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Malebranche et la liberté

Publié le 11/01/2004

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malebranche
Quand je dis que nous avons le sentiment intérieur de notre liberté, je ne prétends pas soutenir que nous ayons le sentiment intérieur d'un pouvoir de nous déterminer à vouloir quelque chose sans aucun motif physique(1) ; pouvoir que quelques gens appellent indifférence pure. Un tel pouvoir me paraît renfermer une contradiction manifeste [...] ; car il est clair qu'il faut un motif, qu'il faut pour ainsi dire sentir, avant que de consentir. Il est vrai que souvent nous ne pensons pas au motif qui nous a fait agir ; mais c'est que nous n'y faisons pas réflexion, surtout dans les choses qui ne sont pas de conséquence. Certainement il se trouve toujours quelque motif secret et confus dans nos moindres actions ; et c'est même ce qui porte quelques personnes à soupçonner et quelquefois à soutenir qu'ils(2) ne sont pas libres ; parce qu'en s'examinant avec soin, ils découvrent les motifs cachés et confus qui les font vouloir. Il est vrai qu'ils ont été agis pour ainsi dire, qu'ils ont été mus ; mais ils ont aussi agi par l'acte de leur consentement, acte qu'ils avaient le pouvoir de ne pas donner dans le moment qu'ils l'ont donné ; pouvoir, dis-je, dont ils avaient le sentiment intérieur dans le moment qu'ils en ont usé, et qu'ils n'auraient osé nier si dans ce moment on les en eût interrogés.

Malebranche définit ce que recouvre le "sentiment intérieur de notre liberté" en l'opposant à ce que l'on appelle liberté d'indifférence : on entend par là une faculté de choix qui ne serait déterminée par aucun motif, hypothèse absurde qui nie la possibilité même de tout choix ou de toute décision. Si rien en effet ne nous incline à donner notre assentiment, nous ne pouvons que nous abstenir.    Dès lors, on peut affirmer que notre liberté est toujours déterminée, que ce soit par des motifs qui nous restent cachés ou, par des motifs dont nous sommes conscients.    On peut pourtant s'interroger : si ce sont des "motifs cachés et confus" qui nous font vouloir, peut-on encore affirmer la liberté de celui qui choisit dans l'ignorance de ce qui le détermine ?  

malebranche

« Malebranche refuse ici de lier comme Descartes voulait le faire, le sentiment intérieur de notre liberté avec la libertéd'indifférence pure.

Celle-ci signifierait que nous pouvons choisir sans être aucunement déterminés par un motif, uneraison.

Il s'agirait là d'un choix indifférent parce que sans motif, gratuit en quelque sorte.

Descartes lui-mêmereconnaissait qu'il s'agissait alors du plus bas degré de notre liberté.

Si rien ne nous détermine à vouloir telle choseplutôt que telle autre, nous n'avons finalement aucune raison de choisir et c'est l'impossibilité de choisir qui enrésultera. Il faut ainsi "sentir", c'est-à-dire ici avoir une raison avant que de se décider.

Ce premier moment du texte constituel'énoncé de la thèse à laquelle Malebranche va apporter des arguments. 2) "Il est vrai [...] conséquence" Premier argument en forme de concession : Nous agissons parfois sans connaître les motifs qui nous font agir.Cette ignorance n'invalide en rien l'existence de notre liberté.

Mais il suffit d'y prêter attention pour constater quece motif existe.En réalité, ce sont les circonstances (affaires de peu d'importance) qui nous conduisent à agir sans réfléchir maisnon sans motif. 3) "Certainement [...] qu'on les eût interrogés" a) Deuxième argument à nouveau en forme de concession Ici, Malebranche accorde que dans toute action, il y a toujours quelque raison ou motif qui nous échappe.

Cetteignorance conduit certains à refuser l'existence du libre arbitre : selon eux, si quelque chose nous détermine à agir,nous ne pouvons plus parler d'un pouvoir de nous déterminer librement. b) Réponse de Malebranche à cette concession Que nous soyons en un sens passif dans le choix (nous sommes alors agis) parce que déterminés par un motif,n'exclut pas que nous ne soyons aussi actifs.

En effet, nous n'agissons que parce que nous donnons notreassentiment -assentiment que nous pouvons toujours refuser-.

Le libre arbitre n'est donc en rien menacé parl'existence de motifs conscients ou non. Malebranche achève son argumentation par une conclusion qui revient sur le sentiment intérieur dont il étaitquestion au début du texte.

Ce pouvoir de choix ne nous est pas connu autrement que par ce "sentiment intérieur"qui nous fait éprouver notre liberté au moment où nous agissons.

Ce sentiment, toujours à la portée de laconscience, apparaît comme une évidence dont chacun peut faire l'expérience dés lors qu'il "s'examine avec soin". B - ETUDE CRITIQUE Malebranche interroge ici l'idée "d'indifférence pure", celle qui consiste à définir la liberté comme l'absence dedétermination.

N'est-ce pas limiter la puissance de notre volonté qui peut, même si elle n'est déterminée par rien, sedéterminer elle-même ? Descartes dit bien que l'indifférence est le plus bas degré de la liberté mais montre aussiqu'elle est ce qui atteste de la puissance de cette volonté. On peut aussi questionner la position de Malebranche qui affirme l'existence du libre arbitre malgré l'existence de"motifs cachés et confus": l'ignorance des motifs qui nous déterminent à agir ne rend-elle pas illusoire l'affirmationde la liberté ? Selon Spinoza, la méconnaissance que nous avons des causes qui nous déterminent explique laconscience illusoire que nous avons de notre libre arbitre.

Le sentiment intérieur ne peut donc fonder l'affirmation dulibre arbitre. IV - DES REFERENCES UTILES - Descartes, Lettre au Père Mesland.- Spinoza, Ethique I, appendice.- Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, livre II. V - LES FAUSSES PISTES Un contresens sur le texte : l'existence de motifs n'exclut pas -selon Malebranche- la liberté, même si ces motifsnous sont mal connus. VI - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR Un texte qui ne présente pas de difficulté de compréhension sur un thème classique.

Il suppose cependant unelecture rigoureuse et un effort d'analyse conceptuelle.. »

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