La loi dégage-t-elle de toutes responsabilités ?
Publié le 15/04/2005
Extrait du document
Le mot « loi « peut avoir deux sens : un sens politique d’une part, et il désigne alors une règle obligatoire mise en place par l’autorité au pouvoir et prescrivant certains comportements, certains principes communs, ou posant certaines interdictions – ce sens politique peut d’ailleurs se généraliser à un sens moral, et faire référence à une règle que l’on se prescrit ou que l’on suit parce qu’elle nous semble pertinente pour nous faire réaliser un idéal moral ; un sens scientifique d’autre part, et une loi est alors un rapport constant observé entre des phénomènes. Cependant, lorsque l’on emploie l’expression « la loi «, on fait référence à son sens strictement politique : c’est donc sur celui-ci qu’il faudra se concentrer. Dégager quelqu’un de quelque chose, c’est faire en sorte qu’il ne soit plus concerné par cette chose ; le sens de ce verbe est donc fort, il contient l’idée d’une rupture définitive entre deux éléments. Avoir la responsabilité d’un acte, c’est l’assumer, pouvoir s’en déclarer l’auteur. C’est aussi consentir à prendre en charge cet acte : une responsabilité est donc à la fois une tâche et une attitude que l’on entretient avec cette tâche et par laquelle on se pose comme en étant l’agent. Le mot est ici employé au pluriel et avec le déterminant « toutes « : il faudra donc envisager la responsabilité sous les avatars multiples qu’elle peut prendre. On peut en effet être responsable d’une chose parce que nous l’avons initiée, parce que nous l’assumons, ou parce que l’on nous a confié cette attitude de responsabilité. C’est le lien entre la loi et la responsabilité qui est ici interrogé : la loi est-elle une prescription qu’il s’agit de suivre aveuglément, sans l’interroger et sans chercher à l’assumer personnellement pour elle-même ? Si l’on accepte cette définition, alors il peut sembler pertinent de soutenir que la loi dégage de toutes responsabilités, parce qu’elle fonderait nos actions à notre place, dicterait notre comportement, si bien que nous n’aurions plus à assumer ce dernier. Il semble néanmoins abusif de considérer la loi comme une prescription agissant sur nous comme un programme que nous exécuterions en aveugles. Il faut alors se demander quelle part de responsabilité personnelle reste ménagée par la loi – la loi limite-t-elle la responsabilité, ou laisse-t-elle celle-ci intacte ?
«
Si la loi instaure une responsabilité collective obligatoire, on pourrait continuer à soutenir que la loi fonde tout demême les comportements à la place des individus, et les dégage donc d'une responsabilité individuelle.
L'examen dutexte d'Aristote permettra, contre cela, de promouvoir l'idée d'une relation active et responsable de chacun à l'égardde la loi.
On pourra aussi interroger le sens de la déclaration selon laquelle « nul n'est censé ignorer la loi ».
* La promotion d'une conception absolue de la responsabilité Sartre « Si je suis mobilisé dans une guerre, cette guerre est ma guerre, elle est à mon image et je la mérite.
Je la mérited'abord parce que je pouvais toujours m'y soustraire, par le suicide ou la désertion : ces possibles ultimes sont ceuxqui doivent toujours nous être présents lorsqu'il s'agit d'envisager une situation.
Faute de m'y être soustrait, je l'aichoisie ; ce peut être par veulerie, par lâcheté devant l'opinion publique, parce que je préfère certaines valeurs àcelle du refus même de faire la guerre (l'estime de mes proches, l'honneur de la famille, etc.).
De toute façon, ils'agit d'un choix.
Ce choix sera réitéré par la suite d'une façon continue jusqu'à la fin de la guerre ; il faut doncsouscrire au mot de J.
Romains : « À la guerre, il n'y a pas de victimes innocentes.
» Si donc j'ai préféré la guerre àla mort ou au déshonneur, tout se passe comme si je portais l'entière responsabilité de cette guerre.
Sans doute,d'autres l'ont déclarée et l'on serait tenté, peut-être, de me considérer comme simple complice.
Mais cette notionde complicité n'a qu'un sens juridique ; ici elle ne tient pas ; car elle a dépendu de moi que pour moi et par moicette guerre n'existe pas et j'ai décidé qu'elle existe.
Il n'y a eu aucune contrainte, car la contrainte ne saurait avoiraucune prise sur une liberté ; je n'ai aucune excuse, car [...] le propre de la réalité humaine, c'est qu'elle est sansexcuse.
« On pourra enfin radicaliser le propos et proposer une conception maximaliste de la responsabilité humaine, ce quiremettrait en cause le sujet dans ses termes mêmes.
La loi ainsi ne dispense pas l'être humain d'être concerné pardes choix dont il doit répondre – elle est simplement l'un des éléments à l'égard desquels il est supposé exercer saresponsabilité.
L'homme irresponsable et qui se servirait de la loi comme prétexte pour son irresponsabilité demeurealors, de toute façon, sans excuse.
Loin de dégager l'homme de toutes responsabilités, la loi est un lieu importantde l'exercice de ces responsabilités.
Conclusion Il semblerait aisé de soutenir que la loi est un programme prescrivant certains comportements et dispensant àl'homme de les fonder et de s'en déclarer responsables.
Cette position n'est cependant pas tenable, parce que la loicherche à instaurer une forme de responsabilité collective que tous doivent assumer, et parce que l'homme est,fondamentalement, un être responsable.
Considérer que la loi dégage de toutes responsabilités, c'est considérerabusivement la loi comme un prétexte à l'irresponsabilité, et c'est trahir à la fois l'essence de la loi et l'essence del'homme..
»
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