n'est rien autre chose que les lois générales que Dieu a établies pour construire ou conserver son ouvrage par des lois très simples, par une action toujours uniforme, constante, parfaitement digne d'une sagesse infinie et d'une cause universelle » (Tr. de la Nature et de la Grâce). Ainsi s'annonce la conception moderne de la nature comme totalité des phénomènes déterminés par des lois. « Les lois, écrira MONTESQUIEU, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. » L'ensemble des phénomènes, dira KANT (Crit. de la R. pure), est appelé monde lorsqu'il est posé comme un tout mathématique, une grandeur, un assemblage dans l'espace ou dans le temps ; mais on le nomme nature lorsqu'on le considère comme un tout dynamique et qu'on a égard à l'unité dans l'existence (Dasein) des phénomènes : « La condition de ce qui arrive, s'appelle alors cause, et la causalité conditionnée de la cause s'appelle, au sens étroit, causalité naturelle », tandis que la causalité inconditionnée reçoit le nom de liberté. Dans les Prolégomènes (§ 14), il précisera que la nature n'est pas l'existence des choses en soi, mais « l'existence des choses en tant que déterminée suivant des lois universelles ». La nature, ainsi comprise, devient essentiellement l'objet de la science et, tout spécialement, des sciences physiques.

« III.

Nature et surnaturel. En un sens secondaire, qui s'apparente au précédent, mais lui est antérieur, la nature, c'est l'ordre terrestre,temporel, par opposition à ce qui le transcende, c'est-à-dire au surnaturel, au divin, au miraculeux.Les théologiens distinguent la « lumière naturelle » de la raison et les vérités de la foi, accessibles seulement par larévélation, — le cours ordinaire de la nature et le miracle qui est, sinon une dérogation aux lois naturelles, du moinsun fait qui « surpasse la puissance de la nature » (saint Thomas), — et, d'une façon générale, l'ordre de la nature etcelui de la grâce.

Certains auteurs, comme PASCAL, vont presque jusqu'à opposer les deux ordres : « L'évidence deDieu, dit-il, n'est pas telle dans la nature », et c'est chose remarquable que « jamais auteur canonique ne s'est servide la nature pour prouver Dieu » (Pensées).

Toutefois, Pascal lui-même admet que « la nature est une image de lagrâce », du moins pour ceux qui ont la foi, et MALEBRANCHE, loin d'opposer les deux ordres, rappelle que « c'est lamême sagesse » qui a établi l'un et l'autre (Tr.

de la Nature et de la Grâce, I, art.

23) : l'ordre de la grâce a ses loiscomme l'ordre naturel, mais c'est parce que « l'ordre de la nature est subordonné à celui de la grâce » (Entr.métaphysiques, XI, § 4).Ici, la nature ne se suffit pas à elle-même : elle ne prend toute sa signification que par rapport à un ordre qui ladépasse. IV.

Nature et convention. La nature peut enfin être opposée, en tant qu'état originel, à tout ce qui lui a été surajouté par la vie sociale ou parla réflexion : au conventionnel, à l'artificiel, à Y affecté et, de façon plus générale, à tout ce qui est d'institutionhumaine.

C'est ainsi qu'on distingue le droit naturel, celui qui appartient à l'homme de par son essence même, duseul fait qu'il est homme, du droit positif, établi par la coutume ou par la loi.

Le xviiie siècle se plaira à exagérercette distinction, à en faire une véritable opposition.

ROUSSEAU surtout exaltera la nature, qui fait l'homme bon (onrejoint ici le premier sens), aux dépens de la civilisation qui le déprave : « Tout est bien, dit L'Emile, sortant desmains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme » qui « ne veut rien tel que l'a fait la nature». Tout est bien, sortant des mains de l'auteur des choses : tout dégénèreentre les mains de l'homme.

Il force une terre à nourrir les productions d'uneautre; un arbre à porter les fruits d'un autre.

Il mêle et confond les climats,les éléments, les saisons.

Il mutile son chien, son cheval, son esclave.

Ilbouleverse tout, il défigure tout : il aime la difformité, les monstres.

Il ne veutrien tel que l'a fait la nature, pas même l'homme; il le faut dresser pour luicomme un cheval de manège ; il le faut contourner à sa mode comme unarbre de son jardin.

Sans cela tout irait plus mal encore, et notre espèce neveut pas être façonnée à demi.

Dans l'état où sont désormais les choses, unhomme abandonné dès sa naissance à lui-même parmi les autres serait le plus défiguré de tous.

Les préjugés,l'autorité, la nécessité, l'exemple, toutes les institutions sociales, danslesquelles nous nous trouvons submergés, étoufferaient en lui la nature, et nemettraient rien à la place.

Elle y serait comme un arbrisseau que le hasard faitnaître au milieu d'un chemin, et que les passants font bientôt périr, en leheurtant de toutes parts et en le pliant dans tous les sens.

Rousseau Thème et thèse Rousseau traite ici de l'étouffement de la nature en l'homme et par l'homme.L'idée corollaire est une hiérarchie des valeurs : supériorité de la nature, toujours bonne, dès le départ et par essence.

D'où la dimension négative de tout ce qui, chez l'homme, l'amène às'écarter de la nature.

D'où un déchirement dans la conception de l'homme : à l'état de nature, il serait bon ; dansla société, s'il ignore tout de celle-ci, il ne peut suivre la nature sans être perdu ; sans cette dimension de nature, iln'est rien non plus.

Quelle définition avoir de l'homme, quelle solution ou quel équilibre ? Pour Rousseau, c'est cetteconception qui va introduire la nécessité philosophique de l'éducation, qu'il développe dans l 'Émile . 1.

L'homme bouleverse la nature Tout est bien, sortant des mains de l'auteur des choses : tout dégénère entre les mains de l'homme.

Il force uneterre à nourrir les productions d'une autre; un arbre à porter les fruits d'un autre.

Il mêle et confond les climats,les éléments, les saisons.

Il mutile son chien, son cheval, son esclave. • C'est par une phrase célèbre et choc que s'ouvre ce texte, marquant un parallèle rigoureux entre deux états dechoses : celui de la nature et celui de la société.

Rousseau exprime fortement la supériorité de l'état naturel où« tout est bien », et condamne l'action humaine de bouleversement de la nature.

Le verbe « dégénérer » impliquejustement une régression, le passage d'un état positif à un état négatif.

Le seul argument que l'on puisse trouver icitémoignant de la perfection de la nature est celui de son créateur, « l'auteur des choses ».

L'homme, autre créateurà sa manière, ne crée pas à partir de rien, mais à partir d'une matière déjà donnée, que Rousseau appelle nature ; or. »

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